Shinjuku Incident

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Hong Kong - 2009 - Derek Yee
Titres alternatifs : San suk si gin
Interprètes : Jackie Chan, Daniel Wu, Jack Kao, Xu Jing Lei, Naoto Takenaka, Fan Bing Bing, Lam Suet

A 55 ans, Jackie Chan peut se permettre de choisir ses projets et de tourner, peu à peu, le dos aux comédies d’actions ayant assurés sa renommée mondiale. Alternant divertissements familiaux américains plus (KARATE KID, LE ROYAUME INTERDIT) ou moins (THE SPY NEXT DOOR, RUS HOUR 3) réussis et long-métrages personnels, l’acteur s’offre un nouveau drame sérieux. Vingt-cinq ans après le piètre LE RETOUR DU CHINOIS, quinze ans après le thriller culte CRIME STORY et cinq ans après l’étonnamment sombre NEW POLICE STORY, l’idole des jeunes met sa renommée au service d’un sujet grave et rarement abordé : l’immigration clandestine chinoise à la fin du XXème siècle.
Un pauvre travailleur nommé Steelhead (Jackie Chan) quitte la Chine à la recherche de sa fiancée, Xiu Xiu, partie tenter sa chance au Japon. A peine arrivé au Pays du Soleil Levant, Steelhead découvre la réalité de l’immigration clandestine mais se voit heureusement secouru par ses compatriotes qui lui permettent de décrocher un emploi sous-payé dans le quartier de Shinjuku. Au cours d’un raid de la police visant à démanteler les exploitants d’êtres humains, Steelhead sauve la vie de l’inspecteur Kitano, lequel estime, dès lors, devoir « payer sa dette ». Mais notre pauvre Steelhead reçoit une cruelle déconvenue en constatant que son ancienne copine, rebaptisée Yuko, est devenue la femme d’un chef Yakuza nommé Eguchi. Déboussolé et décidé à réussir, Steelhead accepte de travailler pour la pègre japonaise et tente de nettoyer le quartier d’un gang Taïwanais. Mais ses anciens amis se retournent progressivement contre lui…
Pas vraiment original dans son déroulement, SHINJUKU INCIDENT traite de thèmes déjà vus et revus dans le cinéma « mafieux », à savoir l’ascension au pouvoir d’un type sans histoire décidé à « réussir », moins pour sa satisfaction personnelle que pour protéger un petit groupe de compagnons d’infortune. Loin du manichéisme, le film de Derek Yee, étoile montante du polar hongkongais (ONE NIGHT IN MONGKOK, PROTEGE), développe des personnages intéressants et contrastés. De l’immigrant chinois n’hésitant pas à tuer pour s’imposer dans le quartier au chef yakuza bon père de famille en passant par le flic ambigu et le gamin humilié devenant un sadique, SHINJUKU INCIDENT prend soin de brosser des identités complexes quoique pas toujours crédible. Ainsi, Jackie Chan, un peu prisonnier de son image sans doute, ne peut pas vraiment exprimer toutes les contradictions de cet immigrant devenu truand. Trop encombré de remords, trop prompt à la bonne action gratuite (il refuse en souriant l’argent de la « protection » avant de l’accepter à contre cœur), Jackie a beau aller aux putes et buter un mafieux, il ne franchit jamais la ligne rouge et se refuse à plonger réellement du côté obscur. Son jeu dramatique, quoique limité, reste cependant convaincant et n’a pas à rougir devant un casting honnête en dépit de performances parfois outrées, en particulier celle de Daniel Wu qui passe laborieusement de gamin timide à dangereux drogué adoptant un look « visual key » plutôt ridicule.
Au niveau de la mise en scène, Derek Yee offre un exemple efficace mais peu original de polar hongkongais classique, inspiré et prenant dans ses meilleurs moments, routinier et bâclé dans ses pires, lesquels sombrent dans une esthétique pseudo branchée de téléfilm de seconde partie de soirée. A grand coups d’éclairages bleutés et de scènes nocturnes, Yee impose un style déjà beaucoup trop vu pour surprendre mais mène adroitement sa barque en passant d’un drame social à un polar tendu avec une certaine fluidité. Malgré quelques longueurs (l’ensemble dure deux heures), SHINJUKU INCIDENT explose lors de quelques éclairs de violence gore (main tranchée, combats à l’arme blanche brutaux, gunfights saignants) et s’achève de manière pessimiste après un climax quelque peu expédié.
Sans être une franche réussite, SHINJUKU INCIDENT rassure sur les possibilités d’évolution de Jackie Chan et demeure intéressant, en particulier dans sa première partie, le drame social se révélant, étonnamment, bien plus palpitant que la suite accumulant tous les clichés du polar mafieux.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer


=> Pour prolonger votre lecture, nous vous proposons ce lien.
Share via
Copy link