retrospective

Tempête sous la mer

Les Petrakis sont des pêcheurs qui exercent sur les côtes de Floride. Pour éviter des récoltes infructueuses, ils sont amenés à opérer près des côtes qui appartiennent aux Anglais. Ainsi, c’est dans ce climat de tension que le fils Petrakis et la fille d’une famille anglaise vont tomber amoureux.

L’histoire de Roméo et Juliette est sans doute l’une des plus connues de l’Humanité. Et il n’est pas question ici que de la version de Shakespeare, mais bien du canevas narratif qui lui est antérieur : deux familles s’affrontent et au milieu de cette haine, deux enfants issus des deux camps s’éprennent l’un de l’autre. Après tout, l’histoire de la guerre de Troie ne raconte-t-elle pas un récit semblable ? De cette manière, avec des aînés aussi illustres, inutile de préciser que l’idée d’écrire un scénario un tant soit peu imprévisible s’en retrouve amoindrie.
Un long-métrage avec un tel synopsis se doit de soigner d’autres aspects pour avoir de l’intérêt. TEMPÊTE SOUS LA MER (BENEATH THE TWELVE-MILE REEF), troisième film de l’Histoire à utiliser le Cinémascope, tente justement de profiter de la petite révolution que ce format propose pour offrir un dépaysement au spectateur. Il ne faut donc pas être surpris par une utilisation abusive de plans d’ensemble ou par la rareté des plans rapprochés. L’attention du réalisateur, Robert D. Webb, devait être portée sur la mise en valeur des décors et des paysages. Le Cinémascope, qui propose une vision plus dégagée de l’image, est le format de projection standard à l’heure actuelle, en attendant son remplacement par l’Imax. Quoiqu’il en soit, Webb n’est pas non plus un débutant. Si TEMPÊTE SOUS LA MER est son cinquième film en tant que metteur en scène, il a une longue carrière en tant qu’assistant-réalisateur derrière lui. Il débute en 1939, et lorsqu’il met en boîte TEMPÊTE, il a déjà plus d’une vingtaine de films à son actif en tant qu’assistant, ce qui lui garantit une solide expérience des plateaux de tournage.
De plus, avant ce film de Webb, les précédents longs-métrages à profiter du format ont été un péplum (LA TUNIQUE) et une comédie romantique (COMMENT ÉPOUSER UN MILLIONNAIRE, avec Marilyn Monroe) sortis la même année. On imagine aisément que la vision du grand large devait constituer la principale attraction du métrage. Et c’est vrai que la découverte de l’océan et de ses profondeurs dans un bon Cinémascope pour la première fois devait être spectaculaire. D’où le premier défi de Webb : réaliser avant tout un film solide avec ce format, encore expérimental à cette époque.
En outre, ce TEMPÊTE reste une petite curiosité pour d’autres détails. Son casting notamment puisqu’on retrouve, en tête d’affiche, un Robert Wagner tout jeune, alors star montante et qui enchaîne l’année suivante avec PRINCE VAILLANT de Henry Hathaway. Aujourd’hui, il est surtout connu pour avoir incarné le milliardaire Jonathan Hart dans la série POUR L’AMOUR DU RISQUE (HART TO HART), durant les années 80, mais avant ça, il menait une carrière prolifique au cinéma. Face à lui, on peut reconnaître Peter Graves, dont le visage reste à jamais assimilé à Jim Phelps, le chef de l’équipe MISSION : IMPOSSIBLE à la télévision. Mais force est de reconnaître que ces deux acteurs ont bien du mal à s’imposer devant Gilbert Roland en père Petrakis. L’acteur est fabuleux avec son cigare au bec et bombant le torse pour toiser son monde.
Le film en lui-même s’avère un film d’aventure solide, porté par ses personnages. Les scènes d’action se font rares, mais la tension monte lentement. Et encore, il faut ménager ses attentes, la TEMPÊTE peut paraître très gentillette pour un spectateur contemporain, alors que le fils Petrakis doit tout de même gérer une crise familiale et reprendre le commandement de son navire. En effet, on commence par les Anglais qui sabotent le travail des pêcheurs, et on va jusqu’à la promesse d’un règlement de compte, en passant par l’attaque d’une pieuvre géante. Des scènes laborieuses aujourd’hui, mais qui, vues en Cinémascope à l’époque, devaient être des expériences mémorables.
De ce fait, si l’histoire demeure cousue de fil blanc, elle reste agréable à regarder même bien qu’un peu longuettes par moments. La mise en scène de Webb est classique mais use à merveille de son format de projection (il n’est pas étonnant que le réalisateur se soit spécialisé par la suite dans le Western, le genre qui en a le plus profité) et nous offre plusieurs plans de toute beauté.

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