Silence, ça tue.

Un texte signé Stéphane Bex

On attendait beaucoup de SILENCE, CA TUE. Présenté comme un brûlot énervé jeté à la face d’un cinéma belge frileux et pantouflard, l’oeuvre de Christophe Lamot (aka doctor Chris aka Ljo Menzow) est-elle le pamphlet radical et terroriste qu’elle promettait ? Ce guérillero de la libération filmique allait-il réussir sa révolution ? Le cinéma belge allait-il enfin être libéré de l’emprise démoniaque des frères Dardenne qui l’avaient condamné à épouser la forme du drame social intimiste ?
Après avoir côtoyé deux ans plus tôt les territoires du film Z avec l’original VACUUM KILLER, mettant en scène un homme décidé à nettoyer la cité au moyen d’un aspirateur greffé à son bras – hommage à la tronçonneuse d’EVIL DEAD 2 -, Christophe Lamot revient donc en 2008, désirant toujours en découdre avec le bon goût et les codes de l’intelligentsia artistique. La forme a varié et c’est sous la bannière du found footage et de la téléréalité que Lamot se range désormais. SILENCE CA TUE adopte la forme du film dans le film, film constitué par le tournage du film lui-même, tournage qui tourne évidemment mal et glisse petit à petit vers l’horreur. Une équipe de cinéastes amateurs, sous la direction de Chris, un réalisateur (Christophe Lamot lui-même) dont les ambitions sont battues en brèche par le mépris des studios ou les critiques de ses professeurs, décide de tourner un film sans scénario, ni effets spéciaux retraçant la quête de l’improbable adoubement d’un producteur. Le film épouse alors l’errance de cette bande de bras cassés, au cours de la soirée de Noël ensanglantée par de malencontreux accidents et les dérives psychopatiques du réalisateur.

Lamot fait le portrait d’une Belgique miteuse, renfermée dans son chez soi, cuvant sa tristesse dans l’alcool ou la drogue. On songe évidemment à C’EST ARRIVE PRES DE CHEZ VOUS qui était déjà la reprise parodique, mais en plus trash, de l’émission STRIP-TEASE, également au particulièrement réussi VAMPIRES de Lannoo, un compatriote de Christophe Lamot. La Belgique apparaît terre propice à l’exercice de la dérision et de l’humour noir.
Mais Lamot n’a ni la faconde géniale de Benoît Poelvoorde ni la mélancolie désespérée de Belvaux. L’odyssée de l’équipe patauge de fête ratée en cadavres difficilement évacués. En se donnant le rôle du réalisateur, Lamot succombe aux mêmes défauts que Cédric Dupuis ayant tourné en 2011 MAKING OFF bâti sur une intrigue approchante : le portrait du réalisateur, capricieux, tyrannique et mégalomane, sent moins la satire que le cliché parfois facile. On peut néanmoins souligner l’interprétation de Christophe Mortier (Morty) dans le rôle d’un balourd à la fois maladroit et inquiétant, seul peut-être à tirer son épingle du jeu.
Le film ne manque pas, certes, de quelques scènes plutôt réussies et de quelques punchlines bien assénées. On retiendra cette absurde intervention de la police qui, témoin d’un crime, abandonne le terrain en croyant que l’acteur fait le mort. Ou encore de cette réplique assassine visant le cinéma des frères Dardenne auxquels Lamot voue une haine inconditionnelle : « Deux palmes, deux balles ! ». Mais l’ensemble manque de punch, et, peut-être le comble pour ce cinéma qui se revendique déjanté et tout azimuts, de la folie nécessaire au projet.
Lamot tape, avec raison, sur l’hypocrisie du système de production belge étouffant dans l’oeuf toute tentative de sortir des sentiers battus. Mais le vitriol a été bien dilué et la dynamite s’est métamorphosée en pétard. On peut s’étonner de la censure dont il est l’objet et du fait qu’il ait été écarté de nombreux festivals. Si tel est vraiment le cas, Lamot a effectivement une mission à mener mais, à porter des coups, que la charge soit héroïque et sans appel.


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- Article rédigé par : Stéphane Bex

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