Stingray Sam

Un texte signé Philippe Delvaux

USA - 2009 - Cory McAbee
Interprètes : Cory McAbee, Ron Crawford, Crugie, Michael De Nola, Maura Ruth Hashman, Jessica Jelliffe, Robert Lurie

Dans l’ex colonie huppée de Mars, maintenant délabrée, Stingray Sam survit en chanteur de cabaret. Son ami, le Quasar kid vient le tirer de là pour lui proposer de sauver une fillette enlevée par le méchant Fredward. Une aventure loufoque est sur le point de débuter.

Les Monty Python sont de retour. Enfin, du moins leur esprit, qui plane en ombre tutélaire d’un STINGRAY SAM qui érige l’absurde et le décalé en ligne de conduite.

Les films référant aux cinémas du passé abondent en ces temps de remake à tout va. Souvent médiocres, ou du moins dénués d’intérêts, la plupart de ces métrages surfent de manière opportuniste sur la nostalgie du public, ou capitalisent sur la mémoire collective. Mais tout n’est pas à jeter dans un cinéma qui prend en compte son passé. Il est des travaux qui tout en s’appuyant fortement sur de prestigieux ancêtres, en digèrent parfaitement les codes et les transcendent dans une œuvre nouvelle et profondément originale. Le festival Offscreen 2010 nous en a ainsi présenté deux : le très sensoriel AMER et ce complètement frapadingue STINGRAY SAM.

Le point de départ de STINGRAY SAM est à trouver dans années ’30-40, plus précisément dans les westerns et surtout le serial FLASH GORDON, lequel est étonnement encore tout à fait regardable, notamment du fait de son rythme endiablé. FLASH GORDON aura d’ailleurs inspiré les parodies, on se rappelle de la version érotico-porno des années ’70, sortie sous le titre FLESH GORDON.

Producteur, scénariste, réalisateur, Cory Mc Abee conserve donc une structure de serial (6 épisodes d’une vingtaine de minutes) se terminant chaque fois sur un cliffhanger et dont l’argument est similaire à celui de FLASH GORDON (sauver une « demoiselle en détresse »). Mais la naïveté qui fonctionnait avant guerre se heurterait au cynisme contemporain et, pour le dépasser, les créateurs de ce show improbable passent leurs idées à la moulinette de l’humour absurde. Et le résultat fonctionne bien : on rit régulièrement des trouvailles bizarres d’un monde livré à l’eugénisme et où les femmes ont presque entièrement disparu. Depuis que les progrès médicaux nous permettent de contrôler les naissances et de connaître le sexe de l’enfant à venir, on voit à intervalle régulier la science fiction s’emparer du sujet pour en pointer de potentielles dérives. Certains pays sont déjà confrontés à un déficit de population féminine, dû aux avortements plus régulièrement demandés lorsque le fœtus n’est pas de sexe masculin. On voit aussi l’absurde rejoindre la réalité depuis qu’en 2009 un transsexuel « Female to male », ayant gardé ses organes féminins, a donné naissance à un bébé. STINGRAY SAM exploite ce genre de situation pour en tirer un ressort comique. Toujours dans le cadre du festival Offscreen 2010 où le film a été présenté, une autre comédie, elle aussi très recommandable, prenait le thème de l’homme enceint : THE IMMACULATE CONCEPTION OF LITTLE DIZZLE.

Mais Cory Mc Abee et son équipe ne se limite pas à ce premier thème. On relève ainsi des allusions à la religion chrétienne : le père se nomme Jerry Carpenter (Joseph était charpentier), sa fille n’est pas née d’une relation sexuelle mais d’une autofécondation de Jerry (l’immaculée conception), le méchant Fredward est entouré de disciples… Un autre volet du show lance ses piques à l’encontre du néolibéralisme sauvage : les capitaines d’industrie abandonnent une planète d’ouvriers, faisant ainsi dépérir une population subitement ruinée. Les usines sont alors transformées en prison pour y parquer les chômeurs désœuvrés… et les industriels y réinstallent leur production sans plus devoir verser de salaire. Il plane un parfum subtil mélangeant METROPOLIS au BRAZIL de Terry Gilliam, avec ses fonctionnaires obtus et procéduriers. En ces temps de politiquement correct, on rit de voir tous ce petit monde perpétuellement sponsorisé par une marque de tabac à mâcher.

STINGRAY SAM ressort à une sorte de Steampunk comique, du rétro futurisme qui aurait ingurgité des champignons hallucinogènes. On y retrouve des collages animés dignes du décidemment incontournable Terry Gilliam, réexploitant une imagerie d’avant guerre, un peu à l’instar des illustrations d’encyclopédies régulièrement détournées par Philippe Geluck. Des figures embourgeoisées y côtoient des prolétaires qui ont dû fréquenter Karl Marx et des scientifiques croqués par Victor Hugo, tout ce petit monde plongé dans un futur improbable.

STINGRAY SAM réinjecte un autre genre, qui a connu son heure de gloire entre les années ’30 et les années ’50 et qui retrouve sporadiquement les faveurs du public ces dernières années : la comédie musicale. Chaque épisode de STINGRAY SAM est donc ponctué d’une chanson loufoque.

L’ensemble souffre de temps en temps de petites baisses de rythme, insuffisante cependant pour gâcher notre plaisir.

Projet OVNI, STINGRAY SAM fera vibrer tous les amoureux d’ambiances décalées.

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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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