Un texte signé Patryck Ficini

chroniques-infernales

Solar Pons, l’Autre Limier de Londres

Les amateurs de Bis le savent bien : en matière de création, une copie (on parle souvent de sous-produit en cinéma) peut s’avérer aussi passionnante que l’original, si l’artiste à son origine démontre professionalisme et/ou inventivité (mais oui !).
Cela fait belle lurette que les plus éclairés ne jettent pas en vrac et dans le même panier toutes les séries B italiennes, qu’il s’agisse de sous-MAD MAX ou de sous-CONAN, deux genres à part entière unanimement décriés en leur temps. En matière de copie, il y a de très bonnes choses.
Oui, certains 077 italiens des années 60 (ceux de TERENCE HATHAWAY/SERGIO GRIECO par exemple) tiennent le choc confrontés aux premiers JAMES BOND. Evidemment, le western spaghetti a transcendé la matière américaine originelle pour donner naissance à quelque chose de (presque) entièrement neuf, qui n’entretenait que peu de points communs avec le genre initial.
Enfin, comment ne pas, de façon amusante, rappeler une B.D. comme DIABOLIK, initialement conçu comme un avatar de FANTOMAS, et ensuite copié par une soixantaine de cousins comme JNFERNAL ou MISTER X. DIABOLIK permit même l’invention de deux oeuvres peut-être encore plus excitantes : KRIMINAL et SATANIK ! Des copies de copies inspirées qui contribuèrent à donner ses lettres de noblesse au fumetto nero !
Les exemples seraient sans fin. Cinéma, B.D., et littérature : qui ne souvient, parmi les fans les plus acharnés de Sword and Sorcery des CONAN-like THONGOR et KOTHAR ?
AUGUST DERLETH fut un écrivain attachant, qui produisit beaucoup, et dans tous les genres, même si on se souvient davantage de ses pastiches lovecraftiens qui lui valurent parfois des jugements sévères. Beaucoup trop : sans DERLETH et ARKHAM HOUSE, LOVECRAFT n’aurait pas marqué les mémoires à ce point. Il serait assurément infiniment moins célèbre aujourd’hui.
En ce qui concerne DERLETH, il suffit de lire un recueil comme L’AMULETTE TIBETAINE (chez NEO) pour découvrir un excellent spécialiste du fantastique, peut-être davantage, certes, un bon faiseur qu’un maître ou un génie. Et après ?
LES MOUTONS ELECTRIQUES publient aujourd’hui un recueil de 7 aventures de SOLAR PONS, le détective créé par DERLETH, frustré de ne pouvoir reprendre légalement la suite de CONAN DOYLE pour de nouvelles enquêtes du grand SHERLOCK HOLMES.
Que ce soit bien clair : PONS est une pure copie de HOLMES, même si son caractère (d’accord avec XAVIER MAUMEJEAN) est moins ombrageux. Lire ses aventures fait le même effet que lire les célèbres nouvelles du « Canon ». C’est dire si le tout s’avère bien écrit et bien pensé.
On sait combien le limier de BAKER STREET en inspira d’autres, comme HARRY DICKSON (qui, grâce au génie de JEAN RAY, sut infiniment s’éloigner de son modèle… tout en habitant aussi BAKER STREET) ou SEXTON BLAKE, terriblement méconnu en France. Le génial concept du tandem détective surdoué/assistant fidèle fut l’un des plus repris : citons JULES DE GRANDIN/TROWBRIDGE et POIROT/HASTINGS. Même une série T.V. aussi délicieuse que MONK repose sur le principe !
Pour le plaisir, citons aussi l’oublié WILLIAM THARPS de GEORGE MEIRS ou l’inconnu duo HEMMINGS et WILSON (LA DENT JAUNE, in SPECTRAL 21), signé STANLEY HOWARD (qui derrière le pseudo ? qui se penchera un jour sur les nouvellistes des comics AREDIT dont fit partie le sympathique LEOPOLD MASSIERA ?)
SOLAR PONS est à prendre ainsi : comme un pur HOLMES-like, un pastiche magistral inventé pour des raisons de droits (DOYLE refusa la permission de reprendre son personnage à DERLETH). Un super détective qu’on n’avait pas vu en France depuis 1965, dans LE SAINT MAGAZINE qui publia 13 de ses enquêtes.
Le tout est très bon, et varié (preuve que le choix des MOUTONS est excellent). Deux nouvelles d’espionnage qui démontrent qu’on peut faire de l’espionnage populaire sans s’inscrire dans le style FLEUVE NOIR (évidemment postérieur). L’AVENTURE DU BRELAN DU KENT part d’un fait-divers ultra violent, puisque 3 femmes s’y font horriblement tuées par balles à l’heure du thé. Pour ceux qui s’imaginent le polar à l’anglaise forcément policé et soft ! Deux nouvelles reprennent, comme le fera un RENE REOUVEN dans son BESTIAIRE, deux « Untold Stories » (des enquêtes citées par DOYLE mais jamais écrites par lui) ; L’AVENTURE DE L’INCROYABLE VER est un petit bijou surprenant ! Amusant d’ailleurs de voir comment DERLETH et REOUVEN font des textes différents à partir du même point de départ !
L’AVENTURE DE LA BIBLIOTHEQUE HANTEE offre même quelques belles pages de « fantastique expliqué ». Un sujet parfaitement maîtrisé par DERLETH, on l’imagine.
SOLAR PONS, culte aux yeux de certains, devrait donc plaire aux amateurs de SHERLOCK HOLMES les moins fanatiques. Et à tous ceux qui apprécient, tout simplement, la lecture d’une sacrée bonne histoire policière.
Avec une apparition du Redoutable, Terrible et Diabolique Docteur FU MANCHU !

Informations


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

Share via
Copy link