Southbound

Un texte signé Sophie Schweitzer

SOUTHBOUND est un film dit d’anthologie composé de cinq histoires, dans lesquelles quatre réalisateurs (Roxanne Benjamin, David Bruckner, Silence Radio et Patrick Horvath) explorent le sud des États-Unis entre moiteur, poussière et lieux de perdition. Avec un univers s’insinuant sur le chemin du diable, des histoires de villes démoniaques, de créatures infernales, de messes noires, de limbes poussiéreuses, SOUTHBOUND immerge le spectateur dans une carte du fantastique proche de l’univers d’un Fulci (L’AU-DELÀ) croisant le côté gothique du sud avec une pointe de la dureté des terres sèches et arides des rednecks.

En choisissant de faire s’achever une histoire à l’endroit exact où commence la suivante, SOUTHBOUND s’offre quelque chose de rarement atteint par les films d’anthologie à savoir une continuité et une certaine fluidité. D’autant que cela fait s’entrecroiser les personnages, comme les histoires, permettant de distiller de plus en plus l’impression de s’enfoncer quelque part en enfer au milieu des étendues désertiques. Sentiment renforcé par le DJ à la voix rocailleuse qui accompagne tout du long les personnages entre deux morceaux de rock à la limite de la country. Cette voix qui parle de démons que l’on fuit, de passé qui finit toujours par nous retrouver et d’enfer au bout de la route fait écho aux pensées et aux espoirs avortés des héros torturés des cinq histoires.

Nous commençons avec Jack et Mitch qui roulent à bord d’un pick-up, visiblement inquiets et tracassés. Ils font une halte à une station service aussi poussiéreuse que peu accueillante avant de réaliser que les créatures qui les pourchassent sont là. Mais toute fuite est inutile. Nos deux héros ensanglantés sont coincés dans une boucle temporelle dont l’issue semble fatale.
Nous les abandonnons à leur triste sort pour rejoindre trois jeunes femmes membres d’un groupe de rock en tournée dont le mini-van tombe en panne. Coincées au beau milieu de nulle part, elles sont secourues par un couple semblant très sympathique. Trop aux yeux de la plus âgée qui commence à se demander si leur hospitalité généreuse ne cache pas quelque chose.
C’est sur une fracassante arrivée que nous prenons l’histoire de Lucas en cours de route. Suite à un accident de la route, l’homme appelle les secours et, suivant leurs indications, se retrouve dans un hôpital abandonné tentant d’opérer lui-même la jeune femme qu’il a renversée.
Nous finissons par être convaincu d’avoir atterri quelque part en enfer quand Danny, un vieil homme, braque un bar et découvre que les clients sont des démons. Cette découverte ne l’arrête cependant pas car tout ce qu’il veut, c’est retrouver sa sœur. Et l’expression « faire attention à ce que l’on souhaite » prend tout son sens quand il retrouve ladite demoiselle, pas le moins du monde en détresse. L’enfer semble avoir bel et bien ouvert ses portes cette nuit-là.
C’est pour cela que le dernier segment nous ramène au début de la nuit, comme pour conclure l’histoire avec une fin à la morale finalement proche d’un épisode de la série LES CONTES DE LA CRYPTE : l’enfer est pavé de bonnes intentions et de faiblesses, d’erreurs tragiques.

Véritable réussite, SOUTHBOUND est de ces films à l’atmosphère pesante qui, avec subtilité, trace des destinées tragiques et fait souffler les flammes de l’enfer sur la nuque de son spectateur. L’ambiance moite et collante du sud profond est parfaitement retranscrite et le fantastique, dans sa définition la plus pure, s’exprime : c’est-à-dire qu’on n’est jamais totalement certain d’être véritablement en enfer, mais on finit comme les héros par s’en convaincre.

Partant sur un très bon script, avec une mise en scène moderne et soignée, une véritable atmosphère et une fluidité qui permet de ne pas s’ennuyer et d’éviter l’écueil de la comparaison usuelle dans ce type de production, SOUTHBOUND est un film qui vous surprend et vous emporte. Une belle découverte vue au PIFFF 2015 et au BIFFF 2016.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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