Stuck

Un texte signé Nassim Ben Allal

Canada-Etats-Unis-Royaume-Uni-Allemagne - 2007 - Stuart Gordon
Interprètes : Mena Suvari, Stephen Rea, Russell Hornsby, Rukia Bernard

Cinéaste polymorphe, Stuart Gordon est devenu un pilier du cinéma d’horreur grâce à des titres aussi marquants que RE-ANIMATOR ou FROM BEYOND. Mais Gordon a toujours flirté avec d’autres genres, que ce soit le drame sombre (EDMOND), le film noir (KING OF THE ANTS) et même la comédie familiale en signant une adaptation d’une nouvelle de Ray Bradbury, THE WONDERFUL ICE CREAM SUIT. Avec STUCK, Stuart Gordon ajoute un nouveau genre à son œuvre et aborde la satire sociale avec un humour noir et une acidité qui font grincer des dents.
Brandi Boski, jeune infirmière officiant en maison de retraite, rentre chez elle après avoir fêté une promotion. Mais alors qu’elle parle au téléphone en conduisant, elle percute ce pauvre Thomas Bardo, chômeur à la dérive d’une cinquantaine d’années, en voie de clochardisation. Paniquée par cet accident, refusant d’en endosser la responsabilité, Brandi décide de foncer chez elle à travers la ville déserte, Bardo toujours encastré dans son pare-brise…
Des les premières images, Stuart Gordon donne le ton : une caméra hésitante erre parmi les résidents d’une maison de retraite sous une lumière blafarde, horriblement réaliste. Ce réalisme glauque, pauvre et sale ne sera jamais gommé par de quelconques effets de lumière : c’est l’histoire de personnes en marge qui est ici racontée. D’abord celle de Thomas Bardo, cadre ayant perdu son boulot et maintenant à la rue, victime d’une administration ubuesque et d’un patronat sans états d’ame. En face de lui, Brandi Boski semble mieux lotie, mais à peine : jeune infirmière, elle doit subir les affres de ses patients, travailler soir et week-end pour tenter de gagner décemment sa vie, habite dans un quartier miteux et sort avec un dealer certes sympathique, mais qui n’a de cesse de la tromper dès qu’elle a le dos tourné. L’accident qui va établir le lien entre ces deux personnages, aussi terrible soit-il, sonne particulièrement juste en ces temps de crise. Violent et soudain comme un licenciement, il va faire ressortir le pire de la personnalité de Brandi. Elle, si douce et serviable dans son boulot, va s’avérer n’être qu’une véritable ordure, alors que Bardo, dont la volonté de s’en sortir professionnellement est de plus en plus émoussée, va lui, retrouver une dantesque envie de vivre. Tour à tour drame social, comédie noire et furieuse, STUCK est avant tout un uppercut, un chef d’œuvre tourné avec très peu de moyens mais qui donne vraiment à réfléchir. S’attaquant de front à l’individualisme forcené de notre société, Stuart Gordon livre un spectacle passionnant, une plongée vertigineuse au fond de la psyché humaine où, au final, tout manichéisme est gommé au profit d’une étude de caractère. Car telle semble être la définition de l’expression « faire preuve d’humanité » : devenir la dernière des ordures pour pouvoir s’en sortir. Seul un film de genre pouvait aller aussi loin dans la représentation de la complexité de cette humanité inhumaine et c’est avec un gigantesque talent que Stuart Gordon délivre sa leçon…qui a justement le mérite de ne pas être didactique.


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- Article rédigé par : Nassim Ben Allal

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