Some Kind of Hate

Un texte signé Sophie Schweitzer

Lincoln est un adolescent victime de la violence de ses camarades de classe jusqu’au jour où il réplique. Envoyé dans un centre de réhabilitation pour jeunes délinquants situé en plein désert, il rumine dans le noir en écoutant du métal. Malheureusement pour lui, les jeunes avec qui il se retrouve sont tout aussi enclins à la violence et à la maltraitance que les autres. À bout, usé de résister, il en vient à souhaiter qu’ils meurent tous, ce qui a pour effet d’appeler le fantôme d’une adolescente qui se serait suicidée après que ses camarades l’aient poussée à bout.

SOME KIND OF HATE est le premier long-métrage de Adam Egypt Mortimer. Ce film était annoncé comme le plus violent de la sélection du PIFFF 2015 et du BIFFF 2016. Et il est vrai que face aux métrages plutôt tournés vers l’immersion complète, le sensoriel, le contemplatif un peu barré, SOME KIND OF HATE joue sur les classiques du genre en s’inscrivant dans le slasher fantastique.

Le fantôme tueur est celui d’une adolescente dont le cœur rempli de haine ne peut déverser qu’une violence meurtrie. C’est à travers les lames de rasoir appliquées directement contre sa propre chair que le fantôme blesse et tue. Autant dire que le fantastique sert ici de métaphore pour parler de l’automutilation, de la haine de soi et des autres et des souffrances ressenties durant l’adolescence de manière assez viscérale. C’est le genre de film qui aime faire souffrir physiquement son spectateur en coupant la chair et faisant gicler le sang.

De ce point de vue, le concept du fantôme est une excellente idée, tout comme la fin qui fait preuve d’intelligence tout en poursuivant jusqu’au bout son propos sur l’adolescence et les souffrances qui en découlent. D’autant que le réalisateur fait le choix audacieux de donner une personnalité et une voix à son fantôme tueur, lui donnant donc la capacité de commenter ses actes et de faire face à ses victimes comme à ses bourreaux. Le film est en fait une accumulation d’idées intelligentes et de choix intéressants, malheureusement la réalisation n’est pas à la hauteur du pourtant très bon pitch.

Fade dans ses couleurs, il l’est aussi dans la mise en scène des meurtres qui ne montre jamais rien ou le fait en plan large. La douleur qu’on est supposé ressentir est absente. Là où SAW nous plongeait dans l’incroyable horreur douloureuse, SOME KIND OF HATE se contente de hors champs et de giclées de sang en plan large, ce qui rend l’aspect slasher beaucoup moins fonctionnel. Pire, le film s’avère plutôt gentil puisque les meurtres n’ont lieu que de loin. Il y a également le problème des personnages secondaires pas suffisamment élaborés, qui pourtant auraient donné de la profondeur en étant mieux exploités de leur vivant comme dans leur mort.

Bien que bourré de bonnes idées, SOME KIND OF HATE échoue à faire ressentir la souffrance physique supposée faire écho à la souffrance mentale des personnages. Si le concept du fantôme est intéressant en revanche le film n’exploite pas toutes ses facettes et s’avère timoré dans sa mise en scène. Dommage, ce coup d’essai ne semble pas abouti.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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