Sex and Zen

Un texte signé André Quintaine

Hong Kong - 1991 - Johnny Mak
Interprètes : Lawrence Ng, Kent Cheng, Xu Jin-Jing, Lo Lieh, Amy Yip, Isabella Show, Carrie Ng

SEX AND ZEN est un film érotique, et une fois n’est pas coutume, il nous vient de Hong Kong. Il est difficile de visionner des films de Hong Kong en France, et on peut dire que nous avons bien de la chance d’avoir pu voir cette petite perle sur nos écrans. Ceux qui connaissent un peu le cinéma chinois, reconnaîtront Kent Cheung dans le rôle du docteur spécialiste en greffes de sexes, et dont la prestation dans RUN AND KILL est encore dans toutes les mémoires. SEX AND ZEN, a beau être un film érotique, il n’en est pas moins intéressant. Il ne faut pas s’attendre à se retrouver en face d’un Joe D’Amato des familles, diffusé habituellement sur M6. SEX AND ZEN est l’HISTOIRE DE FANTOMES CHINOIS de l’érotisme et un hymne à la démesure du membre masculin.
L’histoire se déroule dans la Chine médiévale. Cheng quitte son maître car il refuse l’abstinence. Il se marie alors à une jeune fille riche. Il la quitte pour continuer ses études dans une ville lointaine. Là, il rencontre Choi, à qui il demande de lui faire rencontrer une femme mariée libertine. Choi se moque de lui, car Cheng est loin d’être suffisamment membré pour satisfaire une telle femme. Cheng se met alors à la recherche d’une solution et rencontre un docteur, spécialiste en greffes de sexes. Cheng est ambitieux, et se retrouve finalement avec un sexe de cheval. Les portes du plaisir vont alors s’ouvrir à lui, et ses conquêtes seront nombreuses. Pendant ce temps, sa femme se fait enlever et subit des exercices pour devenir la meilleure putain de la ville.
La réussite de SEX AND ZEN réside sans conteste dans sa forme. Le soin apporté à ce film érotique est vraiment flagrant. Les scènes belles, érotiques et envoûtantes se succèdent tout au long de l’oeuvre. La seule et unique scène de saphisme, dans laquelle deux jeunes femmes nous dévoilent une utilisation différente d’une flûte, vaut à elle seule le détour. Lorsqu’un mari se décide à violer sa femme, nous assistons à un véritable ballet. Il traîne sa femme d’abord sur le parquet, puis la fait virevolter dans toutes les positions possibles dans les airs. Tout cela, en la pénétrant frénétiquement. A la fin, il se lève et passe fièrement au-dessus du corps de son épouse, la laissant exténuée et ébahie. Les scènes de ce genre sont légion. Les cadrages sont astucieux et frivoles. La musique, très douce et mélodieuse, nous charme. De même, les voiles qui recouvrent les corps splendides et merveilleusement enchanteurs des superbes créatures présentes dans le film ajoutent à leur sensualité.
Grâce à toutes ses scènes splendides, SEX AND ZEN est déjà un chef-d’oeuvre. Mais c’est sans compter sur ses trouvailles érotiques. La femme de Cheng écrit par exemple à son mari de belles phrases comme “Des milliers de fourmis hantent ma fontaine d’argent”. L’originalité vient du fait qu’elle n’écrit pas avec ses mains, mais avec ses lèvres intimes. Les actes sexuels sont raffinés. On n’oubliera pas de sitôt cette scène d’accouplement aquatique dans un grand tonneau d’eau. La caméra filme sous l’eau pour mieux capter les ébats amoureux. A un autre moment, l’une des nombreuses maîtresses de Cheng recueille son sperme dans une miche de pain pour ensuite faire goûter à son amant le “délicieux” mélange.
Au-delà de son côté esthétisant, SEX AND ZEN semble vouloir nous dire que le sexe fait partie des traditions chinoises, malgré les tabous qui l’entourent. Les protagonistes, lors de leurs ébats, respectent toujours les positions présentes dans une sorte de Kamasutra. De plus, la tentation fait partie de nous, bien qu’elle se cache derrière des barrières morales. On le voit bien avec la femme de Cheng, qui, lors de sa nuit de noces est persuadée qu’elle va souffrir d’une façon atroce. La scène est très drôle et, même sans être touchée, la femme hurle de douleur. Pourtant, ses convictions se révélent fausses et elle aime tellement ça qu’elle finit prostituée de luxe. De même, l’une des maîtresses de Cheng est outrée lorsque celui-ci lui tend le Kamasutra dont il est question dans le film. Elle partira furieuse… mais en emportant le livre. Ainsi, le “vice” est présent en chacun de nous, même si nous ne voulons pas toujours le voir. Et toutes les formes de plaisir sont agréables, homosexualité dans les deux sexes, sado-masochismes, etc, etc. Un film à conseiller aux coincés qui pensent que le sexe hors-normes est sale!
L’humour, comme l’érotisme, est une donnée importante de SEX AND ZEN. Un humour qui pourrait paraître vulgaire a priori, mais qui est finalement naïf et peut-être même attendrissant. Lors de la scène de greffe, c’est une avalanche de malchance hilarante. Cheng est dans un tonneau et seul son sexe dépasse. Il est sectionné par une guillotine miniature. Le cheval donneur est un ivrogne, et la seule façon de l’endormir pour l’opérer est de lui faire boire du vin. Mais le tonneau prévu à cet effet ne semble pas être suffisant, le cheval supportant l’alcool plus que prévu. Finalement, il tombera dans les pommes, renversant du coup un liquide anesthésiant sur les bras du toubib. Celui-ci ne peut plus opérer, et cela se complique encore lorsqu’un chien se sauve avec le sexe de Cheng entre les dents. Le pauvre bougre finit alors sans rien, au lieu d’un prometteur organe chevalin. Tout reviend dans l’ordre, cependant, dans une scène presque onirique Cheng se retrouver devant la jument du cheval qui lui fit don de son sexe. Celle-ci vient réclamer son dû, et Cheng se voit obligé de se mettre à l’ouvrage. Quelques temps auparavant, Cheng devait prouver que son nouvel organe était bien fonctionnel. Devant les quelques difficultés rencontrées à le dresser, son fidèle serviteur accepte de lui faire une fellation, qu’il est bien vite obligé d’arrêter pour ne pas risquer d’avoir les lèvres gercées!
De par son humour très osé et la beauté de son image, de par aussi le soin apporté aux différents rites érotiques (ah que des seins frottés contre des grosses chaînes sont sensuels!), SEX AND ZEN est un film que l’on n’oublie pas. Il respire la joie de vivre et atteint son but: exciter le spectateur. Même si la fin est assez moralisatrice (Cheng revient vers son maître pour être absous de ses péchés), le film n’en est pas moins très libertin et extrêmement osé. Johnny Mak sait qu’il n’a pas le droit de montrer des sexes, qu’ils soient féminins ou masculins, sans risquer de passer dans la pornographie. Il réussit pourtant à le faire au moyen d’ombres chinoises, et l’amateur pornophile ne manquera pas de remarquer ce plan très furtif, dévoilant à moitié le sexe d’une jolie et frivole demoiselle, rasé de surcroît.


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks

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