BIFFF 2011Festival Européen du Films FantastiqueL'Etrange Festival 2011review

Super

Lorsque James Gunn, l’enfant prodige de Troma, réalise un film de super-héros, cela donne SUPER, et tout cela, sans mauvais jeu de mots. Initialement prévu au festival lyonnais, Hallucinations Collectives, puis remplacé par CADAVRE A LA PELLE de John Landis, c’est dans les salles obscures de l’Etrange Festival de Paris que nous avons pu découvrir ce petit bijou.
SUPER raconte l’histoire de Frank D’Arbo, un homme faiblard et même un peu insignifiant, qui décide de vêtir un costume de super-héros pour récupérer sa femme partie avec un autre homme. Il deviendra Crimson Bolt, un super-héros sans pouvoirs mais dont l’inspiration est divine. Il sera accompagné dans sa quête par son bras droit Boltie.
Après le joli spectacle qu’avait été HORRIBILIS, James Gunn décide de quitter l’univers de la science-fiction des années 80 pour un univers plus « actuel », les comics. A l’heure où les super-héros font la une des multiplexes, Gunn décide de mettre en scène son super-héros issu de sa contre-culture. Un travail qui semble bien proche de celui de Lloyd Kaufman, Matt Stone et Trey Parker. Naturellement, le rapprochement avec ces trois réalisateurs n’est pas fortuit. En effet, Gunn est issu de l’écurie Troma, et a ainsi fait ses premières armes en participant aux scénarios de TROMEO ET JULIETTE ainsi que de TERROR FIRMER.
Notons que ce n’est pas la première fois que Gunn travaille sur les hommes masqués. En effet, c’est lui qui est à l’origine du scénario de THE SPECIALS, une comédie parodique, réalisée par Craig Mazin, film où James Gunn a un petit rôle.
A première vue, nous sommes scénaristiquement très proches de KICK-ASS. En réalité, le rapprochement ne peut être fait que sur le synopsis et postulat de départ des deux films. En effet, SUPER contrairement à KICK ASS, flirte avec le mauvais goût et le trash. Ce qui rend le film de Gunn beaucoup moins lisse et familial que celui de Matthew Vaughn. Il permet ainsi au métrage d’avoir un réel propos et de traiter en profondeur les thèmes qu’il aborde. SUPER se place ainsi loin de l’univers teenager de KICK ASS et propose un monde cohérent et bien plus réaliste qu’on pourrait le penser. Ainsi, on peut, avec plus de justesse, rapprocher SUPER de DEFENDOR. Cependant, on reste loin de la dramaturgie du métrage de Stebbings. Le monde est sombrement réel et l’ennui, voire la médiocrité, semble régner. Nous sommes ainsi dans une dynamique de réalisme. Lorsqu’on frappe quelqu’un, il saigne et la violence est de ce fait souvent amère, froide et brutale. Les actions ont donc des conséquences et c’est la confrontation de Frank à cet univers qui sera source d’humour. En effet, Crimson Bolt semble ne jamais trouver la bonne justesse lorsqu’il évolue dans cet univers qui est le sien et tombe souvent dans la démesure et l’hystérie. Nos deux héros, que l’on peut caractériser d’égoïstes, violents et même d’un peu vicieux ne sont absolument pas animés par une âme pure et dévouée comme celle de Spider-Man. Franck serait plutôt un homme rancunier et violent, mal dans sa peau voire dyssocial. Libby (Boltie), quant à elle, représente une jeunesse abrutie, déconnectée de la réalité sociale, impulsive et perverse. On aura ainsi droit à une scène de sexe particulièrement étrange. C’est dans ce sens que le métrage se place dans un univers réaliste et nous propose de montrer la face « cachée » du super-héros américain. Cette idée, plus qu’intéressante, permet une rationalisation du personnage du super-héros, un homme assez mentalement dérangé pour se déguiser et tabasser des individus dans un désir de justice.
Nos loosers ne sont cependant pas dénués de charisme. En effet, nous avons droit à un casting tout bonnement incroyable. Rainn Wilson et Ellen Page affrontent monsieur Bacon pour sauver la ravissante Liv Tyler. Un quatuor qui marche à merveille ! Rainn Wilson est connu entre autres pour son travail dans la série The Office mais aussi dans LA MAISON DES 1 000 MORTS de Rob Zombie. Notons que SUPER est la deuxième collaboration de l’acteur avec Ellen Page après JUNO. Page, quant à elle, avait été remarquée sur HARD CANDY. Elle est dans SUPER un élément comique indiscutable et nous dévoile par la même occasion une nouvelle dimension de son jeu jusqu’alors inconnu. Notons la présence de Michael Rooker, emblème des sérial killers au cinéma, aussi présent dans le casting d’HORRIBILIS. La brève apparition du big boss de Troma, monsieur Lloyd Kaufman, est en outre à signaler.
Là où SUPER apparaît comme une réelle réussite, c’est dans sa capacité à refuser le moindre consensus. On parle de violence, de sexe, de religion en mettant de côté toute forme de morale chrétienne américaine qui est censée être la « ligne directrice » de tout super-héros. C’est ainsi qu’on peut presque caractériser le film de nihiliste voire même de punk. C’est dans la construction de ce personnage, persuadé de défendre la bonne morale qu’il ne respecte pas lui-même, que l’on peut réellement envisager le scénario de Gunn. Ce type de discours sur la morale religieuse, on peut le retrouver dans le métrage de Trey Parker et Matt Stone, CAPITAINE ORGAZMO. Cependant, dans CAPITAINE ORGAZMO, cette morale religieuse est source d’exclusion d’un monde qui l’entoure. Notons, la présence du thème de la foi et de son pouvoir légitimant que l’on retrouve dans les deux films. Dans SUPER, elle est surtout une forme de légitimité et permet à Frank de s’autoproclamer super-héros. On pourrait ainsi presque considérer la religion chez Gunn comme un terreau aux délires fantasmagoriques et violents d’un homme. Notons que l’imagerie divine est retranchée de façon humoristique au rang d’une simple émission crétinisante de la télévision et aux délires de Frank pendant ses insomnies. On notera avec humour que Gunn met à mal la plupart des articles moraux du Comics code Authority. En effet, la violence et la sexualité excessives ainsi que la ridiculisation des institutions d’autorité et de morale sont des sujets centraux du film. On peut presque supposer que Gunn « fête » avec son film la disparition (2011) de cette institution.
Au-delà du scénario, Gunn propose une mise en scène fluide et agréablement menée. Le rythme est ainsi parfaitement construit, alternant humour et action sans pour autant user d’un montage outrageusement frénétique. Graphiquement, le métrage s’inscrit dans une certaine logique de réalisme construit grâce à une caméra « vibrante » et organique. Tout ceci est rythmé par des incrustations d’onomatopées que l’on retrouve dans les BD qui ponctuent les débordements moraux de Frank. On reconnaît quelquefois l’esprit Troma par quelques effets gores parfaitement bienvenus qui bien souvent font retourner à la réalité le spectateur compulsif, entraîné dans la folie de nos deux héros. Le métrage est ainsi violent et parfois gore dans un but paradoxalement réaliste.
Pour conclure SUPER est une véritable réussite malgré un budget serré. Le film, sous des airs de simple divertissement fun, propose un réel discours sur le genre dont il est issu. Le film se place ainsi entre subversif et délirant avec une réelle justesse.

Retrouvez nos chroniques du BIFFF 2011.

Retrouvez nos chroniques de l’Etrange Festival 2011.

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