Survivant(s)

Un texte signé Alexandre Thevenot

France - 2010 - Vincent Lecrocq
Interprètes : Allyson Paradis, Salem Kali, Helena Soubeyrand

Nous sommes en 2014. Le gouvernement français totalitaire qui est au pouvoir doit faire face à des problèmes de surpopulation. Les mesures adoptées, à savoir empêcher l’arrivée des immigrants sur le territoire, limiter la procréation et restaurer la peine de mort, ne sont pas suffisantes. Pour y remédier, une émission diffusée sur internet et suivie par des millions de spectateurs est organisée. Le jeu consiste à envoyer 8 prisonniers dans un grand complexe infesté de mutants. Seul l’un d’entre eux a le droit de survivre, s’il a bien sûr le temps de trouver la sortie.
Vincent Lecrocq, jeune réalisateur en devenir qui a déjà réalisé plusieurs courts-métrages, nous livre SURVIVANT(S), un film de genre totalement assumé qui trouve sa place entre RUNNING MAN, BATTLE ROYALE et la récente série anglaise DEAD SET. Œuvre hommage aux séries B des années 80, SURVIVANT(S) est avant tout un film d’action brutal et sans répit qui maintient une jolie tension jusqu’à la scène finale.
En revanche, certains pourraient être rebutés par la manière de filmer : la « façon épileptique ». On peut certainement l’imputer à un manque de budget, ainsi qu’à la volonté de témoigner d’une époque cinématographique où les plans ne dépassent guère deux secondes, mais aussi parce que c’est une solution de facilité pour immerger le spectateur dans l’histoire. Si le procédé est efficace et utilisé de façon habile, au bout de quelques minutes, il est malgré tout agaçant et entraîne parfois des confusions dans la compréhension et l’enchaînement des scènes.
Cependant, le caméraman fait tout de même montre de beaucoup de talent pour parvenir à filmer les scènes d’action de cette manière « épileptique », puisque les cadrages réfléchis rendent bien compte de la plupart des séquences. Quoi qu’il en soit, le film acquiert à travers ce procédé un atout indéniable : son rythme. Mais il est dommage que les moments d’action enchaînés un peu trop vite les uns à la suite des autres ne soient pas entrecoupés de pauses pour développer un peu mieux les personnages. En effet, si leurs caractéristiques sont esquissées au début du film, seuls deux ou trois d’entre eux ressortent vraiment ; en fait, seuls ceux qui mènent l’histoire selon les stéréotypes qu’ils représentent (le terroriste qui abat du mutant, le délinquant sexuel, la battante).
Sur le fond, SURVIVANT(S) est un jeu de télé-réalité diffusé sur internet. Pour faciliter l’immersion dans le court-métrage, le film s’ouvre sur une barre de chargement vidéo. Point de vue simple et efficace du spectateur-voyeur, témoin d’un phénomène de société dans lequel il est totalement aliéné. Dès la vidéo lancée, une présentatrice télé apparaît. Elle introduit le jeu en précisant que des millions de spectateurs suivent l’émission et en explique brièvement les règles. L’action peut commencer. Tout d’abord, par un générique exemplaire et assez stylisé qui donne le premier aperçu esthétique du film. Les couleurs restituent bien l’esprit d’un univers carcéral et monochrome où la vie est seulement apparentée aux tenues oranges des détenus et au sang des victimes. Les mouvements de caméra permettent déjà de créer un certain vertige, référence certaine au terrain de jeu dévoilé peu après et qui se révèle être un véritable labyrinthe pour les concurrents.
La brève présentation des huit personnages est originale. Elle se contente de dire leur nom et d’annoncer la raison pour laquelle ils ont été incarcérés. Les problèmes de cette société futuriste qui sont mis en avant ne sont pas sans rappeler ceux qui touchent le monde d’aujourd’hui (téléchargement illégal, immigration, surpopulation, etc). Malheureusement, cela s’avère plus un prétexte ou une façon de bâtir rapidement un arrière-fond qui justifie le développement de ce jeu. La dénonciation des jeux de télé-réalité, la dénonciation de leur pouvoir de séduction ne semblent pas constituer l’ambition première du métrage qui reste en fait l’action. Les détenus sont des espèces de cobayes scrutés de toutes parts grâce aux caméras installées dans les différentes pièces du terrain de jeu et par la voix de la présentatrice qui leur parle de temps à autre. On n’hésite pas non plus à interrompre le suivi de leur péripétie l’instant d’une page de publicité. Sur cet aspect du traitement de son propos, SURVIVANT(S) acquiert une véritable force qui n’a pas à pâlir face au célèbre RUNNING MAN et ses séquences marquantes d’une population pauvre et aliénée, les yeux rivés sur les grands écrans de télévision.
Dans SURVIVANT(S), comme dans RUNNING MAN d’ailleurs, l’action prend le pas sur les éléments socio-philosophiques. Mais au final, le film n’en reste pas moins une critique acerbe et ouverte sur les médias d’aujourd’hui. Ainsi, malgré quelques attentes restées vaines, il fait tout de même preuve d’une grande efficacité et trouvera son public auprès des amateurs de série B d’action.


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- Article rédigé par : Alexandre Thevenot

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