See No Evil

Un texte signé Daniel Courtine

USA - 2006 - Gregory Dark
Interprètes : Christina Vidal, Luke Pegler, Glen Jacobs, Samantha Noble, Michael J. Pagan

SEE NO EVIL, film de Gregory Dark, s’inscrit dans la tradition des slashers qui ont donné naissance à Jason, Freddy, etc… L’action se déroule dans l’espace clos d’un ancien hôtel qui fut la proie des flammes une trentaine d’années auparavant. L’immensité de cette maison rappelle les demeures chères à Dario Argento. Comme il est souvent de tradition dans ce genre de films, nous retrouvons un groupe d’adolescents tentant d’échapper à un tueur. Mais ici ce sont de jeunes délinquants (quatre garçons, quatre filles) qui vont, accompagnés d’un policier, passer un week-end dans l’hôtel afin de travailler à sa réhabilitation. Accueillis par la propriétaire des lieux, ils vont découvrir cette magnifique bâtisse labyrinthique dont les innombrables couloirs vont prendre parfois des allures de coursives. La pénombre dans laquelle baigne l’ensemble des pièces de l’hôtel distille une ambiance étouffante propice à des crises de claustrophobie. Ainsi, le groupe va très rapidement se voir piégé et ses membres vont subir les assauts du tueur qui a fait de ce lieu un piège redoutable et son “Home sweet home”.
Malgré l’utilisation de quelques tics clipesques, tout cela est filmé avec dextérité et les ambiances glauques dues principalement au caractère délabré du décor plongent le spectateur dans un environnement malsain. Soutenues par une bande-son des plus efficaces, les scènes de meurtre tiennent leurs promesses et la tension est au rendez-vous. Jacob Goodnight, notre tueur (interprété par le catcheur Kane) d’environ 2 m et d’une force hors du commun, a une prédilection pour les yeux de ses victimes qu’il fait gicler de leur orbite avec délectation : des flash-back nous donneront la clef de cette manie. Autre manie : il ferre ses victimes à l’aide d’un crochet fixé à une chaîne, ce qui donne l’impression de voir de bêtes à viande tirées vers l’abattoir. Nous pouvons, pour certaines scènes, y voir des analogies avec le crochet où leatherface accroche ses victimes.
Il est possible de ne voir dans SEE NO EVIL que poncifs et clichés alignés dans une réalisation qui suit les traces de MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE. Par exemple, on peut penser que le scénario est indigent et que la psychologie des personnages est des plus sommaires, que le jeu des acteurs est caricatural. Mais il y a une autre façon d’aborder ce film qui suit la tradition du slasher et en intègre les règles et les codes : bien sûr que c’est un traumatisme dans l’enfance qui est à l’origine de la violence du tueur et de son comportement ; bien sûr que les meurtres sont dans la lignée de ce que les classiques du genres nous ont déjà montré. Mais Grégory Dark et Dan Madigan (le scénariste) apportent une lecture attractive du thème en introduisant de l’humour et un zeste de sensualité (la scène de la douche où le tueur découvre un tatouage christique sur les reins de la belle : de plus cette scène tient une place essentielle pour la suite des événements). Pour l’humour noir et la dérision, ne manquez pas l’ultime image du film. Pour ce qui est des meurtres, la scène où Jacob (le tueur) enfourne le téléphone portable dans la bouche de la blonde de service est un régal. L’antre de Jacob VAMPIrappelle le côté oppressant de la maison de MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE avec des trophées qui sont différents mais le malaise est bien présent.
Dark a réussi son coup en nous proposant un film qui, en épousant les codes du genre, remplit son contrat mais qui, en plus, donne un côté adulte au tueur qui apparaît moins primaire que dans nombre de slashers. Bien que les meurtres offrent leur quota de gore, la personnalité du tueur est éclairée d’une façon habile qui nous conduira à une scène (que nous ne vous dévoilerons pas) où le spectateur pourra regarder Jacob avec compassion et se dire que, comme souvent, le monstre n’est pas forcément toujours celui que l’on croit. Toujours au sujet de la psychologie des personnages, le rapport de Jacob avec sa mère est présenté au cours de flash-backs qui ne sont pas dénués d’émotion.
Autre point fort du film, le décor bien crade du Blackwell Hotel, même s’il rappelle des huis clos comme SAW, transporte le spectateur dans un univers fait de pourriture et d’insectes rampants où les rares lumières viennent renforcer une atmosphère lourde. De plus, même si la psychologie des jeunes victimes aurait pu être plus approfondie (mais est-ce là le but de ce type de film ?), les personnages restent suffisamment crédibles pour que leurs différents comportements puissent trouver un écho dans la façon dont ils sont tués ou non. Ceci est particulièrement vrai pour la victime potentielle qui sera épargnée grâce à une particularité de son anatomie (ou à cause de). Cette particularité fera le lien avec des événements qui se sont déroulés quelques années auparavant. Nous sommes en présence d’un excellent film qui aurait pu être plus extrême dans les scènes de meurtres mais qui compense par les rebondissements scénaristiques et un humour noir que l’on ne remarque peut-être pas à la première vision. Les amateurs de tueurs psychopathes ne bouderont pas leur plaisir et classeront SEE NO EVIL à côté de MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE, DETOUR MORTEL ou LA MAISON DES 1000 MORTS. Une mention spéciale à Kane dont le physique impressionnant se suffit à lui seul et particulièrement lors de la scène de son apparition derrière une glace dans la chambre où deux jeunes batifolent sur le lit. Egalement pour son visage sur lequel on décèle la fêlure de son âme et qui nous permet de nous souvenir que nous nourrissons tous un monstre en notre sein.
Un film peut-être pas aussi bourrin que nous pourrions le penser mais qui nous donne ce que nous allons y chercher : du sang et des larmes.


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- Article rédigé par : Daniel Courtine

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