retrospective

Terreur aveugle

Le film anglais SEE NO EVIL, du réalisateur américain Richard Fleischer, est sorti en 1971. Le titre français TERREUR AVEUGLE ne rend pas justice à l’histoire, SEE NO EVIL semble moins racoleur et bien plus adéquat. En effet, Fleischer raconte l’histoire d’une jeune aveugle pourchassée par un maniaque. De par son handicap, elle ignore l’ampleur et l’horreur des crimes de l’homme qui la poursuit.

Le film nous plonge rapidement aux côtés de la douce et innocente Sarah magnifiquement incarnée par Mia Farrow (ROSEMARY’S BABY). Notre héroïne a été la victime d’un accident équestre qui l’a laissée aveugle. Celle-ci revient quelques mois après son accident dans la demeure de campagne de son oncle et de sa tante. Cette visite d’adieu, puisqu’elle compte s’installer à Londres, prend un tour tragique lorsqu’un maniaque se déchaîne sur le domaine et s’attaque à la famille. Par hasard, Sarah échappe au massacre. Aveugle, elle ne voit ni les cadavres de sa famille autour d’elle, ni l’ombre du tueur planant à ses trousses.

TERREUR AVEUGLE appartient au sous-genre anglais des films d’horreur avec une héroïne affectée par un handicap. Un genre qui a connu il y a peu une sorte de revival avec PAS UN BRUIT récemment sorti en France. Ici, Richard Fleischer use d’une trame narrative très simple, proche du survival et du slasher : notre héroïne ne peut compter que sur elle-même pour s’en sortir face à une menace dont elle ignore tout, et nous aussi. Fleischer choisit d’adopter une mise en scène imaginative, expérimentale par moment. Lorsqu’il avait réalisé 20 000 LIEUES SOUS LES MERS (1954), il s’était démarqué par une mise en scène de studio capable d’user de caméra portée lui permettant de filmer des endroits étriqués. Ici, la caméra en mouvement n’est plus utilisée dans un souci de réalisme et d’enfermement mais plutôt pour épouser la panique qui s’empare de l’héroïne. En effet, la mise en scène de Fleischer se révèle dans SEE NO EVIL carrément viscérale, ce qui démontre la capacité du cinéaste à adapter sa mise sn scène à son sujet.

Au lieu de filmer des séquences aveugles plaçant le spectateur dans la tête de l’héroïne et lui faisant ressentir son handicap, il choisit de focaliser sa caméra sur des détails qui échappent à notre héroïne à cause de son handicap mais nullement à la vue du spectateur. Une manière de distiller le suspens dont usait également Alfred Hitchcock notamment dans LA CORDE. Il y a d’ailleurs une atmosphère très hitchcockienne dans SEE NO EVIL, mais également une ambiance très anglaise avec cette campagne à perte de vue devenant terrifiante quand elle nous confronte à notre propre solitude et notre faiblesse. La séquence dans la glaise où l’héroïne se débat au milieu d’une carrière évoque par exemple une forme de mise en scène expérimentale qu’on pouvait voir dans la série CHAPEAU MELON ET BOTTE DE CUIR. A l’inverse, l’introduction sur les bottes du maniaque fait plutôt penser aux plans d’un New York crasseux qui introduisait le film MANIAC.

Petit bijoux du cinéma anglais, TERREUR AVEUGLE garde encore aujourd’hui toute la force évocatrice d’une horreur savamment distillée à travers un soin du détail qu’on peut retrouver également dans le cinéma de Roman Polanski. A redécouvrir de toute urgence !

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