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Sabotages en Malaisie

La construction d’un barrage en Malaisie est menacée par des attentats. Les intérêts français sont en péril ; notre meilleur agent est envoyé sur place. Dès le premier chapitre, ça commence mal pour lui : son correspondant est mort et on en veut à sa peau !
Jacky Fray plonge ici son agent secret favori, Benny Pérucci, dans une aventure qui évoque un peu, en moins bien quand même, ce chef d’oeuvre du roman d‘action qu’est LUC FERRAN TRAQUE LE VIRUS. Même conspiration asiatique contre la présence occidentale (ici, des maoistes de la Chine Populaire ; là les membres d’une secte japonaise d’extrême droite), même super-agent invincible plongé dans l’action débridée… Seul le sujet-prétexte change : après la création d’un virus mortel (comme dans VIRUS-PARTY ou VIRUS H 84 : un thème récurrent de l’espionnage pop), on passe aux déjà moins excitants sabotages en série.
L’ambiance asiatique est bien rendue, les deux girls sont sexy en diable et les scènes d’action soignées (notamment une superbe bagarre contre un géant, davantage un sumo que le simili Toxic Avenger de la couverture, une bagarre qui en rappelle une de ATOUT COEUR A TOKYO… ou du Luc Ferran évoqué plus haut !).
Pérucci est un héros sympathique, avec un certain sens de la répartie et un humour de bon aloi. Ce qui ne l’empêche pas d’être peu original ; des agents secrets comme ça, il y en avait des dizaines dans les années 60 ! Pour l’anecdote, Pérucci, après la fin des éditions Arabesque, reviendra chez Promodifa, non plus agent du SDECE, les services secrets français de l’époque, mais agent de l’OTAN (au moins dans DES FEZ ET D’AIRAIN, signé Lou Dundee, série SOS).
Impitoyable, à la fin du roman, il interroge une ancienne maîtresse pendant qu’elle se fait violer par trois Chinois ! Il fallait oser… La scène est un peu grotesque. En même temps, elle permet de voir jusqu’où les auteurs ont pu aller pour prouver la dureté de leurs héros. Les espions n’étaient pas des boy-scouts – pas des Bob Morane, des chevaliers modernes ! Et les romanciers firent tout pour décrire un monde de l’ombre sans pitié aucune. Comme quand Pérucci menace de torturer un ennemi à l’acide sulfurique ! L’infortuné personnage la recevra en pleine tête suite à un faux mouvement de sa part :
« … le contenu venait de se répandre sur le visage de l’autre, l’inondant d’acide corrosif. Les yeux brûlés, la face ravagée, se tordant désespérément, l’Indonésien tentait d’échapper à l’enfer qui le taraudait, le vrillait comme une lame rougie. » (P. 182)
Un peu avant , Benny Pérucci pousse presque son autre maîtressse (une magnifique Malaise, peu farouche avec ça) au suicide en lui annonçant froidement qu’il va la conduire au tribunal pour complicité avec l’ennemi. Un peu ridicule là-encore : notre héros manque singulièrement de psychologie même s’il se la joue constamment. Il a beau la rassurer maladroitement en lui expliquant qu’il parlera en sa faveur, rien n’y fait !
SABOTAGES EN MALAISIE commence sur les chapeaux de roue pour égrener des tentatives de meurtre contre le gêneur Pérucci. On l’agresse un peu de toutes les façons imaginables (descente d’un étage sans ascenseur, serpent, comme chez H. T. Perkins ; attaque à la grue ; arts martiaux en veux-tu en voilà…) et il sème les cadavres sur son passage.
Pour peu que l’on ne cherche pas une intrigue trop complexe, la lecture de SABOTAGES EN MALAISIE amuse et passionne même. Le roman d’espionnage rejoint ici le roman d’aventures exotique, le roman d’action pure.
On peut rêver aujourd’hui d’un roman à la EXPENDABLES qui réunirait des années après tous les grands agents secrets de l’Arabesque, du Fleuve Noir et, pourquoi pas, de la SEG !
Ils mériteraient bien pareil hommage.

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