Supermen Donuyor

Un texte signé Tom Flener

Turquie - 1979 - Kunt Tulgar
Titres alternatifs : Superman Returns, Turkish Superman
Interprètes : Tayfun Demir, Güngör Bayrak, Esref Kolçak...

Comme cela nous est narré au début du film, il y a des milliards d’étoiles dans notre univers. Des milliards d’étoiles dont on ne voit qu’une partie minime tandis qu’on ne connaît toutes les autres que par leur nom seulement (fait qui pourrait surprendre la plupart des astronomes). Notre héros, Tayfun, nous vient de la plus brillante, Kryptone (planète qui, dans la scène initiale, ressemble étrangement à une boule de sapin de noël). Après avoir fini ses études, ses parents adoptifs lui révèlent qu’ils l’ont trouvé dans une navette spatiale quand il était petit (fait qui ne semble guère le déconcerter). Ils lui donnent une pierre verte, qui le mène dans une cave. Là, son père (le vrai !) lui confie du passé qu’il est le dernier des Supermen, qu’il a des pouvoirs extraordinaires, et hop, le tour est joué.
Sa première mission en tant que Superman sera de protéger Alev, jolie collègue journaliste de Tayfun, et son père, le professeur Hetin. Tous deux seront enlevés l’un après l’autre par Mr. Ekrem, un autre scientifique. En effet, ce dernier a inventé une machine qui pourrait transformer tout métal en or, si seulement il avait une pierre de kryptonite. Or il s’avère que le professeur Hetin est justement en possession d’une telle pierre.
Ceux qui s’attendaient, à la vue du titre, au dernier film de Bryan Singer seront fortement déçus (ou positivement surpris, ça dépend). Si le film américain avait probablement un budget de plusieurs centaines de millions de dollars, son frère aîné turc a dû coûter, quant à lui, au moins plusieurs centaines de dollars. A commencer par la re-création de l’univers avec une décoration de noël, en passant ensuite par la poupée balancée devant un écran pour simuler notre héros en vol, SUPERMEN DONUYOR reste un sous-produit, même en considérant d’autres films turcs de l’époque.
L’intrigue reste des plus élémentaires, nous offrant une scène d’enlèvement après l’autre : Alev est enlevée, Superman la sauve, le professeur Hetin est enlevé, Superman le sauve, Alev est de nouveau enlevée… Ma foi, vous imaginez la suite. Ainsi, même avec une durée de 70 minutes seulement, le film peut sembler trop long.
D’un autre côté, l’absolue absence de talent de l’acteur principal ainsi que le manque apparent de toute recherche pendant l’écriture du scénario en font un monument du cinéma raté (et par conséquent génial). La science proposée par le film est tellement ridicule qu’elle en devient un coup de génie. Ignorons le fait qu’« année-lumière » est une mesure de distance, et non pas de temps. Ignorons également que tout train arrêté de la même façon que dans le film déraillera avec certitude. Ces exemples ne sont que la partie émergée de l’iceberg.
Les trous de logique dans le script sont légion. Comment Ekrem peut-il être sûr que sa machine fonctionnera s’il n’a jamais possédé de pierre de Kryptonite ? Comment se fait-il que tout le monde sait toujours où se trouve tout le monde ? Et pourquoi l’étendue des pouvoirs de Superman semble varier d’une scène à l’autre ? Et il ne s’agit-là que des exemples les plus flagrants. Mais les scènes d’action s’enchaînent à un rythme tellement soutenu qu’il n’y a le temps ni pour des explications, ni pour des motivations.
Tayfun Demir, de son côté, nous propose le Superman le moins charismatique dans toute l’histoire du cinéma. La seule expression qu’il affiche, tant il est crispé et tendu, semble vouloir dire « Oups, je crois que j’ai fait caca dans mon costume spandex ». Néanmoins, son Superman peut voir le passé et possède le pouvoir de la télékinésie (prends ça, Hollywood !). En plus il utilise sa super-vision dans le seul but vraiment compréhensible pour tout homme… pour voir les femmes sans leurs vêtements.
Ajoutant à tout ceci un abus flagrant du droit d’auteur et le mépris évident pour toute propriété intellectuelle. Non seulement le film utilise le score du SUPERMAN original, mais abuse également des thèmes de JAMES BOND et de MIDNIGHT EXPRESS (ignorons, si vous voulez, pour le moment toute implication politique de cette décision) dans les scènes les moins appropriées. La mise en scène est chaotique, la bande-son une catastrophe, mais justement, les fanas du cinéma bis turc savent se réjouir de ces détails. Somme toute, SUPERMEN DONUYOR peut profiter de sa réputation de film mythique et jusqu’ici quasiment introuvable, mais il ne faut pas s’attendre à un film-sommet du cinéma turc. Il reste, pour les adeptes du cinéma bizarre, néanmoins incontournable.


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- Article rédigé par : Tom Flener

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