Seeding of a Ghost

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Hong Kong - 1983 - Yang Chuan
Titres alternatifs : Zhong gui
Interprètes : Phillip Ko, Norman Chu, Maria Jo, Jaime Mei Chun Chik

Ce précurseur de la Catégorie III a été produit par la Shaw Brothers à la toute fin de son règne, alors que le studio tentait désespérément d’attirer dans les salles un nouveau public. Au début des années 80, le mythique studio lâcha en effet sur le monde une série de titres bien délirants, mélangeant (souvent n’importe comment mais avec enthousiasme) l’érotisme, l’horreur et parfois les arts martiaux ou un soupçon d’action. On se souvient ainsi de HUMAN LANTERN, de la trilogie HEX, de SEX BEYOND THE GRAVE, de CORPSE MANIA, de THE BOXER’s OMEN ou des trois volets de BLACK MAGIC. Le film qui nous occupe est d’ailleurs parfois considéré comme le dernier volet “officieux” de la saga BLACK MAGIC mais il va beaucoup plus loin dans l’outrance que les trois volets officiels. Et il est aussi, disons le tout de suite, beaucoup plus réussis.
Une jeune femme, Irene, travaille dans un casino et, délaissée par son époux Li (Philip Ko), tombe sous le charme d’un homme marié. Voici le couple adultérin vivant le parfait amour mais, un soir, Irene somme son amant de divorcer et, devant le refus de celui-ci, elle sort seule dans la nuit. Mal lui en prend puisqu’elle tombe sur deux petits voyous qui vont la violer dans une maison abandonnée avant de la tuer accidentellement. Guidé par une force mystérieuse, Li découvre le corps de son épouse et décide de recourir à la magie noire pour se venger. En dépit du prix élevé à payer, il accepte l’aide d’un sorcier qui va déchaîner ses sortilèges à l’encontre des deux petites frappes et de l’amant.
SEEDING OF A GHOST mérite largement sa réputation d’œuvre déjantée et sulfureuse, tant le réalisateur n’hésite jamais à verser dans l’exploitation la plus outrancière pour captiver son public. Il use ainsi d’un érotisme certain, détaillant sans vergogne la nudité de son actrice principale qui courre dans l’eau ou prend sa douche. Un peu plus tard, le métrage verse davantage dans le glauque et nous montre quelques passages au cours desquels le cadavre maintenant bien décomposé et gluant de la jeune demoiselle décédée s’offre du bon temps avec son ancien violeur. Le cinéma ayant rarement touché au tabou de la nécrophilie, la scène possède un impact important, d’autant que les trucages, quoique rudimentaires, fonctionnent bien.
Niveau horreur, SEEDING OF A GHOST ne ménage pas sa peine mais commence relativement doucement, se permettant simplement l’une ou l’autre scènes de violence avant que l’atmosphère putride ne prenne le dessus. La longue scène du viol est, elle, typique des rape and revenge (ou des thrillers d’autodéfense) et se conclut par une chute brutale qui rappelle immédiatement celle d’UN JUSTICIER DANS LA VILLE 2 sorti peu de temps auparavant. On sait qu’à Hong Kong, comme en Italie à la même époque, les bonnes idées ne se perdaient jamais mais étaient rapidement recyclées. SEEDING OF A GHOST adjoint donc le thème de la vengeance et de la justice personnelle à celui de la magie noire, illustrée à grands renforts d’effets à base de fumée et de ténèbres.
A mi-film, Yang Chuan s’inspire donc carrément des meilleurs Lucio Fulci en se vautrant complaisamment dans le poisseux, le visqueux, le gluant…bref, le répugnant. Il nous détaille ainsi un des violeurs qui, possédé, se goinfre de cervelle. Vomissement de vers et autres joyeusetés comme l’extraction brutale d’une colonne vertébrale sont également au programme, ainsi qu’un passage touchant à l’inceste puisque la sœur d’un des violeurs, soudainement possédée par l’esprit de la défunte, se montre fort entreprenante vis-à-vis de son frère.
Puis, dans son dernier quart d’heure, SEEDING OF A GHOST s’oriente carrément vers le cinéma d’horreur pur et dur en nous offrant un accouchement sanglant inspiré d’ALIEN et une créature monstrueuse tentaculaire ouvertement empruntée à THE THING, sans oublier quelques emprunts à EVIL DEAD. Ce final est d’ailleurs terriblement gore pour un film hongkongais et devrait donner un sourire satisfait à tous les amateurs du genre. Même si les effets spéciaux ne peuvent rivaliser avec les productions occidentales précitées mais, en dépit d’un budget modeste, ils sont plutôt sympathiques et même tout à fait corrects, dans la lignée des films italiens comme CONTAMINATION.
Le scénario, pour sa part, n’est pas vraiment original mais il est bien mené et même inventif, n’hésitant pas à proposer quelques séquences déjantées et étonnantes que peu de métrages ont osé offrir. Le rythme est tout à fait satisfaisant et, la durée réduite aidant, le spectateur ne s’y ennuie pas le moins du monde excepté, peut-être, lors des passages orientés “enquête policière” du début, pas vraiment utiles à la progression dramatique. L’humour, lui, est absent de ce titre qui, contrairement à la plupart des métrages estampillés érotisme / horreur / magie noire produits par la Shaw Brothers, se veut réellement sérieux et horrifique de bout en bout.
En définitive SEEDING OF A GHOST s’avère fort réussi et s’inscrit parmi les fleurons du cinéma asiatique excessif et fier de l’être, aux côtés de ETERNAL EVIL OF ASIA, EROTIC GHOST STORY 2 et quelques autres CatIII qui font le bonheur des amateurs.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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