Simon Werner a Disparu…

Un texte signé Claire Annovazzi

France - 2010 - Fabrice Gobert
Interprètes : Jules Pélissier, Ana Girardot, Arthur Mazet, Laurent Debecque

L’histoire se passe en banlieue parisienne, au début des années 90. Une bande de lycéens, à la suite d’une fête très alcoolisée, découvre un cadavre dans la forêt. Deux semaines plus tôt, un de leurs camarades de classe, Simon Werner, a disparu. Et ce n’était que le début d’une série de mystères et de disparitions. Que s’est-il passé? Fugue? Meurtre? Le groupe de jeunes envisage toutes les possibilités.

Dans une ambiance un peu à la Twin Peaks, on découvre une galerie de personnages et de situations cocasses ou dérangeantes, sur une musique envoûtante de Sonic Youth. Chacun a son petit secret, personne n’est tout blanc ou tout noir. Au milieu d’une ville qui pourrait se situer n’importe où, avec ses maisons semblables les unes aux autres et son lycée sans âge, des adolescents évoluent, tâchant de découvrir le monde qui les entoure et d’en apprendre quelque chose, et surtout de comprendre ce qui a pu arriver à leur camarade.

Voilà une histoire à quatre voix bien intéressante et rondement menée.
Après un préambule qui nous plonge au coeur même du mystère, le réalisateur-scénariste, dont c’est ici le premier long métrage pour le cinéma, décide de nous révéler ce qui s’est passé par le biais de quatre points de vue différents. Partant du postulat que, dans une même situation, on n’est pas forcément amené à voir exactement la même chose, chaque point de vue va nous donner une partie des réponses, jusqu’à la solution finale apportée par Simon Werner lui-même.
Tout au long du film, les personnages s’évertuent à échafauder des théories que les informations données dans le chapitre suivant – car on peut appeler ainsi les différentes parties – démolit complètement. Donc, bien que l’histoire revienne constamment sur les mêmes passages, les indices qui nous sont donnés permettent de relancer l’intérêt et de ne pas lasser le spectateur.

Un autre point fort de ce film est les personnages. Bien écrits, parfaitement interprétés, avec des dialogues qui sonnent juste, ils sont la pierre angulaire du film. L’intrigue – comme la caméra – tourne autour d’eux, de leur caractère, de leurs relations les uns avec les autres. Car en plus de l’aspect “suspense” du film, le réalisateur se plaît à nous raconter une chronique adolescente. Que voulait dire être un jeune de 17 ans dans les années 90? Quels étaient les problèmes auxquels on pouvait être confrontés? Le côté nostalgique ravira les trentenaires, et comme les adolescents ont peu changé depuis cette époque, les plus jeunes s’y reconnaîtront et les parents de lycéens auront un aperçu de la vie quotidienne de leurs enfants – moins les disparitions d’élèves, il faut l’espérer.

D’un point de vue technique, l’équipe du film s’est surpassée. La photo est tout simplement magnifique. De plus, l’aspect visuel varie d’un chapitre à l’autre, mettant en lumière – c’est le cas de le dire – chaque personnage mis en avant. C’est chaque fois l’occasion de partager un peu la manière dont le personnage voit le monde dans lequel il vit, ce qui retient son attention mais aussi ce qu’il ressent.

Avec une intrigue simple relevée par un découpage original, et des dialogues aux petits oignons, on aurait pu craindre avoir affaire à un film de scénariste – avec tout ce que cela implique comme travers et maladresses – , mais Fabrice Gobert a vraiment travaillé la mise en scène pour mettre en valeur son écriture. Tout ce que l’on peut regretter, c’est qu’il n’ait pas conclu sur la résolution du mystère qui donne son titre au film. Celui-ci se ferme sur un épilogue optimiste portant comme message que, malgré tout, la vie continue. Beau message à n’en pas douter, mais il nous oblige à quitter la salle en gardant en tête la chronique adolescente qui était dépeinte, mettant de côté toute la partie “mystère” du long métrage. Dommage pour les amoureux du genre, forcément. On ne pouvait pourtant en attendre plus d’un film qui a eu les honneurs de Cannes. Malgré tout SIMON WERNER A DISPARU… n’en reste pas moins un film très agréable à regarder, et Fabrice Gobert un réalisateur à surveiller.


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- Article rédigé par : Claire Annovazzi

- Ses films préférés : Une Balle dans la Tête, Fight Club, La Grande Bouffe, Evil Dead, Mon Voisin Totoro


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