Sesso in confessionale

Un texte signé Philippe Chouvel

Italie - 1974 - Vittorio De Sisti
Titres alternatifs : Sex Advice
Interprètes : Emilio Servadio, Carmine Benincasa, Luigi De Marchi, Patrizia Carrano

Durant les années 1960/70, le cinéma d’exploitation se lance dans la production de films documentaires consacrés à des sujets plus ou moins osés, mais dans une volonté délibérée de choquer. Les deux pays qui vont s’avérer être les plus productifs dans ce domaine sont l’Italie (avec les fameux « Mondos », notamment) et l’Allemagne (avec les non moins célèbres « Report »). Les sujets traités sont variés mais toujours susceptibles d’attirer un public friand de tout ce qui est considéré comme tabou, tels le sexe et la mort.
SESSO IN CONFESSIONALE, comme son titre l’indique, parle de la sexualité, et de sa place au sein de la religion. A l’époque, l’Italie est un pays où l’église catholique possède encore une très forte influence, et où la parole des « représentants de Dieu » est non seulement écoutée, mais aussi crainte et respectée.
Dans ce contexte, il n’est donc pas étonnant de voir exploiter le filon de la religion, et de son antagonisme lié à la libération des mœurs dans les années 70. C’est le réalisateur Vittorio De Sisti qui se colle à la tâche. Auteur déjà de documentaires à caractère « sensationnel » (L’ANGLETERRE NUE, en 1969), et de sexy-comédies (le sympathique FIORINA LA VACCA, en 1972, qui réunit Janet Agren, Ornella Muti et Ewa Aulin dans un cadre médiéval), le cinéaste va s’inspirer ici de méthodes déjà utilisées et ayant fait leur preuve dans le Mondo. Tout comme ses illustres prédécesseurs Franco Prosperi et Gualtiero Jacopetti (MONDO CANE 2, AFRICA ADDIO), De Sisti mélange habilement dans son reportage la réalité et la fiction, intégrant des interviews impliquant des personnalités dont l’authenticité ne fait aucun doute, mais en filmant aussi des témoignages bidon.
Le résultat est pour le moins étrange, surtout pour le spectateur non habitué à la pratique du Mondo. SESSO IN CONFESSIONALE met ainsi en scène quelques sommités issues le plus souvent du domaine scientifique en qualité d’intervenants (un psychanalyste, un théologien et un sociologue), leur discours étant étayé par différents témoignages de femmes et d’hommes de la rue. Il va sans dire que ces derniers sont pour la plupart des acteurs anonymes. L’exemple le plus frappant concerne les multiples scènes de confession, au cours desquelles les prêtres posent des questions particulièrement embarrassantes et font usage d’un vocabulaire utilisé généralement dans le cabinet d’un sexologue, mais pas dans un confessionnal. De même, on n’imagine pas une seconde qu’un homme d’église aurait accepté de se laisser filmer, d’autant plus que les confessions relèvent du secret lié au code de déontologie.
Si, dans la forme, le sexe reste au centre des débats, le fond risque de décevoir les amateurs de films d’exploitation. En effet, on parle beaucoup de sexe dans ce pseudo-documentaire, mais on n’en voit jamais. SESSO IN CONFESSIONALE se résume à quatre vingt minutes de bavardages, dont l’intérêt tient essentiellement à remettre dans le contexte certains sujets sensibles de l’époque. Les sujets en question sont nombreux. Ainsi, sont évoqués le sexe en dehors du mariage, la théorie du pêché (entraînant la peur de la faute), l’influence de l’éducation et de la morale sur la vie sentimentale des jeunes ; mais également le contrôle des naissances (un problème toujours d’actualité, avec l’explosion démographique), l’usage du préservatif et des différents contraceptifs, la fameuse méthode Ogino & Knaus (qui consistait à éviter les rapports sexuels durant la période de fécondabilité), l’infidélité, l’avortement, la masturbation, etc…
Pour autant que le reportage de Vittorio De Sisti soit hermétique, sinon ennuyeux, il a au moins le mérite de mettre à mal les institutions religieuses, restées archaïques en cette fin de XXème siècle. Il est avéré que la position de l’Eglise, dans certains domaines, n’avait pas évolué depuis le Moyen Age. Et nombre de prêtres, en prônant la procréation et en condamnant le plaisir et l’orgasme, se posaient en véritables inquisiteurs. Nul doute, par exemple, que les campagnes anti-pilules causèrent la mort de beaucoup de femmes à la suite d’avortements clandestins.
Voilà peut-être le seul intérêt à visionner aujourd’hui SESSO IN CONFESSIONALE. A noter, également, que la bande originale est due à Ennio Morricone. Il s’agit en l’occurrence d’une partition assez étrange comme l’homme en a parfois livré, assez proche dans l’esprit de la musique contemporaine, tendance postmoderne. Cette bande son ne fait qu’amplifier un peu plus l’aspect décalé de l’œuvre de De Sisti.


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- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

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