Sexcrimes de John McNaughton – Thriller érotique – Critique

Un texte signé Sophie Schweitzer

Surfant sur la vague des thrillers érotiques des années 90, SEXCRIMES repose sur le postulat d’offrir des scènes sulfureuses avec un casting réunissant toutes les stars de son époque.

Dans un lycée en Floride, un conseiller d’éducation est accusé de viol par la plantureuse Kelly, issue de la plus riche famille du coin. Pourtant, la réputation sulfureuse de l’adolescente ne convainc pas la police dans un premier temps. C’est alors qu’une seconde accusation de viol se fait entendre, le conseiller est aussitôt arrêté. Mais au moment du procès, tout s’effondre. Les jeunes filles auraient menti. Un policier se demande pourquoi.

SEXCRIMES, en français, WILD THINGS en version originale est réalisé par John McNaughton qui a débuté sa carrière au cinéma par HENRY PORTRAIT D’UN SERIAL KILLER en 1986. Loin de son style plus documentaire, SEXCRIMES est, comme son nom l’indique, un thriller érotique dans la veine de BASIC INSTINCT ou encore LIAISON FATALE avec Michael Douglas. Pourtant, les scènes érotiques du film ne sont mémorables que pour la plastique et le jeu, superbe, des comédiens et comédiennes. John McNaughton parait moins à l’aise pour mettre en scène ces ébats et bien plus pour poser l’atmosphère notamment avec les plans animaliers dans les marais voués à nous faire comprendre la thématique du film. Accompagnés d’une bande son particulièrement travaillée par George S. Clinton et servis par la lumière de Jeffrey L. Kimball, ces plans servent de générique de début mais aussi de contrepoint durant tout le film.

L’image du film est typique des années 90, pour cela il faut remercier le talentueux Jeffrey L. Kimball qui a notamment travaillé sur TRUE ROMANCE, TOP GUN ou encore L’ÉCHELLE DE JACOB. Ce dernier applique les filtres à la mode de l’époque qui permettaient de donner un rendu lumineux de dégradé orangé. La composition musicale de George S. Clinton repose sur un motif plus exotique avec des percussions faisant immédiatement penser aux reptiles, comme le fait l’affiche d’ailleurs, ce qui va parfaitement avec le titre du film en VO. Il est connu pour avoir fait les bandes originales des AUSTIN POWERS, mais on lui doit aussi THE BOYS NEXT DOOR ou encore MORTAL KOMBAT. Certains morceaux de la bande originale de WILD THINGS semblent citer explicitement Bernard Herman et son travail sur PSYCHOSE, d’autres font penser au travail de Angelo Badalamenti sur BLUE VELVET, un autre thriller érotique.

Le succès de SEXCRIMES repose de beaucoup sur son casting. En effet, il rassemble les stars montantes de l’époque. Denise Richards (STARSHIP TROOPERS, LE MONDE NE SUFFIT PAS) joue superbement les ingénues séductrices, Matt Dillon (OUTSIDERS, PRÊTE À TOUT) a plus de mal à nous faire croire à son innocence mais le film joue là-dessus justement, Neve Campbell (SCREAM, THE CRAFT) incarne une rebelle pauvre junkie en voulant particulièrement à Kevin Bacon (VENDREDI 13, FOOTLOOSE) qui incarne un flic têtu. A ce casting déjà de haute volée pour l’époque, il faut ajouter la présence iconique de Bill Murray (GHOSTBUSTER, UN JOUR SANS FIN). C’est évidemment assez jouissif de les voir s’affronter, se séduire, et les comédiens sont assez bons pour qu’on ne puisse deviner les secrets qu’ils cachent.

Car qui dit thriller dit vérités cachées, mensonges et surtout jeu de manipulation. Généralement, les thrillers érotiques placent un personnage plus ou moins innocent dans une situation délicate où il va être victime des jeux de manipulation d’une ou deux personnes séductrices. Ici, il est difficile de savoir qui sont les victimes, qui sont les manipulateurs. Si l’équilibre est plutôt bien maintenu durant une bonne partie du film, en dehors de quelques scènes érotiques assez gratuites, en particulier celle de la piscine qui a captivé le public de l’époque, en revanche il bascule en dernière partie du film.

Les retournements de situation s’enchaînent alors sur la fin, sans la moindre once de crédibilité, pour offrir des scènes plus drôles qu’angoissantes. Le film bascule alors dans la comédie noire. Était-ce un choix volontaire ou bien le film est-il tombé dans l’écueil du genre ? On pourra néanmoins se réjouir du décor utilisé pour ces multiples retournements qui n’est pas sans faire penser au diabolique PLEIN SOLEIL de René Clément, peut-être parmi l’un des premiers thrillers érotiques, sorti en 1960. En cherchant plus loin, le spectateur pourra penser également AUX DIABOLIQUES de Henri-Georges Clouzot sorti en 1955 qui proposait déjà un triangle amoureux fatal et des retournements de situation inédits pour l’époque. La première partie de SEX CRIMES pouvant y faire penser.

Œuvre un peu étrange, SEXCRIMES s’apparente bien au genre, jouant avec ses ficelles, mais en abuse si explicitement qu’on peut se demander si le réalisateur n’a pas volontairement choisi de s’en moquer. Quoi qu’il en soit, le film demeure divertissant, bien qu’après me too, le sujet de départ puisse paraître délicat. Il ne conviendra pas à tous, un avertissement envers les victimes de violences sexuelles s’impose avant d’en envisager le visionnage. Mais de par son atmosphère, son statut culte, son casting, et ses multiples retournements de situation, le film mérite d’être savouré.