Sous les pavés, la 8e édition du Sadique-Master Festival au cinéma Les 5 Caumartin

Un texte signé André Quintaine

C’est en pleine crise insurrectionnelle que la 8e édition du sadique-Master Festival a battu son plein du 24 au 26 mars 2023.

En province, quand un festival de cinéma s’installe en ville, il est de coutume que la ville se mette au diapason… Les commerces et les rues sont alors décorés en conséquence.

À Paris, c’est pareil, même pour un événement somme toute plutôt confidentiel. Force est de constater que Tinam Bordage, l’organisateur, et Mme Le Maire avaient accordé leurs violons afin que la Ville Lumière se mette au diapason d’un événement qui célèbre le subversif… Ainsi, des montagnes de poubelles dégueulaient littéralement des trottoirs. Les rats habitués aux égouts sortaient se promener sur les parvis pour faire la nique aux touristes. De-ci de-là, des tags invitaient la population à faire des choses que la morale réprouve à M. le président et ses fidèles gardiens de la paix.

Impressionnant.

entretien avec le sadique master en personne tinam bordage 5

Blague mise à part, la disproportion entre les immeubles cossus qui bordent le cinéma Les 5 Caumartin où se déroulait le festival et la misère s’affichant sur la ligne 14 qui relie Gare de Lyon et Saint-Lazare, vaccinerait n’importe qui contre toutes les horreurs qui s’apprêtaient à déferler sur les écrans. Dans le même temps, cette inconvenance permet d’avoir une réponse bien sentie à toute personne qui s’aventurerait à promulguer des remarques à la morale déplacée.

Le festival se déroule donc au courageux cinéma Les 5 Caumartin rue Saint-Lazare qui abrite l’événement. Confidentialité et clandestinité obligent, la manifestation n’est pas annoncée avec grand fracas sur la devanture du cinéma. Malgré tout, une affiche fait quand même un peu tâche au milieu de quelques films français qu’on imagine soporifiques.

En maître de cérémonie, Tinam Bordage insuffle une atmosphère bon enfant au Sadique-Master Festival.

Chaque film est présenté avec bonne humeur et passion. De petites vidéos introductives réalisées par le groupe No Reason dans le plus pur style Peter Jackson, détendent l’atmosphère et relativisent… Ce n’est que du cinéma. Ainsi, la tête de turc des festivaliers est le Bloody Week-end, festival bien plus familial et grand public. Dès lors, l’événement franc-comtois est régulièrement et gentiment chambré à l’occasion d’un humour de répétition très drôle, exemple :

LA QUESTION EST VITE REPONDUE 2 - Sadique-master festival (vidéo promo) (2023)

Entre chaque séance, les festivaliers se retrouvent à la buvette pour échanger sur les films. D’autres présentent leur projet, toujours en rapport avec la thématique du festival.

Même si l’on s’amuse, l’organisation est sérieuse et la qualité de la sélection excellente.

The Den ouvre le bal. Le film est dynamique et agréable. Il s’inscrit dans la mode des found footage. Il date un peu (2013) mais reste inédit en France. Et, même s’il est loin d’être abominable, selon les critères du festival, il déborde d’un humour irrévérencieux souvent porté sous la ceinture.

Après une petite pause débute la compétition courts-métrages avec six films de haute tenue. Le néerlandais Gnomes (Ruwan Suresh Heggelman) est une tuerie (sélectionné au BIFFF et qui va gagner le prix du public au Sadique-Master Festival). The pussy with an uzi (Esa Jussila) est un Meet the Feebles avec des chats. Le français Venus (Mickaël Dusa/Jolan Nihilo) est d’une beauté glaçante traitant d’un sujet difficile. Le vénézuélien Thanatos (Oscar Lopera) coupe le souffre. Dead and delights (Essa Julia) est une variation sarcastique de la comtesse Bathory sur une thématique féministe. Tous les cinq font honneur au format court et devraient figurer sur vos listes de films à voir. Parmi la sélection, seul peut-être Everything Unnerves Me (Hazal Bayar) laissera de marbre en faisant le choix de mettre de côté toutes les personnes qui n’ont pas les références… Dommage.

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La soirée se termine avec 2552.01 qui pourra aussi laisser de marbre certains. Remake « Arthouse » du film The Kid de Charlie Chaplin, le film de l’Autrichien Norbert Pfaffenbichler représente un tour de force visuel, un régal pour les yeux. Décors, images mais surtout les masques que portent les acteurs sont époustouflants. Certaines scènes s’avèrent déchirantes. D’autres stipuleront probablement qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’un film de couloirs… Il est vrai que l’heure de métrage semble longue…

Samedi, c’est la journée la plus éprouvante. Et pas seulement parce que le film de Marian Dora, Pesthauch der Menschlichkeit, sera projeté. En effet, la soirée débute à 22h15 et se termine à… En réalité, avec ce satané passage à l’heure d’été, on ne sait pas trop… Quoi qu’il en soit, on se doute que l’on verra le soleil se lever sur Paris.

Trois films sont projetés.

The Profane Exhibit est une anthologie de courts-métrages réalisés par des noms illustres de l’horreur. Parmi eux, Uwe Boll dont le court-métrage s’intéresse à l’affaire Josef Fritzl qui a séquestré pendant 20 années sa fille dans son appartement. Comme toujours les courts restent inégaux mais certains se révèlent excellents comme Sins of the father de Nacho Vigalondo (Timecrimes) ou Tophet Quorum de Sergio Stivaletti… Un court-métrage qu’on aurait bien voulu voir se transformer en long.

Tinam Bordage présentait également, hors-compétition, son tout premier court-métrage, mettant en scène Vanda Spengler et Hiriko Mori, avec des effets spéciaux de David Scherer et notre rédactrice Sophie Schweitzer à la caméra. En se déroulant dans une crypte, mettant en scène deux femmes nues, l’une plus vraiment vivante, et avec une lumière naturelle parfaitement convaincante et à propos, Romance Post-mortem s’avère totalement dans le ton du festival et a d’ailleurs reçu un excellent accueil de la part du public.

Le film suivant est la friandise de la soirée, Pesthauch der Menschlichkeit de Marian Dora, obligeant plusieurs personnes à brusquement quitter la salle, voire à vider le contenu de leur estomac, pendant que d’autres ronflent à coeur perdu. Car effectivement, la soiré commence à être longue et le film suivant ne va pas aider.

Pig Killer est probablement le film le plus ambitieux de Chad Ferrin. Malheureusement le true-crime drama pourtant doté de l’illustre présence de Jake Busey et Michael Paré est trop bavard et trop long (deux heures !), surtout à 5 heures du matin. À cette heure-là, envisager autre chose qu’un porno pour tenir tête à la fatigue est déraisonnable.

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marian dora au sadique master festival

Dimanche, dernier jour ! Un seul film est prévu au cinéma Les 5 Caumartin…

Mais d’abord, place aux résultats des différentes délibérations.

Le public, auquel il était fortement recommandé de voter après chaque visionnage sous peine d’être flagellé ou sodomisé, a attribué son prix à l’anthologie The Profane Exhibit.

De son côté, le jury composé de Damien Granger, Stephen Bessac et d’André Quintaine, l’auteur de cet article, s’est réuni succinctement pour se mettre d’accord sur son favori… À l’unanimité, Pesthauch der Menschlikeit a obtenu le grand prix. Tout le monde s’accordait pour dire que ce n’était pas un film facile. Mais le Marian Dora est l’oeuvre la plus en adéquation avec l’esprit du festival. Et, surtout, est un film qui impose au spectateur une réflexion, même des heures après son visionnage.

Le public qui n’était pas loin d’en avoir fait son favori a d’ailleurs plébiscité ce choix.

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Le festival se termine avec la projection de l’autrichien 2551.02: The orgy of the damned. La seconde partie du diptyque reprend l’aspect visuel novateur établi par 2551.01. Ce qui a pour désavantage de perdre l’effet de surprise. Néanmoins, ce second opus mise sur des scènes à caractère pornographique étonnantes, déviantes, originales et intrigantes. Le film est magnifique.

Avec ses six films présentés, le festival respecte sa ligne éditoriale avec ce qui se fait de plus subversif. N’espérez même pas un happy end.

Festival fait par des passionnés pour des passionnés, le Sadique-Master est hautement recommandable. Une bonne ambiance, des stands où l’on peut trouver de vieux fanzines et des VHS du précédent millénaire, des livres dédiés aux exploits de divers tueurs en série… Le personnel, bénévole, est compétent comme le démontre l’organisation. Cerises sur le gâteau… Les courts-métrages de la troupe No Reason… Gore, drôles, irrévérencieux, ils démontrent la débauche d’énergie que toute l’équipe met en œuvre pour faire plaisir aux festivaliers.

Un festival à consommer en toute bonne conscience.

Notre entretien avec le sadique-master en personne : Tinam Bordage

Lien vers la page du festival

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Crédits photos : Franck Blood, Yohan Lim et Monsieur G


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks... Passionné de cinéma de genre, oeuvre également sur les blogs ThrillerAllee consacré au cinéma allemand et L'Écran Méchant Loup dédié aux lycanthropes au cinéma


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Une réflexion sur “Sous les pavés, la 8e édition du Sadique-Master Festival au cinéma Les 5 Caumartin

  • 8 avril 2023 à 7:43 am
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    Ravi d’avoir participé à cette édition légendairement putride !
    Et très bel article au passage.

Commentaires fermés.

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