Stormy Night

Un texte signé André Quintaine

Japon - 2005 - Gisaburo Sugii
Titres alternatifs : Arashi no yoru ni

Lors d’une terrible nuit d’orage, un agneau et un loup trouvent refuge dans une grange. Il fait tellement sombre qu’ils ne se voient pas l’un l’autre. Néanmoins, en discutant, ils découvrent qu’ils possèdent de nombreux points communs et décident de devenir amis. Ils se donnent rendez-vous le lendemain devant la porte de la grange… A l’aube, quelle n’est pas leur surprise de découvrir qu’ils sont en réalité ennemis ! Pourtant, plutôt que de laisser la nature reprendre ses droits, ils décident de ne pas céder à leurs instincts. Le loup ne cherchera pas à dévorer l’agneau, et ce dernier ne va pas fuir à la vue du prédateur. Chacun va aller à l’encontre de ses préjugés afin d’entretenir cette amitié. Mais le combat le plus âpre restera celui de convaincre leur clan respectif.
Film pour enfant, STORMY NIGHT s’attaque aux préjugés et aux dogmes manichéens. S’il ne s’agit pas d’un thème très original, l’animé le fait avec plus de profondeur que ce que l’on a l’habitude de voir traditionnellement.
Gabu, le loup, et Mei, l’agneau, sont ennemis depuis la nuit des temps. Tout semble les opposer. En réalité, seul leur rôle dans la chaîne alimentaire les sépare. Ce rôle qui fait de l’agneau la proie du loup devra amener Mei à accepter Gabu tel qu’il est là et à apprendre à ne pas juger son nouvel ami qui doit bien se nourrir d’une façon ou d’une autre. A l’inverse, Gabu doit s’astreindre à contrôler ses instincts et à mesurer la valeur du sacrifice que représente la mort d’un animal afin de lui permettre de vivre.
Ainsi résulte une amitié qui va rapidement se heurter aux considérations des autres membres qui forment le clan de chacun d’eux. Plutôt que de faire l’effort de lutter contre cette forme de soumission qui a transformé l’un en prédateur, l’autre en gibier, chacune des deux communautés préfère continuer à perpétrer son rôle. Si les loups se suffisent de leur place qui les situe en haut de la chaîne alimentaire, les agneaux, quant à eux, choisissent également un confort qui leur permet de ne pas avoir à se poser de questions.
Après avoir essayé sans succès de manipuler ces deux marginaux en leur faisant entendre raison, les deux communautés vont comprendre le danger que représente ce comportement qu’ils jugent aberrant. Et ils vont décider de purement et simplement supprimer ces deux êtres qui risquent de faire sombrer l’ordre des choses dans lequel chacun se complait.
STORMY NIGHT est une très belle fable qui cherche à mettre en valeur une certaine forme d’individualisme. Pas celle, capitaliste, qui vise à soumettre son semblable pour s’agrandir, mais celle qui consiste à réfléchir sur une vision manichéenne, imposée par le plus grand nombre par soucis de simplicité. A aucun moment, Mei et Gabu ne chercheront à se révolter. Ils souhaitent seulement vivre leur amitié. Lorsqu’ils se rendent compte que cette amitié est impossible à vivre dans une société manichéenne, ils décident simplement de quitter les leurs. La leçon à tirer de cette fable est d’autant plus belle qu’elle ne cherche pas à opposer et à dresser les uns contre les autres. Chacun devrait pouvoir vivre selon ses convictions et ne pas croire qu’il n’existe qu’une seule vérité.
Si STORMY NIGHT est un film pour enfants, il s’avère tout à fait recommandable pour des adultes. Le message est dit clairement, mais avec beaucoup de subtilité. Les deux personnages ne sont jamais dépeints de manière simpliste et manichéenne. Gabu refuse de se nourrir de Mei, mais doit bien trouver sa viande ailleurs. De même, Mei doit accepter l’idée que Gabu se nourrisse de ses amis. Cette profondeur à tous les niveaux du film entraîne de nouvelles réflexions et confère une grande solidité à STORMY NIGHT.
En ce qui concerne l’aspect technique, le film se révèle en revanche assez inégal. Le début, et en particulier la rencontre dans la grange de Gabu et Mei, est visuellement superbe. Malheureusement, la suite ne sera pas du même niveau avec une mise en couleur simpliste qui transpire la fabrication par ordinateur. Rien à voir avec du Miyasaki.
On retrouve également cette simplicité au niveau de la trame scénaristique exempte de tout rebondissement ou surprise.
Quoi qu’il en soit, ces critiques s’avèrent en réalité futiles en comparaison de la richesse du propos. Elle justifie à elle seule le visionnage du film, surtout pour ses enfants.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks

Share via
Copy link