Spider Baby

Un texte signé Jérôme Pottier

USA - 1964 - Jack Hill
Titres alternatifs : The Maddest Story Ever Told
Interprètes : Lon Chaney Jr, Jill Banner, Quinn Redeker, Beverly Washburn, Sid Haig, Carol Ohmart, Karl Schanzer, Mary Mitchell…

En 1964, un inconnu nommé Jack Hill réalise un petit film d’exploitation, pour la première fois, ce scénariste surdoué a l’occasion de mettre en images un de ses scripts, et cela avec un budget « faramineux » de 65.000 dollars. Son producteur, malgré sa pingrerie, fait faillite, ce qui, malheureusement, empêche la sortie du métrage. Pendant ce temps, Jack Hill travaille avec son ami Roger Corman allant même jusqu’à finir les films de ce dernier (THE TERROR également coréalisé par Francis Ford Coppola, Monte Hellman et Jack Nicholson). C’est en 1968, après presque quatre années de purgatoire, qu’un distributeur se dévoue permettant aux spectateurs médusés d’admirer l’histoire la plus folle jamais contée, celle de SPIDER BABY.
De riches (?) héritiers, accompagnés de leur avocat, comptent bien récupérer une vieille bicoque paumée. Elle est habitée par d’étranges membres de leur famille. Cette bande de joyeux drilles composée de deux jeunes filles dévergondées et de leur grand frère attardé vit sous la coupe d’un chauffeur nommé Bruno. Les retrouvailles se déroulent de manière fort singulière…
SPIDER BABY débute très fort avec sa chanson interprétée par un Lon Chaney Jr déchaîné, elle illustre un générique sous forme de cartoon à la Hannah-Barbera ; dès lors, le spectateur devine qu’il ne va pas visionner un film « lambda ». Et ça continue avec la scène d’ouverture durant laquelle un médecin (à l’image de nombreux films « éducatifs » des 50’s) évoque le syndrome « Merrye » qui divise la communauté scientifique. Un syndrome dégénérescent et initiateur de comportements violents qui porte, bien sûr, le nom de la famille d’adorables psychopathes que nous présente Jack Hill. Une fratrie qui sait s’amuser à l’image des deux filles qui pratiquent un jeu innocent avec le facteur pour finir par le tuer… ah les mômes, comme le disait Marcel Pagnol : « il faut bien que jeunesse se passe ». Et puis, elles sont tellement plus mignonnes que leur grand frère Ralph, muet et bestial !
Cette galerie de freaks renvoie bien évidemment au cinéma de Tod Browning, plus particulièrement grâce à la photographie parfois très expressionniste d’Alfred Taylor (coïncidence savoureuse, il terminera sa carrière en 1988 avec un autre film malade du bulbe, KILLER KLOWNS FROM OUTER SPACE des frères Chiodo). Mais SPIDER BABY n’est pas qu’un savant mélange entre FREAKS (1915) et THE ADDAMS FAMILY (1964), c’est aussi une œuvre foncièrement novatrice qui influencera grandement Tobe Hooper pour son MASSACRE A LA TRONCONNEUSE (1974) et, bien évidemment, Rob Zombie pour le génial diptyque composé de LA MAISON DES 1000 MORTS (2003) et THE DEVIL’S REJECTS (2005). La filiation est encore plus évidente lorsque l’on sait que l’emblématique Captain Spaulding, antihéros des délires pelliculés de Rob, est interprété par Sid Haigh, acteur fétiche de Jack Hill, qui campe ici Ralph, un croisement entre l’homme et le chien d’attaque.
Le reste du casting mené de main de maître par Hill, dont tous les professionnels s’accordent à louer les qualités de directeur d’acteur, est à l’avenant. Lon Chaney Jr livre sa dernière grande composition (avant d’être malmené par Al Adamson dans quelques nanars imbuvables), il est à la fois hilarant et inquiétant dans ce rôle de chef de famille presque débonnaire. Fils de la légende hollywoodienne que l’on surnomma l’homme aux 1000 visages, Lon Chaney Jr trouve ici un personnage à sa mesure avec, au détour d’une scène, un petit hommage à Larry Talbot le lycanthrope qui fit sa gloire (LE LOUP-GAROU de Georges Waggner-1941). La performance de feue Jill Banner, âgée de 18 ans lors du tournage, est bluffante, plus particulièrement lorsqu’elle croit se transformer en araignée (d’où le titre). Beverly Washburn, aujourd’hui spécialiste des séries télés US, qui interprète ici une petite princesse manipulatrice (tiens donc, un peu comme Sheri Moon zombie dans les deux premières pelloches de son veinard de mari), est également très impressionnante.
Bien sûr le film n’est pas exempt de défauts mineurs. Ainsi, quelques dialogues à rallonge trahissent un Jack Hill scénariste qui s’amuse à faire surjouer ses acteurs. SPIDER BABY connaît également quelques baisses de rythme mais en regard de son budget ridicule cela est fort compréhensible. Cette farce macabre et malsaine constitue un long métrage singulier qui, lors de sa sortie, en surprit plus d’un d’où son statut immédiat de film culte grandement mérité. Quelques années plus tard, en 1973, Jack Hill allait révolutionner le cinéma d’exploitation US avec COFFY LA PANTHERE NOIRE DE HARLEM, mais ceci est une autre histoire…


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- Article rédigé par : Jérôme Pottier

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