Stephen Thrower

Un texte signé Éric Peretti

- 2011

Auteur de Beyond Terror : The Films of Lucio Fulci et Nightmare USA : The Untold Story of the Exploitation Independents, Stephen Thrower était présent au Festival du Film Underground de Lausanne en tant que juré. Également détenteur d’une Carte Blanche, il en a profité pour présenter aux festivaliers cinq films étranges, dont le très peu diffusé LA FILLE AU SEXE BRILLANT de Jess Franco, le bluffant DUFFER et le poétique DEATH BED : THE BED THAT EATS. Érudit pédagogue extrêmement sympathique, Stephen Thrower a répondu à nos questions et levé le voile sur son nouvel ouvrage.

Sueurs Froides : Tu peux nous parler un petit peu de DEATH BED, qui est une sacrée découverte.

Stephen Thrower : Le film a été tourné par George Barry sur plusieurs week-ends entre 1972-73. Mais il n’en finira la post-production qu’en 1977, et sans les crédits. Il a montré cette version à de nombreux distributeurs. Aucun d’entre eux n’a aimé le film car à cette époque les films d’horreur devenaient de plus en plus violents et extrêmes. DEATH BED était trop bizarre et pas assez commercial. Assez triste, George a abandonné l’espoir d’être réalisateur. Les dernières personnes qui ont demandé à voir le film étaient de Los Angeles. Avant de répondre non, ils en on fait secrètement une copie et l’ont vendu quelques années plus tard lorsque le marché de la vidéo était florissant. Je l’ai vu à la fin des années 80. Il n’y avait pas de crédit, seulement le nom George Barry et le copyright qui indiquait 1977. Ce film est resté un mystère durant des années. En 2002, le réalisateur surfait sur le forum du site Scarlet Street et, en ouvrant un sujet consacré aux films d’horreur obscurs, parcourt un message où quelqu’un dit adorer un certain DEATH BED dans lequel un lit dévore les gens. George est abasourdi car pour lui personne n’a jamais vu son film, ce dernier se trouvant dans une boîte rangée sur une étagère dans son garage. Il se présente alors sur le site comme le réalisateur de DEATH BED et découvre l’existence d’éditions vidéos dont il n’avait jamais entendu parler.

Sueurs Froides : Tu as participé à la version finale du film, celle qui est éditée en dvd, en composant la musique.

Stephen Thrower : Durant la période ou je rédigeais Nightmare USA, je lui avais envoyé des extraits musicaux de mon groupe Cyclobe. Je l’ai mis en relation avec Cult Epics qui a édité le film. Lorsque George m’a dit qu’il pouvait enfin faire un truc décent avec les crédits, il m’a demandé de composer la musique additionnelle. Il a particulièrement aimé un morceau du groupe, Each and every Word must die. Je lui ai proposé d’en faire une nouvelle version pour que ça colle au film, et voilà.

Sueurs Froides : En parlant de musique de film, tu aurais aussi dû faire celle de HELLRAISER.

Stephen Thrower : J’avais rencontré Clive Barker alors que je faisais parti de Coil. Clive aimait nos disques et il voulait qu’on fasse la musique du film. On a commencé, le studio était payé par la production. Le film était financé par New World Pictures et c’était vraiment une production à très faible budget. Un jour, ils ont envoyé deux exécutifs sur le tournage pour voir les rushes. Ils ont été surpris de l’aspect commercial du film, ils devaient sûrement penser que ce serait trop avant-garde. Ils se sont dits que ce serait un hit et ils ont proposé de donner plus d’argent. La réponse de Clive fut évidemment Yes please ! Mais cette bonne nouvelle a aussi eu des conséquences négatives, ils ont dit à Clive qu’en retour il devait changer certaines choses, notamment pour la musique. Ils voulaient un score orchestral, réalisé par quelqu’un de chez eux. Clive était partagé car il aimait ce que l’on faisait… mais il avait besoin de plus d’argent. Pour nous ce fut une claque. Avec le temps des rumeurs ont couru, on raconte que notre musique était trop sombre ou que nous nous étions fâchés avec Clive. Non, en fait c’est juste une simple histoire d’argent, on faisait partie d’une liste de choses à changer pour obtenir de meilleures conditions de travail.

Sueurs Froides : En tant que spécialiste en films obscurs, tu as récemment participé au dvd VIDEO NASTIES : MORAL PANIC, CENSORSHIP & VIDEOTAPES.

Stephen Thrower : Marc Morris et Jake West, les responsables de Nucleus Films Ltd, m’ont donné la liste des films qui seront chroniqués pour le documentaire en me demandant lesquels je voulais présenter, tout en me prévenant que ceux de Dario Argento, Lucio Fulci et Mario Bava avaient déjà été choisis par mes collègues Kim Newman, Alan Jones et Patricia MacCormack. Mais ce n’était pas grave car en regardant la liste, j’ai trouvé pleins d’autres films que j’aimais beaucoup et qui ne semblaient plaire à personne d’autre.

Sueurs Froides : Après Nightmare USA qui est un livre impressionnant tant au niveau du contenu que du volume, tu travailles actuellement à un ouvrage sur Jess Franco. Tu aimes vraiment les travaux herculéens.

Stephen Thrower : J’ai travaillé sur Nightmare USA durant 5 ans. J’ai au départ fait une liste de personnes à qui je voulais parler, pensant que si je pouvais en joindre un sur dix ce serait déjà pas mal. Mais au final, j’ai réussi à contacter presque tout le monde, et tous ont bien voulu me parler, me livrant pleins de témoignages intéressants. Du coup le livre est devenu de plus en plus gros. À un moment, j’ai du commencer à penser au côté pratique et à me demander quel sera la taille du livre. Harvey Fenton, le responsable de FAB Press, m’a dit de ne pas dépasser les 500 pages. Mais comme j’avais bien plus de matériel que de pages disponibles, j’ai divisé l’ouvrage en deux. J’ai aussi fait le choix de ne pas mettre que les meilleures histoires dans le premier volume, il me reste d’excellentes choses pour la suite.

Sueurs Froides : Justement, on attend cette suite avec impatience.

Stephen Thrower : Je le sais. En fait je n’aurais jamais du annoncer qu’il y aura un volume deux car maintenant c’est la première chose que les gens me demandent (rires).

Sueurs Froides : Mais tu as d’abord décidé d’écrire un livre sur Jess Franco.

Stephen Thrower : Après avoir enfin achevé Nightmare USA, je ne me sentais pas capable d’enchaîner de suite sur le volume deux. Il me fallait du repos…

Sueurs Froides : Avec un ouvrage sur Jess Franco ?

Stephen Thrower : (rires) Et oui, en fait, les choses se sont faites un peu par hasard. Il y a dix ans lorsque Tim Lucas a écrit Obsession : The Films of Jess Franco, plus d’un quart de ses films étaient invisibles. Or depuis ces dernières années, il est possible de voir la quasi intégralité de son œuvre. Je me suis dit que c’était alors possible d’écrire à nouveau sur lui et je me suis lancé. J’ai du voir un peu plus de 160 de ses films, il doit y avoir moins d’une dizaine de titres qui sont toujours manquants. L’idée de départ était de faire une chronique de chaque film, ce qui est une grosse tâche. Mais il y a 6 mois, je luttais avec ce livre en me disant que je n’en étais pas pleinement satisfait. Il me fallait faire plus que des chroniques, et j’ai commencé à interviewer des tas de gens qui ont eu un rapport avec Jess Franco. Donc maintenant il y a aussi un grosse partie, basée sur ces interviews, sur sa carrière. Je compte finir la rédaction pour la fin de cette année, avec une publication en 2012.

Merci à Stephen pour l’entretien et le déjeuner.
Merci à Patrick Suhner pour l’organisation de l’entretien.
Merci à Luc pour ses photos.


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- Article rédigé par : Éric Peretti

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