Sukiyaki Western Django

Un texte signé Patryck Ficini

Japon - 2007 - Takashi Miike
Interprètes : Hideaki Ito, Masanobu Ando, Koichi Sato

Un aventurier solitaire survient dans une petite bourgade écrasée sous la botte de deux bandes de desperados brutaux…
En voyage au Japon, l’anecdote dit que Franco Nero s’est fait appeler Django par un réceptionniste. C’est dire l’influence et le succès de ce western dans le monde entier et plus précisément au pays du soleil levant.
Lorsque sort DJANGO en 1966, Sergio Corbucci et Franco Nero sont sûrement bien loins d’imaginer l’oeuvre mythique à laquelle leur colllaboration avec Franco Rossetti, scénariste, a donné le jour. Variante (encore plus) fauchée et ultra-violente de POUR UNE POIGNEE DE DOLLARS (et donc de YOJIMBO, d’après MOISSON ROUGE de Dashiell Hammett), DJANGO crée le western spaghetti macabre et tragique, avec un sens de la démesure et une folie alors uniques. Django, pistolero en noir qui traîne un cercueil contenant une mitrailleuse, être ténébreux et avide de vengeance qui aura les mains brisées par des chevaux dans l’une des scènes les plus sadiques du cinéma, est inoubliable. Maintes fois imité (on ne compte plus les pistoleros appelés Django après lui sans pour autant forcément entretenir de lien avec son univers), Django est le pistolero qui marqua le plus le genre. Parfois revisité avec bonheur (DJANGO LE BATARD/LA HORDE DES SALOPARDS, en clé fantastique ; PREPARE TON CERCUEIL, toujours écrit par Rossetti et interprêté par un Terence Hill singeant Nero avec talent), DJANGO ne connut cependant qu’une vraie suite, LE GRAND RETOUR DE DJANGO, puissamment désirée par le créateur du rôle. Une suite bizarre, vingt ans après, qui tenait cependant plus du film d’aventures et d’action que du western.
SUKIYAKI WESTERN DJANGO est un nouvel hommage, de ce fou de Takashi Miike en personne. Signer un pareil film en 2007 est franchement étonnant. Il faut vraiment être japonais pour cela.
L’intérêt des jeunes générations pour le cinéma-bis, porté par son grand fan Quentin Tarantino, y est certainement aussi pour quelque chose. Tarantino qui joue ici les Ringo (authentique !), poncho à l’appui. Comme d’habitude, personne ne lui a dit qu’il n’était pas un acteur. Tarantino, superstar, est sans doute en position d’obtenir tout ce qu’il désire aujourd’hui, et réalise assurément ici un rêve de gosse. Tant mieux pour lui – l’homme a au moins l’immense mérite d’avoir bon goût en matière de cinéphilie.
Il serait stupide de faire un procès d’intention à ce DJANGO japonais. La légende ne veut-elle pas que Corbucci se soit inspiré d’un manga pour l’idée folle du cercueil ? (Possible si l’homme a voyagé au Japon ; difficile autrement vu le peu de mangas qui devaient parvenir en occident dans les années 60). De tout façon l’influence de Kurosawa était patente dans les premiers westerns italiens et l’on peut voir ici un juste retour des choses. SUKIYAKI WESTERN DJANGO n’est pas tout à fait une surprise non plus si l’on se souvient de EAST MEETS WEST de Kihachi Okamoto 12 ans auparavant. Ou, plus récemment, de l’anime GUN FRONTIER, d’après Leiji Matsumoto.
Les craintes qu’on peut avoir avec un DJANGO signé Miike, c’est un ton semi-paro-
dique, trop de délires trash et une bonne dose de vulgarité (les DEAD OR ALIVE contiennent tous ces éléments qu’on est libre d’apprécier). Curieusement, et Dieu soit loué, le réalisateur japonais ultra productif fait tout pour pondre un vrai western spaghetti, rarement génial mais constamment appliqué. Sans doute qu’il réalise lui aussi un rêve, car il est très respectueux du genre. Un peu comme Sam Raimi avec son MORT OU VIF. Il reprend d’ailleurs le plan du corps troué par une balle (délire visuel qui trouve son origine dans la fameuse scène coupée de PULSIONS CANNIBALES de Antonio Margheriti, l’Italie toujours !). Le revers de la médaille étant parfois l’impression d’une illustration un peu plate. On ne peut pas tout avoir.
Bien sûr, les méchants (deux bandes rivales de Japonais qui se partagent une petite ville, classique) sont habillés comme des travestis ou des groupes de rock nippons, mais ça passe. La fait de ne voir quasi aucun occidental dans un western aussi. De même, ça passait très bien avec LES LARMES DU TIGRE NOIR (tout le début de SUKIYAKI lui rend hommage avec un horizon peint, totalement factice) ou l’indien SHOLAY.
Les hommages à DJANGO, même si l’histoire est différente, sont bien présents, que les fans se réjouissent : on a de la boue (et même de la neige à la fin, GRAND SILENCE ?), un cercueil avec une mitrailleuse (mais ce sont les méchants qui s’en servent), un cimetière, un pistolero solitaire (beau gosse moins charismatique que Nero, cependant) qui défouraille plus vite que son ombre (et est rudement tabassé à un moment donné), une prostituée au passé extrêmement riche qui a une liaison avec le héros… Mais pas de mains brisées ou de simili KKK. Cependant, un salopard est tué d’une croix en pleine poitrine… La croix de Mercedes Zaro, devant laquelle le vrai Django venait se recueillir dans le chef d’oeuvre de Corbucci ! Sans oublier, cerise sur le gâteau qui fait pousser un grand cri de plaisir : la chanson de Luis Enrique Bacalov (l’une des plus belles d’un genre qui n’en fut pas avare) est présente au générique final, en japonais ! Délire génial qui sauve une musique autrement bien moyenne, et emportera l’adhésion des fans ouverts d’esprit ! L’on peut souhaiter que les fans de bis le soient…


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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