Dossierretrospective

Symphony of Love

La quarantaine bien sonnée, doté d’un physique ingrat, Domenico Formicola officie en tant que percussionniste au sein d’un orchestre symphonique. Afin de s’évader d’un quotidien qui le ronge, avec notamment une femme obèse et colérique, le musicien se réfugie dans des rêves susceptibles de lui apporter la félicité. En fait de rêves, il conviendrait plutôt de parler de fantasmes, dans la mesure où les pensées de Domenico sont tournées exclusivement sur un sujet unique : les femmes. Et quand ces dernières s’avèrent jeunes et belles, les rêves n’en sont que plus agréables. Mais attention, le réveil, et par là même le retour à la réalité, sont la source de bien des désagréments…
Curieux film que ce PROIBITO EROTICO, sorti dans les salles de cinéma françaises à la fin de l’année 1980 et quelques années plus tard en vidéo sous le titre SYMPHONY OF LOVE (ou SYMPHONIE… selon). Coproduction italo-anglaise, on y trouve à la réalisation deux metteurs en scène qui n’ont pas grand-chose en commun. D’un côté, l’italien Luigi Batzella qui, sous le pseudonyme de Paolo Solvay, réalisa quelques films d’exploitation mémorables dans les années 70 : LES VIERGES DE LA PLEINE LUNE (qui offrait un rôle formidable à Rosalba Neri), le délirant NUDA PER SATANA et le fameux HOLOCAUSTE NAZI, d’un mauvais goût rarement égalé. De l’autre côté, le britannique Derek Ford fit également carrière dans le cinéma d’exploitation, avec une prédilection pour les films érotiques, du moins pour ce qui concerne sa « vitrine » en tant que réalisateur. Car Derek Ford fut auparavant un scénariste pour le moins talentueux, puisqu’il travailla sur LE SPECTRE MAUDIT, un bon film gothique signé Robert Hartford-Davis, et SHERLOCK HOLMES CONTRE JACK L’EVENTREUR, de James Hill. Notons enfin que l’anglais écrivit également le scénario d’un giallo méconnu mais bien ficelé : SCREAM… AND DIE, de José Ramon Larraz.
De cette association quelque peu hétéroclite, on était alors en droit de se demander ce que pouvait bien donner ce PROBITO EROTICO. Le résultat n’est pas loin d’être catastrophique.
L’œuvre est une sorte de compromis entre le film érotique et la sexy-comedy, constitué d’une multitude de scénettes dans lesquelles l’humour et le jeu des acteurs atteignent des sommets dans le ridicule. Qui plus est, les dialogues, concentrés essentiellement sur deux personnages (Domenico et sa femme Serafina), sont exclusivement placés en voix-off. La musique, en contrepoint, est omniprésente mais la plupart du temps décalée par rapport aux images. L’ensemble forme un patchwork indigeste de sketchs inégaux (dans la durée, parce qu’au niveau de la qualité, ils sont unanimement mauvais). On a d’ailleurs le sentiment que certains passages sont issus de chutes d’autres films non exploitées, et recasées ici pour la circonstance, en vue de rallonger un film qui aurait pu, de par son histoire, se limiter à un court métrage.
Le héros, si l’on peut dire, de cette histoire est interprété par Enzo Monteduro, acteur sans talent ni charisme aperçu entre autres dans LES FOLLES NUITS DE CALIGULA et LA TOUBIB PREND DU GALON. Petit, moche, bedonnant et poilu comme un singe, Monteduro a certainement concrétisé, à travers ce film, le fantasme de tous les hommes complexés par leur physique. En effet, du début à la fin, on le voit dans les bras de ravissantes jeunes femmes dénudées. Il n’hésite d’ailleurs pas, à l’occasion, à montrer son corps « d’Apollon » lors d’ébats « torrides » avec quelques unes des actrices. Ces dernières sont d’ailleurs ravissantes, dans l’ensemble, et constituent le seul intérêt du film. L’humour véhiculé (très slapstick) restant au niveau des pâquerettes, le plaisir des yeux constituera toutefois une maigre consolation.
Le temps de courtes scènes, le spectateur assidu reconnaîtra quelques visages marquants du cinéma Bis, comme Ajita Wilson, la transexuelle affriolante de LA PRINCESSE NUE et SADOMANIA, ou encore Salvatore Baccaro et son physique atypique, aperçu dans HOLOCAUSTE NAZI (dans lequel il mangeait les poils pubiens de sa victime) et LE CHATEAU DE FRANKENSTEIN. Mike Monty, qui tournera en plusieurs occasions pour Jean-Marie Pallardy (UNE FEMME SPECIALE, LE JOURNAL EROTIQUE D’UNE THAILANDAIUSE), est également de la partie, de même que Karin Well (LE MANOIR DE LA TERREUR, ON L’APPELLE SŒUR DESIR). Enfin, la grosse femme acariâtre du musicien est jouée par Alessandra Vazzoler. Elle marqua les esprits dans le FRISSONS D’HORREUR d’Armando Crispino où, le temps d’une courte scène, en cadavre se réanimant dans une morgue, elle matérialisait les hallucinations de Mimsy Farmer. Bien des années plus tard, l’actrice incarnera la mamma (la mère de Jean Reno) dans LE GRAND BLEU.
Platement réalisé, SYMPHONY OF LOVE ne parvient à surnager que durant les scènes de ballets, chorégraphiées avec un certain talent. Mais dans l’ensemble, sachant que les deux atouts du film, à savoir l’humour et l’érotisme, tombent le plus souvent à plat, le spectateur a de grandes chances de rester sur sa faim.

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