Someone’s watching me

Un texte signé Franck Boulègue

Etats-Unis - 1978 - John Carpenter
Interprètes : Lauren Hutton, David Birney, Adrienne Barbeau, Charles Cyphers, Grainger Hines…

Cet excellent téléfilm signé John Carpenter, tourné la même année que le très célèbre HALLOWEEN (qui marquera le véritable début de sa carrière d’auteur culte), nous entraîne dans le sillage de sa jeune et dynamique héroïne, Leigh Michaels, qui cherche à refaire sa vie sur la côte ouest des Etats-Unis, à Los Angeles, en travaillant pour une chaîne de télévision en tant que réalisatrice d’émission en direct. Bien que la ville soit célèbre pour son horizontalité à perte de vue, rendant l’usage d’une voiture absolument nécessaire en son sein, c’est au sommet d’un building résidentiel (qui porte le doux nom, très lovecraftien, « d’Arkham Tower ») que se situe son nouvel appartement, lieu où se déroulera l’essentiel de l’intrigue.
Un mystérieux voyeur demeurant dans l’immeuble situé directement en face de celui de Leigh s’escrime en effet à la pousser au suicide en lui faisant parvenir toute une série de « cadeaux ». Ces derniers visent à lui prouver que son espace privé est constamment envahi sans son consentement – « violé », en quelque sorte – et que ses efforts pour le protéger sont vains. Il scrute ses faits et gestes à l’aide d’un puissant télescope installé dans son appartement et il enregistre ses conversations privées grâce à un micro espion dissimulé sous le bureau de sa chambre. Il lui téléphone de surcroît à tout bout de champ afin de la pousser à bout, la harcelant de la sorte jour et nuit.
Ce qu’il ne sait pas, en revanche, c’est que Leigh n’est pas une de ces midinettes apeurées qui empoisonnent de trop nombreuses fictions horrifiques, toujours prêtes à se comporter de manière hystérique, en poussant des hurlements stridents des plus irritants. Leigh, au contraire, est une femme forte, comme les affectionne Carpenter, qui ne se laisse pas impunément marcher sur les pieds. Elle n’hésite pas ainsi à se rendre, armée d’une couteau, à un certain rendez-vous fixé par l’inconnu qui lui pourrit la vie, histoire de lui régler son compte le cas échéant. Le traitement des membres du sexe soi-disant « faible » se révèle d’ailleurs particulièrement adulte dans ce film, où la principale collègue de travail de Leigh lui déclare sans ambages son homosexualité, sans rien perdre cependant de sa confiance ou de son respect. Plutôt courageux dans les années 70, où de tels sujets en choquaient encore plus d’un !
Les liens avec le cinéma d’Alfred Hitchcock, et plus spécialement avec FENETRE SUR COUR, sont nombreux. On pense aussi à Brian De Palma (lui-même fan invétéré du grand maître britannique), l’auteur de BODY DOUBLE. Le fait pour les personnages d’entrer, contre leur gré, dans le cadre de l’image perçue par le télescope / la caméra (graduée à l’instar de la lunette de visée d’un fusil – image qui n’est pas sans faire penser à cette séquence terrifiante d’ASSAUT où la voiture des tueurs sillonne les rues de l’agglomération, le canon d’un fusil dépassant de la fenêtre teintée entrouverte, isolant à tour de rôle dans sa visée plusieurs cibles humaines potentielles) les place dans une position de totale vulnérabilité. Les larges panneaux vitrés qui rendent d’ordinaire l’appartement de Leigh si lumineux, le transforment en l’occurrence en aquarium où rien n’est masqué au regard avide du maniaque. Leigh, qui s’efforce en permanence de masquer ses intentions véritables en brodant des histoires improbables, qui se retournent d’ailleurs parfois contre elle, se trouve soudainement mise à nue, traquée jusque dans l’intimité de son repaire.
Carpenter enrobe cette histoire avec un savoir-faire indéniable. Ses mouvements de caméra sont élégants, et il parvient à nous faire partager la peur de son héroïne avec une grande économie de moyens (les moments où l’éclairage de son appartement vacille, comme manipulé à l’aide d’un variateur de lumière, confèrent même à ces séquence un petit côté fantastique passablement terrifiant). Le récit de cette réalisatrice prise dans la fiction perverse élaborée par un autre qu’elle mérite par conséquent amplement le détour. SOMEONE’S WATCHING ME constitue une pierre méconnue, et pourtant chaudement recommandable, de l’imposant édifice filmographique de ce metteur en scène hors-pair.


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- Article rédigé par : Franck Boulègue

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