Scalps

Un texte signé André Quintaine

USA - 1983 - Fred Olen Ray
Interprètes : Jo-Ann Robinson, Richard Alan Hench, Roger Maycock, Frank McDonald, Carol Sue Flockhart

Après le massacre de sa tribu, une jeune Indienne s’enfuit en compagnie d’un Blanc. Elle assouvira bientôt sa vengeance dans le sang.
Lorqu’on prononce le nom de Bruno Mattei devant nombre de bissophiles, il faut s’attendre à un sourire goguenard tant sa réputation est calamiteuse. Il est vrai que ce réalisateur hyperprolifique (et, contrairement à d’autres, encore actif jusqu’à sa triste disparition récente) ne s’est jamais embarrassé de détails et d’effets stylistiques un tant soit peu recherchés. Certains Italiens faisaient vite et bien (Mario Bava, Lucio Fulci, Antonio Margheriti…), d’autres, comme Mattei, faisaient… comme ils pouvaient ! Pourtant, il serait stupide de trop lui jeter la pierre tant sa carrière fut riche et excitante. Le seul vrai reproche qu’on pourrait lui faire était peut-être sa tendance à (trop) copier ses petits camarades sans forcément apporter une valeur ajoutée à ses clones (au contraire). Quoiqu’un certain humour-délire (involontaire ?) ne soit pas à négliger chez lui.
Curieusement, Mattei ne toucha pas au western spaghetti, genre-roi du bis italien, avant les années 80, avec BIANCO APACHE et ce SCALPS, deux films pro-indiens réputés pour leur violence extrême. Il était courageux de se lancer dans pareille entreprise à une époque où le western était plus qu’enterré. Le PALE RIDER de Clint Eastwood, en 1985, n’était quand même peut-être pas étranger à ce retour de flamme. Même si l’inspiration est davantage à chercher du côté de SOLDAT BLEU (très apprécié de Mattei comme il le confie dans SPAGHETTI NIGHTMARES)…
On pourrait craindre le pire. Et bien, ce serait là une grande erreur. Il ne faut jamais oublier une règle essentielle dans la découverte du cinéma bis : tout est possible. C’est même sans doute l’une des formes de cinéma les plus surprenantes et novatrices. SCALPS, aussi fauché soit-il, est un vrai bon western, tourné dans des décors splendides, avec une histoire forte et une musique morriconnienne puissante. Pour l’anecdote, l’histoire est officiellement signée par la vedette des sixties Richard Harrison, même s’il s’agit plutôt d’une idée de son fils selon Bruno Mattei lui-même (lire le NOCTURNO qui lui est consacré).
Bruno Mattei a vraiment fait fort. SCALPS est un film authentique, brutal, qui aborde le thème classique de la vengeance avec un point de vue indien très rare en Italie. Mapy Galan campe une guerrière aussi belle que farouche. Elle scalpe ses ennemis quand elle ne les transperce pas de flêches mortelles ! On retrouvait une décennie auparavant un personnage fort proche dans le BLACK KILLER de Lucky Moore. A ses côtés, un revenant : Vassili Karis, petite vedette pour Roberto Mauri dans les années 70. Bien conservé, le pistolero s’acquitte fort bien de sa tâche. Force est de reconnaître que leur histoire d’amour est réussie et touchante.
Les sudistes sont des ordures sadiques et rigolardes qu’on prend plaisir à voir massacrer un par un par des héros tout aussi féroces – si ce n’est qu’ils ont le bon droit pour eux !
SCALPS n’a pas usurpé sa réputation de western gore. On a droit à une décapitation durant la très correcte scène de massacre au début, puis à la vision choquante d’un type scalpé encore vivant (dans quel état !). Les sudistes ne sont pas en reste en ce domaine : le scalpage effectué sur un pauvre indien est terrifiant !
Mais le plus horrible est à venir puisque le final voit Vassili Karis effroyablement torturé par l’officier sudiste. On lui plante des crochets dans la poitrine (à l’indienne, genre UN HOMME NOMME CHEVAL) et on le traîne (en « laisse ») derrière des chevaux. La scène est longue, implacable et d’une grande dimension émotionnelle. On peut vraiment parler du fameux lyrisme latin, qu’on ne trouve guère ailleurs hormis chez des réalisateurs asiatiques comme Chang Cheh. Une « bonne » torture au cinéma fait éprouver de la souffrance au spectateur. C’est le cas ici, on aimerait presque que l’indienne l’achève pour mettre fin à ses souffrances.
La toute fin oppose Karis et le colonel, tous deux dans un très sale état puisque ce dernier a deux flèches dans le torse. Sans doute un exemple unique de duel entre deux mourants. Comme de juste, le salopard finira scalpé par un Karis plein de haine (qu’on imagine pas survivre au film), celui-là même qui réprouvait ces pratiques barbares un peu plus tôt. Mais dans le western italien, peut-être plus qu’ailleurs, la souffrance entraîne la souffrance, et le mal s’ajoute au mal, dans un cycle sans fin.


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks


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