Festival du Film Britannique de Dinard 2018review

Scarborough

Dans un hôtel décrépit de Scarborough, petite ville balnéaire anglaise, deux couples se retrouvent loin des regards indiscrets. Le premier est formé par un lycéen et sa professeure. Celle-ci est visiblement tourmentée par quelque chose et souhaite parler à son jeune amant mais ce dernier préfère lui faire l’amour et aller sur les réseaux sociaux plutôt que de faire face à ce qui est probablement une rupture. Lorsqu’elle lui apprend qu’elle est enceinte, il va alors tout faire pour lui prouver qu’il peut être un père en dépit de son jeune âge et des risques légaux qu’elle encourt. Le second couple est formé d’une jeune lycéenne et de son professeur d’art plastique. Visiblement, ce dernier a choisi cet hôtel et cette ville pour rompre, loin de toute personne pouvant les reconnaître. Mais la jeune femme en décide autrement et va tout faire pour qu’il change d’avis, quitte à le faire chanter en inventant une histoire de bébé attendu.

SCARBOROUGH est la seconde réalisation de Barnaby Southcombe, réalisateur anglais ayant précédemment conçu I, ANNA. Le film est l’adaptation d’une pièce de théâtre écrite par de Fiona Evans. Restant fidèle à la pièce, le film n’introduit pas de personnages secondaires, préférant se concentrer sur les deux couples qui semblent vivre en parallèle la même histoire. Ce procédé scénaristique est intéressant mais trop formel pour rendre l’histoire réellement vivante.

La mise en scène adoptée, très proche de celle de David Lowery dans A GHOST STORY, c’est-à-dire avec un style très maniéré, s’inspire d’un filtre Instagram pour les couleurs, ce qui donne un côté « vieilles photos de vacances » au film. Cet aspect va cependant avec l’atmosphère du film, le rendant agréable à regarder. Néanmoins, entre un scénario un peu trop systématique, une narration très schématisée et une mise en scène figée, le film manque de vie.

Fort heureusement, le casting lui apporte le souffle, l’impétuosité et la chaleur. Jessica Barden, qui incarne la jeune Beth, nous scotche littéralement par son charisme et son regard pétillant, plein de vie. La jeune actrice, remarquée dans la série anglaise THE END OF THE F***ING WORLD et apparue également en jeune ingénue dans PENNY DREADFUL, montre qu’elle a un sacré potentiel.

Son double masculin est incarné par le jeune Jordan Bolger remarqué dans PEAKY BLINDERS et la série de SF pour adolescents THE 100. Incarnant le jeune Daz, il parvient à rendre très touchant ce jeune homme qui passe pour un petit con au début avant de dévoiler une tendresse, une naïveté et une passion débordante pour sa professeure dont il semble éperdument amoureux.

Le film parvient à nous faire épouser le point de vue de ces adolescents : ce n’est pas leur premier amour mais celui-ci les dévore et, s’il prenait fin, le monde s’effondrerait. C’est cette foi indestructible qu’ils ont en l’amour qui rend le film aussi poignant et qui permet d’accepter le retournement de situation du milieu du film.

Face aux jeunes gens, les deux professeurs, chacun à leur manière, paraissent désemparés, incapables de s’en tenir au à leur plan de départ. Ils n’envisagent toutefois pas de mettre en danger leur carrière, leur couple et leur liberté. A leurs yeux, cette histoire d’amour n’est qu’une tocade. Pourtant, l’amour de ces adolescents est aussi pour eux une manière de retrouver ce qu’ils ont perdus. Edward Hogg (WHITE LIGHTING, TABOO, KILL YOUR FRIENDS) et Jodhi May (SISTER MY SISTER, LE DERNIER DES MOHICANS, GAME OF THRONES) campent chacun à leur manière ces adultes désabusés qui ne croient plus en l’amour ou qui , du moins, se sont mis à en douter sérieusement.

Dans l’ensemble, SCARBOROUGH est intéressant, d’autant qu’il s’attache à dépeindre des histoires d’amour excessivement compliquées, légalement prohibées, et qu’il le fait sans jugement. Au contraire, il interroge l’interdit puisqu’il laisse plutôt la part belle à l’expression des sentiments des jeunes gens, faisant des adultes des personnes enfermées dans leurs contradictions. L’âge et l’amertume emportent-il tout, y compris l’amour ?

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