Sexcula

Un texte signé Philippe Chouvel

Canada - 1974 - John Holbrook
Interprètes : Debbie Collins, Jamie Orlando, John Alexander, Tim Lowery, Bud Coal, Julia Simmons

Une jeune femme, accompagnée de son petit ami, se rend au manoir que son grand-père décédé lui a légué. Le couple découvre un livre ancien consignant les archives de la famille, notamment celles d’une ancêtre du XVIIIème siècle, répondant au nom de Fallatingstein, qui se livrait à de très étranges expériences…
La sortie récente (en avril 2013) de SEXCULA sur support dvd tient quasiment du miracle, lorsque l’on sait que ce film, une fois monté, ne fut jamais distribué en salles et qu’il alla directement dans les archives du cinéma canadien, où il fut « enterré », en tout cas oublié pendant près de quarante ans. En fait, seule une poignée de personnes, à savoir les acteurs du film, l’équipe technique et quelques proches eurent la faveur de voir ce long métrage lors d’une séance spéciale.
Les mauvaises langues diront que SEXCULA (le titre à lui seul est un programme) aurait mieux fait de rester dans le néant. Il faut reconnaître que la vision de cette œuvre est une expérience inoubliable. Probablement tourné par une bande de camarades partageant des goûts communs pour l’horreur cheap, l’exhibitionnisme, l’échangisme et peut-être quelques substances illicites, SEXCULA raconte en fait plusieurs histoires dans un seul film. Et, histoire de compliquer un peu plus un scénario pourtant inexistant, certains acteurs jouent plusieurs rôles.
Le temps présent est assez peu représenté, l’essentiel de la trame se déroulant dans un XVIIIème siècle très fantaisiste non exempt d’anachronismes, où l’on voit notamment la Comtesse Sexcula, en plein ébats, répondre au téléphone !
L’héritière du manoir et son petit ami découvrent donc les diverses péripéties de personnages peu ordinaires ayant vécu autrefois en ces lieux, des événements partagés avec le spectateur par le biais de la lecture de l’ouvrage. Nous apprenons donc que le Docteur Fallatingstein avait créé un homme dans son laboratoire, capable d’assouvir ses pulsions sexuelles. Malheureusement, le résultat s’était avéré catastrophique, l’homme en question, prénommé Frank, ne s’intéressant pas du tout à la chose et préférant jouer aux cartes.
Découragée, Fallatingstein demanda de l’aide à sa cousine, la fameuse Comtesse Sexcula, sexologue avant l’heure. Celle-ci finit par découvrir que Frank ne possèdait pas de « cellules sexuelles » dans son organisme, et qu’il fallait par conséquent lui en injecter.
Voilà pour la trame principale… Mais le film ne se résume pas à cela, puisque l’on y voit également un certain nombre de personnages tous plus bizarres les uns que les autres, à savoir un gorille et un serviteur bossu obsédés sexuels, une strip-teaseuse effectuant son numéro avec le gorille en question, ainsi qu’un robot féminin conçu pour donner du plaisir, passant tout le film allongé dans le plus simple appareil sur une table d’expérimentation.
Cerise sur le gâteau, le film atteignant péniblement les soixante minutes, il dut être « rallongé » afin de rentrer dans les normes requises pour une exploitation en salles (qui finalement n’aura jamais eu lieu). Le réalisateur prolonge donc son métrage d’environ vingt-six minutes avec une longue scène n’entretenant pas le moindre rapport avec SEXCULA, et dans laquelle un couple venu se marier dans une chapelle finit par consommer son union devant le pasteur effaré, tandis que les deux témoins décident d’en faire autant, ce qui vaut au spectateur d’assister à une partie carrée en bonne et due forme. Ce rajout provient certainement d’un loop ou d’un film inachevé, et les cinq acteurs y figurant ne jouent pas dans SEXCULA. On peut alors supposer, dans un souci non fondé de cohérence, que c’est l’injection des cellules sexuelles qui a provoqué chez Frank des rêves ou des visions pornographiques.
Du coup, SEXCULA, jusque là cantonné dans un créneau softcore, bascule dans sa seconde moitié dans le hardcore, achevant de faire de ce long métrage un ensemble complètement hétéroclite, et le rendant encore moins cohérent qu’il ne l’était au départ.
Cette œuvre demeure toutefois l’un des rares exemples de cinéma canadien montrant des scènes de sexe non dissimulées à cette époque. Si, durant les années 70, le cinéma pornographique fut particulièrement prolifique aux Etats-Unis, il en allait tout autrement chez ses voisins canadiens.
On pourrait rapprocher SEXCULA, dans l’esprit, de certaines bandes érotico-horrifiques distribuées par l’éditeur Something Weird Video dans son créneau favori, celui de l’exploitation. Ainsi fait-il penser à certaines œuvres des producteurs Harry Novak ou David F. Friedman, du style KISS ME QUICK (LA VIE SEXUELLE DE FRANKENSTEIN) ou LA VIE INTIME DU DR. JEKYLL.
Si SEXCULA, au final, est (sans surprise) terriblement mauvais, il n’en est pas moins drôle par moments, et témoigne surtout d’une époque où l’on pouvait faire n’importe quoi avec une caméra, sans le moindre complexe. Cela étant, on remarquera que ce fut la seule expérience cinématographique tant pour le réalisateur que pour l’ensemble du casting. Un anonymat qui aura duré quatre décennies, jusqu’à cette sortie inattendue de tous, notamment des principaux intéressés.


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- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

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