Sasquatch Mountain

Un texte signé André Cote

USA - 2006 - Steven R. Monroe
Interprètes : Lance Henriksen, Cerina Vincent, Michael Worth, Tim Thomerson, Rance Howard...

Après un accident de voiture, des braqueurs de banques sont contraints de fuir à travers les profondes forêts d’Arizona. Au cours de leur fuite, ils vont être confrontés au légendaire Bigfoot.
A l’image du Yéti ou du monstre du Loch Ness, le Sasquatch (Bigfoot en français) est une créature mythique qui attend encore qu’un métrage lui rende justice. A cet égard, il est surprenant de constater que les “monster movies” ont offert les heures de gloire non pas à des mythes issus de folklore populaire, mais à des créations purement originales comme Godzilla ou King Kong. On aurait pu croire que l’existence de légendes aurait facilité le penchant des scénaristes pour des créatures tels que le Bigfoot. Or, il n’en est rien, seuls quelques métrages leur sont dédiés et, hélas, ceux-ci virent très vite au hors-sujet comme la comédie familiale BIGFOOT ET LES HENDERSON.
Qu’en est-il de SASQUATCH MOUNTAIN ? Tout d’abord, son générique (un rendez-vous amoureux entre Chase Jackson, interprété par Lance Henriksen – inoubliable acteur de ALIENS, LE RETOUR – et sa femme) n’hésite pas à entrer dans le vif du sujet : la mort de sa femme lors d’une rencontre avec le Sasquatch conduit Jackson à dédier sa vie à prouver l’existence de cette créature. L’utilisation de la caméra au poing (la scène est filmée en DV par la femme de Jackson elle-même) se révèle des plus pertinentes : elle renvoie à la dimension “réelle” du Sasquatch. Cette perception de la réalité s’allie ici à la préexistence de ce mythe dans notre culture.
Malheureusement, si ces quelques minutes exposent un climat de mystère, l’intrigue s’en écarte bien vite au profit du braquage dans une petite ville aux abords de la forêt. Ainsi, le métrage est détourné vers le simple thriller. On aurait pu pardonner cette approche au réalisateur Steven R. Monroe (directeur de la photographie de DESIGNE POUR MOURIR avec Steven Seagal ou RAPID FIRE avec Brandon Lee) s’il ne s’était pas perdu dans une dynamique dominée par une mise en scène sur-découpée et un montage d’images tremblotantes. On a parfois l’impression que les intermèdes ont été réalisés par le Sasquatch lui-même, c’est dire. La fuite des braqueurs à travers cette forêt, à la tombée de la nuit, poursuivis par les officiers de police locaux, débouche sur des scènes de dialogue qui auraient pu être écourtées. Heureusement, la composition de Tim Thomerson dans le rôle d’Evi Van Cleef, un vieux briscard “qui a fait le Viêt-Nam”, est nettement plus appréciable : le charme du cliché.
Ainsi, il est dommage que le scénario ne se soit pas entièrement focalisé sur Jackson. SASQUATCH MOUNTAIN aurait pu devenir un remake de Moby Dick où notre veuf hanté par la mémoire de sa femme aurait poursuivi, tel Achab et sa baleine, ce Sasquatch. Le visage émacié (et maintenant ridé) de Henriksen aurait parfaitement exprimé la totale dévotion à cette mission. D’ailleurs, l’une des scènes (les braqueurs visionnant en sa présence le film réalisé par la femme de Jackson) nous donne un petit aperçu de ce qu’aurait dû être le reste du métrage. Néanmoins, ce moment n’aurait-il pas été plus poignant si la caméra n’avait pas cessé de filmer notre personnage principal écoutant les propos qu’il échangeait avec sa défunte épouse ? En effet, cet instant semble parasité par le monologue d’un des malfaiteurs et les images redondantes de cette même vidéo. N’aurait-il pas été plus pertinent de les laisser hors champs ? Au spectateur de reconstruire mentalement ces images en même temps qu’ils mesurent leur impact sur la psyché du mari survivant.
En somme, nous aurions eu l’effet que Monroe et son scénariste ont réussi à produire avec le dernier plan : après la résolution des intrigues, la caméra cadre la forêt d’Arizona afin de donner une portée universelle au propos du métrage. En voix-off, nous entendons un appel téléphonique du 911 : un homme a aperçu un rôdeur autour de sa maison. L’homme, paniqué, décrit l’individu (“il est énorme, il doit mesurer plus de deux mètres”), le spectateur reconnait le Sasquatch. Ceci produit ainsi l’effet le plus terrifiant du film : la représentation de la créature laissée à notre imagination, plus efficace que le pauvre acteur costumé du métrage.
Par conséquent, SASQUATCH MOUNTAIN vaut surtout pour deux ou trois bonnes idées. Certaines de ces idées réussissent à nous décrocher quelques sourires, comme quand on nous présente la raison pour laquelle notre créature rôde (un indice : cela à un rapport avec la mort d’un chasseur). Par contre, si ce n’était pour ces quelques éléments, SASQUATCH MOUNTAIN n’arriverait qu’à satisfaire les fans inconditionnels de Lance Henriksen.


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- Article rédigé par : André Cote

- Ses films préférés : Dark City, Le Sixième Sens, Le Crime Farpait, Spider-Man 3, Ed Wood

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