Sadako

Un texte signé Yannik Vanesse

Japon - 2012 - Suzuki Kôji
Titres alternatifs : S

Kashiwada Seiji est un tueur en série, qui a assassiné plusieurs fillettes. Condamné à mort, il laisse, comme dernier message avant sa pendaison, un « S » dessiné sur une feuille. Quelques temps après, Andô Takanori, spécialiste du traitement des images, reçoit de son patron une vidéo, sur une clé USB. Sur cette dernière, on voit une pendaison, dans un petit appartement. Takanori doit déterminer s’il s’agit d’un véritable suicide ou d’un trucage. Copiant les images sur son ordinateur, il découvre que la vidéo évolue à chaque vision, jusqu’à dévoiler le visage du mort : Kashiwada Seiji.

Suzuki Kôji s’est fait connaître grâce à l’adaptation cinématographique de ses œuvres. C’est en effet à cet auteur que l’on doit DARK WATER et surtout la trilogie RING, qui a rendu si populaire les fantômes japonais, grâce à la vision très éloignée mais fascinante des livres, qu’en avait Nakata Hideo. L’auteur revient avec S, édité chez Fleuve Editions. Si le titre original du roman est bien S, l’éditeur l’a hélas traduit en SADAKO. Outre le fait que la signification de cette lettre est bien différente (ce qui n’est guère surprenant avec l’alphabet japonais), le titre français dévoile en outre un rapprochement avec RING, que le lecteur ne découvre qu’au bout de près de 200 pages. Il est ainsi dommage que Fleuve Editions, en utilisant ce truc pour rendre ce livre plus attractif (et donc qu’il se vende mieux), mette à jour une des grosses surprises du roman.

Sorti de ce défaut propre à la traduction, le nouveau livre de Suzuki Kôji, conserve la manière d’écrire propre à l’auteur, tout en évitant certains écueils qui avaient empêché RING d’être un véritable chef d’oeuvre. RING, le livre, contrairement à son adaptation cinématographique, privilégiait l’enquête et le symbolisme. Ainsi, l’ouvrage n’était pas très effrayant, mais développait une intrigue complexe et passionnante (chaque image de la fameuse VHS avait par exemple une signification précise, et la vidéo se révélait bien plus longue que dans l’adaptation cinématographique). L’auteur a conservé cela, et notre graphiste, sa future femme, et un ami journaliste ayant enquêté sur le tueur en série, font dont beaucoup de recherches, de déductions, d’études, et Suzuki s’en tire à merveille. Il parvient de surcroît à créer une ambiance assez sombre, qui crée un malaise diffus chez le lecteur, grâce à l’ombre de ce tueur en série, qui semble vivre dans un ordinateur, ainsi qu’avec la femme qu’aime notre héros, poursuivie par un inconnu. De plus, tous deux possèdent des trous dans leur passé, et cette sensation qu’un malheur terrible est survenu alors qu’ils étaient enfants, et que ce moment recèle certaines clés dont ils ont besoin, crée une gêne délicieuse chez le lecteur. A cela s’ajoute la description de la société japonaise, précise sans être trop didactique, qui crée, par sa rigidité, une gêne supplémentaire pour un lecteur européen.
Un des problèmes de RING venait de la construction des personnages, peu crédibles (dans le tome 2, un enfant, en voyant une goutte de sperme, se met à penser ADN et à partir dans des réflexions philosophico/scientifiques assez effarantes). Ici, les protagonistes sont crédibles, bien qu’un peu trop niais par moment (et acceptant immédiatement le surnaturel), et le lecteur peut s’identifier à eux, et se laisser porter par ce récit des plus intéressant, où l’auteur utilise brillamment les objets technologiques comme outil de crainte paranormale.
En effet, S est un très bon livre, qui se rate cependant quelque peu sur la fin. Si les révélations ne surprendront pas le lecteur connaissant le reste de son œuvre (les mêmes thématiques, sur les dimensions, les images et les maladies, apparaissent), la manière dont elles sont révélées aux héros sonne un peu comme un deux ex-machina et aurait mérité d’être amenée plus subtilement. Cependant, ce livre reste très agréable à lire, se reliant à la perfection avec les autres livres de l’auteur. Il peut, de plus, être lu indépendamment, Suzuki Kôji dévoilant, dans sa narration, tous les éléments nécessaires à la compréhension.


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- Article rédigé par : Yannik Vanesse

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