Terreur dans le Shanghai Express

Un texte signé Stéphane Bex

Programmé au cours de la 16ème édition d’EXTREME CINEMA à la Cinémathèque de Toulouse, TERREUR DANS LE SHANGAI EXPRESS fleure bon la pépite vintage et fait planer autour du spectateur soudain revenu quelques années en arrière l’atmosphère des ciné-clubs et des dernières séances patronées par quelque chanteur cinéphile et amateur de westerns. Bien en prendra au spectateur qui voudrait tenter l”aventure menée par un Eugenio Martin à qui l’on doit quelques westerns transalpino-ibériques de bonne facture (dont LES QUATRE MERCENAIRES D’EL PASO) et pourra assister à la réunion des deux stars de la Hammer, Christopher Lee et Peter Cushing, ayant quitté leurs costumes de Dracula et Van Helsing afin d’incarner, pour le premier, le rôle d’un professeur-paléontologue en goguette, Alexander Saxton, ramenant par le Transsibérien dans ses pénates une momie chinoise fossilisée ; pour le second, son rival américain, le docteur Wells, jaloux et prêt à satisfaire à tout prix son besoin de gloire. Viendront se rajouter pour faire bonne mesure une comtesse russe, une voleuse entreprenante, un prêtre aux allures de Raspoutine et un improbable chef cosaque (Telly Savalas roulant toujours des yeux terribles) menant une attaque indienne contre le transsibérien. Il suffit que la créature se réveille et sorte de sa caisse pour qu’un jeu de cache-cache débute et que la paranoïa s’installe à bord de l’express. La momie s’avère en effet une entité très ancienne ayant le pouvoir de posséder les humains auxquels elle s’attaque par la puissance de son regard aux lueurs laser.
Assez proche de l’esprit qui imprègne la nouvelle classique de John W. Campbell (WHO GOES THERE ?) ayant entre autres inspiré les deux versions de THE THING, TERREUR DANS LE SHANGAI EXPRESS manie avec une certaine désinvolture mais non sans retenue les ingrédients du récit classique d’aventures début de siècle et de la série B. Débutant par des images d’exploration des montagnes mandchouriennes, le film se poursuit dans la veine du sérial d’aventure avant de virer soudainement à l’atmosphère confinée d’un récit de détection à la Agatha Christie mâtiné de quelques séquences gore. Amputations, énucléations et trépanations viennent ainsi estampiller la tonalité horrifique de l’ensemble et relever le cocktail de l’ensemble. On notera une belle séquence d’autopsie reprenant le thème de la dernière image conservée dans l’oeil d’un mort (thème déjà utilisé un an plus tôt par Dario Argento dans 4 MOUCHES DE VELOURS GRIS) et délivrant avec une naïveté touchante le mystère de l’origine de la créature.
Au jeu du WHO’S NEXT ? le film s’en tire plutôt bien, jouant habilement du suspense et profitant pleinement des espaces confinés du transsibérien (choisi pour des raisons budgétaires, Eugenio Martin l’ayant récupéré d’un western précédant mettant en scène la révolution mexicaine). Le technicolor donne sa pleine puissance au rouge, épousant à la fois le luxe du velours capitonné et la trace sanglante. C’est sans doute le plus grand charme du film que de réussir à ménager poétiquement des liens invisibles entre l’hétérogénéité des séquences, d’arrêter l’oeil, au moment d’une scène dramatique, sur le motif fleuri d’une robe de chambre semblant répondre à l’appel d’une tenture dans un compartiment, ou encore de faire de ses moments de creux des instants de flottement où peut se glisser ce qui ressemble au rêve. Tout cela tient, au final, on ne sait comment, fonctionne, on ne sait pourquoi, peut-être par la foi mise dans l’idée que les images suffisent à raconter les images et que les personnages – comme les spectateurs – doivent s’y abandonner plutôt que chercher à en accaparer le cours. Condition pour que celles-ci apportent la surprise d’une richesse que n’entamerait pas leur lecture prévisible. Plaisir désuet à réservers aux amateurs nostalgiques ? La phrase de George Sand – le presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat – résonne encore ici.


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- Article rédigé par : Stéphane Bex

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