chroniques-infernales

Ténèbres

Les recueils de nouvelles fantastiques de LA CLEF D’ARGENT se suivent avec une régularité qui n’a d’égale que leur qualité. La collection au nom lovecraftien KHOLEKTH est aujourd’hui incontournable pour l’amateur de bon fantastique court. On se croirait revenu aux temps héroïques (et mythiques) des recueils MARABOUT. Rappelons que la nouvelle, traditionnellement, se vend mal. Il faut faire long, voire très long, pour espérer avoir une petite chance de vivre de sa plume aujourd’hui. On n’est plus à l’époque des pulps ou, en France, des novellas éditées par FERENCZI.
D’où l’immense intérêt de petites maisons d’édition comme LA CLEF D’ARGENT qui peuvent encore se permettre, avec un tirage modeste, de parier sur des créateurs méconnus qui sortent enfin de la publication en revue ou en fanzine, qu’on imagine un peu frustrante, pour signer « leur » propre livre. Pour le lecteur, un recueil à auteur unique offre l’avantage énorme de délivrer en profondeur la vision, l’univers personnel, d’un nouvelliste.
Inutile de préciser qu’on n’est pas déçus à la lecture de QUE LA TENEBRE SOIT. ALAIN ROUSSEL a un talent fou. Imagination et style.
LE GALET propose une relecture délirante du mythe du golem, pas si traité que ça comparé à d’autres figures du fantastique. UNE PETITE VILLE TRANQUILLE, qui justifie le titre du recueil, est un superbe morceau d’apocalypse. Le monde pourrait mourir ainsi.
LA FOURCHETTE EN ARGENT est un bijou d’humour noir tandis qu’un ASSASSIN EN CHAMBRE verse dans l’onirisme meurtrier. UN AMOUR TRAGIQUE relate une poétique histoire d’amour végétale. UN BAISER DANS LA NUIT pourrait être la dernière aventure de DAVID MORGON (un auteur/détective injustement oublié du FLEUVE NOIR). Enfin, LE RECIT DE MERVYN est un bel hommage au génial auteur des CHANTS DE MALDOROR.
14 nouvelles, 14 réussites, même si bien sûr on peut être plus sensible à l’une ou l’autre. Des inédits et des rééditions. En tout cas, ALAIN ROUSSEL est un nouvelliste avec qui il faut désormais compter, nous en avons la preuve irréfutable. Et nous ne manquerons pas de garder un oeil sur lui à l’avenir !
Seul regret : que la couverture ne soit pas illustrée par notre coup de foudre du mois dernier, FERNANDO GONCALVES-FELIX (LES POUMONS DU DIABLE), un illustrateur tellement talentueux qu’on aimerait qu’il travaille sur toutes les productions LA CLEF D’ARGENT. En même temps, c’est la passion qui nous fait parler un peu injustement. Un peintre comme SEBASTIEN HAYEZ, que certains apprécient sans doute, a tout autant sa place chez l’éditeur dijonnais !

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