retrospective

Soudain les Monstres

Morgan et deux de ses copains vont chasser sur une île quand l’un d’eux est tué par des guêpes géantes.
Il s’avère qu’un couple de fermiers a fait manger à ses poules une substance inconnue. Une colonie de rats a également goûté à ce produit, en plus des guêpes. Les rats, devenues gigantesques, attaquent les humains qui se trouvent sur l’île.
Dans les années 50, Bert I. Gordon était le roi des géants. BEGINNING OF THE END, THE CYCLOPS et THE AMAZING COLOSSAL MAN en 1957, ATTACK OF THE PUPPET PEOPLE, WAR OF THE COLOSSAL BEAST et EARTH VS THE SPIDER l’année suivante. A elle seule, l’intrigue d’êtres humains attaqués par des « choses » géantes a suffit à Bert I. Gordon pour se faire une carrière. Si aucun de ses films ne révélait un énorme talent, beaucoup figuraient régulièrement dans la liste des œuvres tellement mauvaises qu’elles en deviennent bonnes. En fait, elles transportaient ce charme des films de science-fiction des années 50. Ces films qui restent prisonniers de leur ère et qui sont justement aimés pour cette même raison. Pour des spectateurs qui ont grandit avec THE THING et ALIEN, ils sont les capsules d’un temps somme toute plus innocent.
En 1976, Bert I. Gordon s’attaque de nouveau à ce sujet, mais il fallait être plus engagé, Summer of Love et contre-culture oblige ! Fini donc le divertissement léger, l’introduction d’un message est une nécessité. Au début du film, le narrateur (Morgan dans ce cas-ci) déclare ainsi gravement que le récit suivant montrera un exemple de la nature qui se défend contre les attaques de l’homme. Il ne le dit pas aussi explicitement mais le message est on ne peut moins subtil et c’est sous-entendu dès le début.
Le seul problème est que Bert I. Gordon se veut plus grave, plus dans la prise de conscience mais qu’il travaille toujours avec les mêmes moyens que dans les années 50. Oublions donc le développement des personnages, voire même de l’intrigue tout court. Les personnages restent des clichés ambulants. On a le héros intrépide, la fille courageuse, le connard égoïste ne pensant qu’à son propre profit, la vieille fille bigote, le couple amoureux. Jamais ne se profile une quelconque évolution et quand Lorna, l’héroïne, déclare à Morgan (pendant la scène la plus absurde dans un film bourré de scènes absurdes et au beau milieu d’une attaque de rats) que ça peut sembler ridicule, mais qu’elle aimerait justement lui faire l’amour, elle a raison : c’est ridicule, d’autant plus que les interactions entre Lorna et Morgan étaient préalablement dénuées de toute passion. Néanmoins, c’est dans le cahier de charge et il nous faut cette déclaration d’amour obligatoire, aussi invraisemblable soit-elle.
Mais finalement, cette scène-là n’est qu’une île dans un océan de situations invraisemblables. Les personnages fâchent car ils se comportent d’une façon incroyablement bête. Les décisions qu’ils prennent sont plus que stupides et même les adolescents dans les slashers les plus conventionnels n’arrivent pas à être à la hauteur d’une telle incompétence.
Ajoutons à cela une mise en scène, une musique et des effets sortis tout droit d’un téléfilm américain des années 70, en d’autres mots, rien qui puisse contrebalancer la bêtise de l’intrigue.
Si tout ceci ne condamne pas forcément un film à l’anonymat de la médiocrité (et une légion d’adeptes du film mauvais peuvent en témoigner), la cruauté apparente vis-à-vis des rats peut frustrer plus qu’un spectateur. Si certaines scènes nécessitent des effets (pas forcément toujours spéciaux), d’autres scènes montrent des rats mutilés, noyés, tués. Ces méthodes dans d’autres films, meilleurs que SOUDAIN LES MONSTRES, ont prêté le flanc à des attaques, même dans le camp de leurs propres supporteurs. A ce titre, contentons-nous de mentionner CANNIBAL HOLOCAUST. Film-phare du cinéma extrême et œuvre d’une intensité rare, ce dernier souffre d’une réputation douteuse justement à cause de sa cruauté envers les animaux. Si heureusement ce film peut fonctionner sans ces scènes isolées, SOUDAIN LES MONSTRES n’arrête pas de nous bombarder avec les images (omniprésentes lors de la deuxième moitié du film) de rats couinant de douleur.
Ainsi, si malgré tous ses défauts le film pouvait intéresser un public-cible, la cruauté envers les rats fâchera tout défenseur des droits des animaux. Reste donc un après-goût très amer qui rendra difficile la recommandation de ce film à quiconque.

Share via
Copy link