Un texte signé Sophie Schweitzer

Royaume-Unis - 2016 - John Carney
Interprètes : Ferdia Walsh-Peelo, Lucy Boynton, Jack Reynor.

review

Sing Street

Dans les années 80, à Dublin, le rock, la pop, l’électro et le métal déferlent sur les K7, dans les clips à la télévision, et font vibrer la jeune génération d’irlandais ne rêvant que de s’envoler pour Londres afin d’échapper au marasme ambiant.
Conor est un adolescent dont la famille est sur le point d’imploser. Contraint de rejoindre un lycée privé catholique, il se rebelle à sa manière et en musique. Il est fortement influencé par son grand frère, guitariste, qui à force de rester cloîtré chez lui, accumule plus de vinyles que de travail effectif. Ainsi pour charmer une jeune fille, notre jeune héros se décide à monter un groupe de musique futuriste.
Rapidement, l’idée de tourner un vidéo clip où la jeune femme serait en vedette lui vient. Mais il n’a jamais touché à un instrument et ne sait pas grand chose mise à part ce qu’il peut entendre de la bouche de son frère, pourtant, il va plonger tête baissée et trouver dans la musique un moyen d’exprimer son besoin de liberté.

Derrière le séduisant titre de SING STREET et une mise en scène dynamique mêlant humour, histoire de la musique des années 80 et romance adolescente, se cache le réalisateur John Carney qui n’est plus un débutant. Réalisateur de ONCE et NEW YORK MELODY, il a déjà montré qu’il maîtrisait le sujet de la comédie romantique sur fond musical. Ici, il s’agit de dépeindre les milieux pauvres de Dublin, et l’exutoire que peut être la musique. Evidemment, ce n’est pas le premier film qu’on voit au festival du film britannique traitant de ce sujet. L’Irlande n’est pas un pays où il est facile de vivre, plus encore de s’exprimer, et la musique est un moyen d’exprimer ses désaccords, sans doute meilleur d’ailleurs que celui de la violence.

Ici SING STREET n’a rien de politique. Notre jeune héros n’a que faire de la bataille pour l’indépendance ou des guerres de religion. Le sujet de la guerre civile n’est d’ailleurs jamais abordé. En revanche, celui de la misère sociale, des jeunes qui s’en vont à Londres sans un rond pour échapper au manque de travail est très bien établi. Le grand frère de Conor a tenté de s’en aller mais est finalement resté et se retrouve coincé ici. Ce personnage sert de modèle à notre jeune héros qui suit les traces de son frère, comme s’il vivait les rêves de celui-ci, à sa place. Ce qui est d’ailleurs relativement étonnant car on est plus habitué à la formule de l’enfant réalisant les rêves de ses parents, ici c’est au sein de la même fratrie, à une génération de décalage.

Aussi regrettera-t-on de n’avoir qu’une comédie romantique musicale sans réel fond social, mais au moins peut-on apprécier l’originalité de l’œuvre, et sa finesse. Car les personnages ne sont pas si clichés. On leur découvre au fur et à mesure une profondeur souvent étonnante, avec des séquences somme toute, touchantes. Le film jouant souvent avec nos attentes, nos fantasmes et les clichés habituels, s’en amusant, nous lançant sur des fausses pistes. S’il finit par imposer une trame somme toute classique, et laisse un goût de déjà vu, il s’affirme néanmoins comme drôle, efficace, divertissant, et dépeignant avec beaucoup d’humour l’histoire de la musique des années 80. Vu l’énorme engouement pour le revival des années 80, c’est pile poil le bon moment pour sortir un tel film. Pas étonnant, dès lors, qu’il rafle tous les prix au festival du Film Britannique de Dinard.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà


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