Un texte signé Philippe Chouvel

Italie - 1974 - Sergio Ammirata
Titres alternatifs : Italian Sex
Interprètes : Pilar Velazquez, Lino Banfi, Mario Carotenuto, Didi Perego, Toni Ucci, Tino Scotti

retrospective

Sesso in testa

Diana Tornetti vient présenter sa thèse en sociologie devant un jury aussi nombreux que disparate. Le sujet dont elle va débattre n’est pas banal, puisqu’il aborde le comportement des Italiens envers les prostituées, et d’une manière générale la prostitution dans les grandes villes, Rome plus particulièrement. Afin d’étayer sa thèse, Diana est devenue elle-même une prostituée durant trois mois, au cours desquels elle a accumulé pas moins de deux cents passes…
La sexy-comédie est une institution en Italie, héritée en partie de la commedia dell’arte, théâtre populaire apparu au XVIe siècle. Au début des années 1970, c’est avant tout les œuvres de Pier Paolo Pasolini, telles « LE DECAMERON » et « LES CONTES DE CANTERBURY », qui vont influencer les cinéastes italiens et engendrer bon nombre de comédies ayant pour cadre le Moyen Age. L’alchimie consistant à servir au spectateur une farce appuyée (parfois très lourde) avec une pointe d’érotisme s’avérant être une bonne recette, bon nombre de metteurs en scène vont exploiter un peu plus le filon en le transposant peu à peu dans un cadre contemporain. Si l’année 1975 demeure le point d’ancrage de la sexy-comédie italienne, avec des films comme « LA PROF DONNE DES LECONS PARTICULIERES », « UN VICE DE FAMILLE » ou encore « LA FLIC CHEZ LES POULETS » (tous avec Edwige Fenech), de telles comédies furent tournées quelques années auparavant, notamment par les grands spécialistes du genre que furent Nando Cicero et Mariano Laurenti. D’autres réalisateurs vont très vite leur emboiter le pas, certains plutôt connus (Michele Massimo Tarantini, par exemple), d’autres beaucoup moins.
Sergio Ammirata entre dans cette seconde catégorie. Et pour cause, « SESSO IN TESTA » demeure son unique réalisation. Il faut dire que l’homme a avant tout officié en tant qu’acteur, et même si sa filmographie n’est pas vraiment remarquable, on constate néanmoins que Sergio Ammirata tourna en plusieurs occasions pour Renato Polselli et surtout Fernando Di Leo. Cela explique certainement la présence de Di Leo dans le film (un simple cameo, en tant que journaliste), ainsi que celle (toute aussi brève) de Marcello Bonini Olas, acteur emblématique de Polselli, dans le rôle furtif d’un membre du jury.
Sexy-comédie oblige, on retrouve dans « SESSO IN TESTA » quelques figures incontournables du genre, et qui reviendront de façon récurrente dans ces comédies jusqu’à la fin des années 1970, à savoir Mario Carotenuto et Lino Banfi, ce dernier incarnant le président du jury. Mais la véritable vedette du film est évidemment Pilar Velazquez, la belle ibère jouant la fameuse étudiante/prostituée. Son joli minois a été aperçu dans quelques thrillers transalpins de qualité inégale (« LE MANOIR AUX FILLES », « EXORCISME TRAGIQUE », « THE FLOWER WITH THE DEADLY STING » et « EROTICOFOLLIA »), avant que l’actrice ne bifurque vers des œuvres plus légères, comme ce « SESSO IN TESTA ». Sans la présence de l’actrice espagnole, le film n’aurait probablement aucun intérêt, tant elle éclabousse de son charisme et de son talent la moindre scène. Le film est constitué de nombreux flashbacks (une quinzaine environ) relatant les expériences de Diana en tant que prostituée. A la fin de chaque anecdote vécue par l’héroïne, on se retrouve dans la salle du jury, où quelques gags reviennent de manière trop systématique.
Les scénettes sont très inégales, tant au niveau de la durée que de la qualité. L’ensemble apparaît aussi hétérogène, s’enfonçant dans la farce presque vulgaire par moments, et bifurquant parfois dans un surréalisme intéressant. De plus, en plein milieu du film, Ammirata s’offre une parenthèse digne d’un roman-photo, un interlude qui nous plonge dans l’intimité de Diana avec son petit ami. Si l’on rajoute un teaser qui n’entretient aucun rapport avec le reste du film (où Diana est artiste de cabaret), il apparaît que « SESSO IN TESTA » a bien du mal à conserver une ligne directrice. Le message de tolérance adressé par le réalisateur n’est pas toujours très clair, de même, aussi bien quant au sujet principal de son film, la prostitution, qu’envers d’autres thèmes développés en filigrane dans certains sketchs, comme celui de l’homosexualité (Ammirata jouant lui-même un faux homosexuel dans le film). Parfois, le cinéaste semble engagé dans une cause ; à d’autres moments il se montre particulièrement moqueur.
Par conséquent, de par son discours confus et sa structure narrative inégale, « SESSO IN TESTA » se rapproche plus de la curiosité que de la réussite proprement dite. Le film alternant de surcroît la sexy-comédie et la fibre du mondo, le spectateur ne sait pas vraiment si Sergio Ammirata a cherché avant tout à faire rire ou à provoquer son auditoire. On peut cependant lui reprocher de s’être trop égaré dans différentes schématiques, pour finalement décevoir, au vu du résultat. Malgré quelques bonnes idées, « SESSO IN TESTA » reste donc en deçà des sexy-comédies majeures.


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- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

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