Terrifying Girls’ High School: Lynch Law Classroom

Un texte signé Philippe Delvaux

Japon - 1973 - Norifumi Suzuki
Titres alternatifs : Kyôfu joshikôkô : bôkô rinchi kyôshitsu

Cette nouvelle incursion dans le monde du “pinku” nous permet de découvrir une autre facette de l’érotisme japonais, celle du fétichisme de l’écolière en uniforme. Car si l’écolière est un classique de l’érotisme un peu partout dans le monde, l’uniforme apporte un surcroît de perversité à sa (fausse) candeur, sa naïveté présumée, sa virginité espérée… Son corps filiforme est enserré. Le tissu se transforme en carcan qui tente en vain de formater l’esprit et de contraindre la sensualité, laquelle bien entendu triomphera in fine. L’uniforme est donc une promesse et un obstacle (et accessoirement un costume qui caractérise donc l’acteur). Il n’est donc pas étonnant que ce fantasme se déploie dans une société asiatique à la fois tournée vers les conventions et soumise à une forte violence sociétaire…
… violence qui ouvre explicitement le film via une scène de torture chirurgicale où une bande d’écolières composant un Comité de discipline saignent à mort Myshiyo Akiyama, l’une de leurs condisciples qu’elles ont ligotée. Chirurgie, SM, bondage, écolière, le ton est donné dès le début. Etonnamment, la mort de la jeune fille ne donne pas lieu à beaucoup de zèle de la part des autorités et de la direction de l’école. Ils font prestement nettoyer les traces de sang par quelques élèves ici réduites au rang de larbin, ambiance qui n’est pas sans rappeler le très beau, quoique moins « gouzi-gouzi sur mon abricot », MAGDALENE SISTERS. Désinvolte, la police quitte rapidement les lieux et le sous-préfet fait refermer derrière eux les grilles.
Nous dirigeons-nous dès lors vers une sorte de « women in prison » (WIP) ? Pas tout à fait, même si cette « école de l’espoir pour filles » (ironie), un institut de resocialisation pour jeunes délinquantes, en développe certains motifs : la scène de douche qui, comme chacun le sait, débouche souvent sur une scène de catch féminin, ainsi que la rivalité entre bandes, à l’instar de Girl Boss Guerilla. Ici, ce sont finalement presque les mêmes protagonistes, quelques années plus jeunes : d’un côté, quelques fortes têtes placées là pour leur comportement asocial : l’héroïne Noriko Kazama tente de voler une voiture (atteinte aux biens de la société de consommation, en parfaite résonance avec l’esprit des années septante) ; « Razor blade » Remi Kitano, habillée (et donc singularisée) en cow-girl, égratigne quatre jeunes voyous (atteinte à la primauté masculine, autre thème en vogue) ; tandis que Kyoko, prise en auto-stop, remerciera manuellement le routier, causant un accident qui implique la police (atteinte aux mœurs, à l’autorité ET aux biens). Et zou, parquons vite cette racaille à l’école de l’espoir où le projet pédagogique consiste à soumettre la graine de rébellion aux diktats du vice préfet Ichihara. Ce petit potentat se repose sur son Comité de discipline qui, contre rémunération, maintient le climat à la terreur et débarrasse la direction des gêneuses. 25 ans plus tard, un autre réalisateur phare des années septante dans le genre yakuzas, Kinji Fukasaku, reviendra régler leur compte à cette jeunesse via son nihiliste BATTLE ROYALE.
Comme dans d’autres films de cette série, une sous intrigue vient enjoliver le déroulement de l’action. Ici, on comprend vite que le sous-préfet règne sur l’établissement et complote pour renverser le principal et se livrer à ses magouilles. Et le film de virer au pamphlet sur le mode du « tous corrompus » : les gangs d’élèves (foncièrement sadiques et payés par le sous-préfet), les professeurs (corrompus, à l’instar de l’enseignante amoureuse d’Ichihara), la police (corrompue bis) et jusqu’aux politiciens (corrompus ter). Mais contrairement au boxeur de Girl Boss Guerilla, on ne trouve pas de contrepoint : le « journaliste » qui enquête sur la mort de Myshiyo Akiyama, se révèle presque immédiatement un petit maître chanteur. Et ici aussi, on apprend que l’héroïne Noriko connaissait la victime Myshiyo et qu’elle s’est en réalité fait placer délibérément dans cette école pour comprendre ce qui est arrivé à son amie.
Au catalogue des délicatesses sexuelles, le cahier des charges répond aux attentes du spectateur : le réalisateur Norifumi Suzuki montre ainsi un penchant prononcé pour les petites culottes en flanelle blanche, filmées de préférence en gros plan sur l’entrejambe écarté de ses protagonistes. Mais cet attirail juvénile va permettre de remonter encore d’un cran dans la régression en offrant une scène d’humiliation urophilique à une « traîtresse » obligée de boire quelques gallons d’eau sans pouvoir se soulager. Un peu plus tard, le « comité de discipline » punira d’ailleurs une autre récalcitrante en lui enfonçant une ampoule dans le minou.
A l’instar de Girl Boss Guerilla, le sexe n’est pas un lieu d’épanouissement mais bien un instrument de pouvoir, une arme pour obtenir des informations ou pour faire chanter la gent masculine qui est inévitablement attirée par un uniforme. On notera aussi la critique sociale d’une scène de masturbation où le jeu des costumes et des accessoires reproduit le drapeau national japonais qui sera d’ailleurs encore maltraité en fin de film.
Nous avons parlé du WIP, nous aurions pu aussi mentionner le western spaghetti dont quelques traces se retrouvent éparses : l’une des héroïnes habillée en cow-boy, quelques plans « Sergio Leone » filmés entre les jambes, un duel typique… Les thèmes de la corruption et de la vengeance d’un bras droit se prêtent bien à la référence.
A coup sûr, le produit plaira à ceux qui ont apprécié Girl Boss Guerilla tant la parenté entre les films est évidente. Le réalisateur des deux œuvres, Norifumi Suzuki soigne ses films. Nous le connaissions déjà en France pour le très beau COUVENT DE LA BETE SACREE, édité dans la collection Ciné de quartier. Le scénario de Terrifying Girls High School, s’il n’exploite pas toutes ses pistes (le rôle de certains personnages est insuffisamment développé dans l’intrigue), reste quand même de bonne tenue et le catalogue érotique est nourri et cohérent. Que demande le peuple ?

Cliquez ici pour lire l’article sur Girl Boss Guerilla


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare

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