The ABC’s of Dead

Un texte signé Quentin Mazel

USA/Nouvelle-Zélande - 2012 - Kaare Andrews, Angela Bettis, Hélène Cattet, BrunoKaare Andrews, Angela Bettis, Hélène Cattet, Bruno Forzani, Ernesto Díaz Espinoza, Jason Eisener,...
Interprètes : Neil Maskell, Michael Smiley, Ingrid Bolsø Berdal, Hiroko Yashiki,

C’est sous l’impulsion de deux producteurs que le projet de réaliser un abécédaire de la mort est lancé. Les deux compères réunissent alors vingt-six jeunes réalisateurs, issus du monde entier, pour les vingt-six lettres de l’alphabet. Chaque metteur en scène se voit alors attribuer une lettre, qui doit correspondre à un segment mettant en scène une façon de mourir. Le mot d’ordre est une liberté artistique totale.
C’est lors du Paris International Fantastique Film Festival, PIFFF pour les intimes, que nous découvrons cet étrange film à sketch qui était attendu avec beaucoup de mystère. En effet, l’unique fait de réunir vingt-six réalisateurs sur un même film est particulièrement ambitieux et intriguant. Alors, vingt-six réalisateurs, ça fait un paquet direz-vous, il semble donc évident que nous ne pourrons parler ici que d’une petite partie des auteurs présents sur ce métrage. Nous nous contenterons donc d’évoquer les metteurs en scènes et les segments les plus significatifs. A bon entendeur donc avec les personnes non citées.

La première chose qui marque, à la vision de cet abécédaire, est la certaine homogénéité qualitative de l’ensemble des parties. Ne nions cependant pas que, certains sketchs sont bien meilleurs que d’autres, mais chaque auteur a réussi à travailler sur un aspect plus ou moins précis du cinéma et a cherché à apporter quelque chose d’intéressant, et surtout de personnel, à l’ensemble. Tout le film est, cependant, parfaitement hétéroclite, chaque réalisateur s’est focalisé sur un pan différent du cinéma et c’est sûrement l’aspect le plus attrayant du métrage.
On notera l’excellent segment réalisé par le nouveau « chouchou » du cinéma anglais, Ben Wheatley. Son sketch rattaché à la lettre U pour Unearthed, met en scène la mort d’un vampire tournée en caméra subjective. Une qualité graphique incontestable et une parfaite maîtrise technique font de cette partie l’une des plus attrayantes. On retrouve dans ce fragment les acteurs maintenant habituels du réalisateur comme Neil Maskell ou Michael Smiley. En somme, c’est une fois de plus, une démonstration de la qualité indiscutable du travail de ce monsieur.

Noboru Iguchi, réalise, lui, un morceau de l’abécédaire intitulé Fart et donc logiquement rattaché à la lettre « F ». Au-delà du constat de la qualité très discutable du cinéma de ce réalisateur, nous avons de nouveau droit à un travail complètement déganté qui tourne, encore une fois, autour de la fécalité. Noboru Iguchi, confirme ainsi, simplement son attachement à la scatophilie à défaut de nous confirmer son talent, qui s’avère particulièrement incertain.
La déception majeure reste malheureusement le fragment réalisé par Ti West, qui s’avère ni beau, ni intelligent, ni quoi que ce soit. En réalité, nous nous questionnons encore sur le sens du sketch qui semble simplement bâclé. Quelle déception que de voir ce jeune réalisateur faire son premier faux-pas.

Jack West, un autre réalisateur anglais très attachant, nous livre une oeuvre très bien construite, très fun et assez étonnante. Au milieu d’un désert post apocalyptique, deux femmes cherchent à fuir la mort. Une ambiance oscillant entre le WESTern et MAD MAX qui s’avère très réjouissante. Une petite mise en bouche qui fait espérer une prochaine sortie de ce metteur en scène.
On remarquera aussi le segment de Nacho Vigalondo qui ouvre l’abécédaire avec beaucoup d’humour et de tendresse. Une production intelligente qui fait honneur à ce réalisateur qui nous avait proposé un film bien moins subtile l’année précédente avec EXTRATERRESTRE. Travaillant sur les décalages de ses personnages principaux et les situations qu’ils vivent, Nacho Vigalondo renoue ici avec la sobriété et la subtilité qui avait fait la force de TIMECRIMES.
Dans un soucis non pas nationaliste, mais plutôt de soutien non dénué de respect, d’admiration et de fierté, attachons-nous maintenant aux deux sketchs francophones de cet abécédaire.
Le premier est réalisé par Hélène Cattet et Bruno Forzani, tout deux connus pour le sublime AMER. Les deux réalisateurs nous livrent sûrement le plus beau fragment de THE ABC’S OF DEAD. Intitulé ORGASME, ce sketch plonge le spectateur directement dans l’univers baroque du giallo avec grasse et élégance. Comme dans leur précédent film les deux réalisateurs ne se contentent pas d’un simple film hommage, ils s’approprient des matériaux, les digèrent et mettent en scène un film personnel psychédélique et sensuel. Une bouffé d’air dont on ne saurait se passer.
C’est Xavier Gens qui réalise la partie rattachée à la lettre « X » intitulée XXL. Il signe probablement ici l’un de ses travaux les plus intéressants. Un message peu subtile, accordons-le, mais bien traité. Le thème du rapport au corps dans notre société fait mouche, mais c’est surtout la mise en scène et la narration, alternant savamment entre humour noir et indignation, qui donnent corps à ce sketch. L’utilisation de spots publicitaires intégrés dans un montage très sec et rythmé marque les esprits avec une certaine habilité.

THE ABC’S OF DEAD suscite donc un plaisir assez étonnant. En effet, celui-ci ne consiste pas dans la vision d’un produit fini ou même arrêté. THE ABC’S OF DEAD s’apprécie d’une part dans le constat d’un nombre important de jeunes réalisateurs aux travaux aussi personnels les uns que les autres. Ainsi, le point fort du film se situe dans la multiplication des techniques graphiques, des narrations, des univers et des références avec chacune une qualité qui lui est propre. Ces vingt-six réalisateurs mettent alors en évidence toute la diversité et le foisonnement auxquels le cinéma fantastique peut prétendre avec fierté. D’autre part, le métrage est un plaisir dans sa sélection de jeunes talents, de réalisateurs en construction et en devenir. En somme, un regard bienveillant sur le travail des potentiels maîtres de demain, à l’image d’une oeuvre d’avant-garde soutenue par une nouvelle génération d’artistes.


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- Article rédigé par : Quentin Mazel

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