Terra formars

Un texte signé Philippe Delvaux

La terre du XXXVIe siècle croule de surpopulation, la science-fiction nous le répète d’ailleurs régulièrement. Aussi le projet de coloniser Mars a-t-il vu le jour, avec une première étape, longue de cinq siècles, qui consiste à terraformer Mars, c’est-à-dire à y développer une atmosphère permettant la vie humaine. Les terriens ont tout d’abord envoyé sur Mars du lichen… et des cafards, soit les formes de vie les mieux armées pour résister et développer un cadre qui permettra un jour d’accueillir le trop plein d’humanité. Maintenant que cinq siècles ont passé et que l’air est enfin respirable, une mission est envoyée pour exterminer les cafards afin de faire place aux humains. Composé de rebus et de condamnés à morts, ces premiers marsonautes ne se doutent pas que l’évolution sur Mars a été plus rapide que prévue.
Takashi Miike et l’Etrange festival – où TERRA FORMARS a été présenté en 2016 – c’est une longue histoire d’amour. Le stakhanoviste japonais s’engouffre cette fois dans la SF décomplexée (il avait déjà effleuré le genre avec un DEAD & ALIVE III supposément futuriste, ce qui ne se marquait pas vraiment à l’écran).

Avec cette version live du manga à succès de Yū Sasuga et Kenichi Tachibana (version française éditée par Kazé) – déjà adapté en anime – on se trouve clairement dans la science-fiction tartignole, tendance zéro réalisme, maximum fun. Du ciné pop-corn made in Miike, c’est-à-dire un peu foutraque et branquignole mais généreux. On ne se prend pas le chou, on est ici pour voir des humains mutants foutre sur la gueule de ces empaffés de cafards, qui d’ailleurs le leur rendent bien. Un démarquage japonais du STARSHIP TROOPERS de Paul Verhoeven en quelque sorte, le sous-texte critique en moins.

De toute manière, sérieux ou dégingandé, réaliste, horrifique ou humoristique, réflexif ou pur actioner, terraformée ou non, Mars, on le sait, ce ne sera pas une partie de plaisir : le même Verhoeven nous l’avait déjà prévenu avec TOTAL RECALL, mais bien d’autres comme GHOSTS OF MARS, MISSION TO MARS, [SEUL SUR MARS] et une palanquée de productions rythmant toute l’histoire du cinéma nous le rappellent à l’envi.

TERRA FORMARS, c’est de la SF à la japonaise : comprenez avec des personnages aux coupes de cheveux délirantes et vêtures improbables et qui ne font pas trois pas sans prendre la pose. Et bien entendu avec le méchant grand guignolesque typé savant fou. Avec aussi ces passages un peu trop dialogués qui plombent parfois le rythme (problème récurrent chez Miike, le rythme). On aime ou pas.
Dans cette chronique, on a choisi d’aimer, emporté par l’esprit portnawak du résultat. TERRA FORMARS, c’est du Takashi Miike, dans son versant YATTERMAN, ZEBRAMAN ou CROWS ZERO.
TERRA FORMARS, c’est aussi et surtout du Tokusatsu, soit ces super-héros costumés (tendance X-Or, Kamen Rider, etc.) qui vont dégommer du monstre en latex. Ces derniers sont remplacés ici par du numérique, certes, mais l’idée des terriens en combinaison spatiale tenant plus de l’armure et qui s’injectent des produits les transformant en semi insectes afin de leur donner une force leur permettant de lutter à égalité avec les cafards n’est pas sans évoquer les encapés japonais. Surtout une fois survenue la transformation.

Chaque humain se voit donc affublé des caractéristiques d’un insecte particulier, ce qui nous vaut un réjouissant catalogue d’entomologiste fou. On se souvient du coup aussi de LA GUERRE DES YOKAÏ, du même Miike, qui listait finalement aussi nombre de monstres.

Et puis, comment ne pas s’esbaudir du look ahuri des cafards et de leur démarche dont l’apparente balourdise laisse soudain place à une vélocité mortellement inattendue.

Pour l’anecdote, le générique remercie le programme d’aide au développement technologique d’Islande, dont on se demande quand même ce qu’il est venu faire dans une production de ce genre. Serait-ce que les paysages islandais ressemblent à ceux d’une Mars terraformée ?

Certes plombés des défauts typiques du cinéma de Takashi Miike, TERRA FORMARS n’en reste pas moins une agréable surprise, du moins pour l’amateur de cinéma purement décomplexé. Vain certes, mais distrayant et suffisamment original pour mériter le coup d’œil.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare

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