The Collector

Un texte signé Clément X. Da Gama

Etats-Unis - 2009 - Marcus Dunstan
Interprètes : Josh Stewart,Michael Reilly Burke,Madeline Zima

Arkin, ouvrier en bâtiment, travaille à la rénovation d’une maison bourgeoise pour le compte des Chase. Il projette de leur dérober un bijou et d’ainsi éponger les dettes que sa compagne a contractées auprès de gangsters. Le soir du vol, Arkin pense être seul dans la maison. Il découvre qu’un détraqué séquestre et torture la famille Chase. La demeure, remplie de pièges mortels, deviendra une prison pour Arkin.

THE COLLECTOR est le premier film de Marcus Dunstan. Si son nom est quelque peu inconnu, Dunstan a une carrière prolifique dans le genre de l’horreur, puisqu’il est le scénariste de SAW IV, V, VI, VII ainsi que de PIRHANA 3DD. Un CV que certains ne trouveront pas folichon, et qui n’augurait rien de bon pour son passage derrière la caméra.

Pourtant, dès les premiers plans de THE COLLECTOR, le constat est sans appel : Dunstan sait filmer. La photographie sombre et métallique ne plaira pas à tous, mais elle épouse parfaitement ce récit glauque de séquestration et de maison piégée. La composition des plans n’est pas en reste. Malgré un générique clipesque peu inspiré, THE COLLECTOR offre des cadrages immédiatement lisibles et efficaces. Une condition sine qua non pour un film où l’espace est à ce point saturé de menaces : des lames de rasoir cachées sur les fenêtres, des fils d’acier qui sous-tendent des machettes géantes, des lustres agrémentés de couteaux, etc. Par cette précision formelle, Dunstan crée une tension spatiale efficace où chaque recoin de la demeure contient, potentiellement, mille et une souffrances. Les nerfs du public sont alors mis à rude épreuve.

On peut résumer THE COLLECTOR comme une version cinématographique (et gore) du jeu du chat et de la souris, en milieu hostile. Une fois Arkin dans la maison, le héros a fort à faire entre la famille bourgeoise qu’il tente (maladroitement) de sauver, les pièges mortels bien vicieux disséminés dans la demeure, et le tueur sadique (le « collectionneur ») qui y rôde. La maison des Chase est donc saturée de menaces : menace mouvante du collectionneur, menace statique des pièges. Cette double tension donne lieu à des courses poursuites toutes plus stressantes les unes que les autres. Un exemple. Arkin détourne l’attention du tueur et libère la fille Chase, attachée avec du barbelé. Mais le tueur revient sur ses pas. Paniquée, la jeune femme court pour lui échapper, et déclenche malencontreusement un piège : elle finira projetée sur un mur couvert de clous, le corps transpercé de mille parts. Pendant presque une heure, Dunstan multiplie ces scènes où les pauvres souris doivent autant survivre au chat assoiffé de sang qu’aux pièges qu’il a vicieusement cachés dans la maison. Le suspense ainsi crée est implacable.

Mais que se passe-t-il avant l’entrée transgressive d’Arkin chez les Chase ? Durant la première demi-heure, Dunstan prend le temps de construire ses personnages et d’établir deux univers voués à se rencontrer. D’un côté les Chase, une famille de riches sans noblesse qui carbure au Botox et qui mérite presque ce qui lui arrive. D’ailleurs, leur choix de faire poser des barreaux à toutes les fenêtres sera du pain bénit pour le collectionneur, qui pourra les séquestrer à l’envi (une réminiscence de la théorie selon laquelle le « tout sécuritaire » ne peut que mener à une perte de liberté ?). De l’autre côté, nous avons Arkin et le monde de la précarité/criminalité. Ouvrier usé par la vie, bon père de famille, il doit à contrecœur fricoter avec la mafia pour sauver son épouse endettée. Si le début de THE COLLECTOR sera trop lent pour les spectateurs les plus impatients, il permet d’exposer clairement les personnages principaux et leurs antagonismes. La rencontre tant attendue entre la bourgeoisie et la précarité (lorsqu’Arkin cambriole les Chase) est cependant court-circuitée par la présence d’un troisième personnage. Un « invité mystère » qui transcende les deux univers socio-économique par sa perversité malsaine.

Et question perversion, THE COLLECTOR n’y va pas de main morte. On reconnaît ici le scénariste des derniers SAW puisque son personnage-titre est, au bas mot, très vicieux. Parmi ses faits d’arme, le collectionneur coud les lèvres d’une femme un peu trop bruyante (en prenant tout son temps) et s’essaie sur Arkin à de la chirurgie dentaire avec un marteau et un burin (le résultat n’est pas très probant !). Mais THE COLLECTOR n’est pas un énième torture porn accumulant les scènes barbares : le film apparaît avant tout comme une œuvre synthétique du cinéma d’horreur des 40 dernières années.

Il serait trop long ici de faire état de toutes les références en jeu dans THE COLLECTOR : le slasher, et son tueur monolithique increvable agissant pour le compte de la morale puritaine ; le film de cannibales, et ses pièges brutaux cachés dans les décors ; l’horreur à tendance homosexuelle de Clive Barker ; la saga SAW, et bien d’autres encore. Malgré ces différents emprunts, THE COLLECTOR ne joue à aucun moment la carte du film référentiel, qui permettrait aux cinéphiles narcissiques de gonfler leurs égos en repérant des clins d’œil/références que le spectateur lambda ne peut pas identifier (LE PACTE DES LOUPS ou les derniers Tarantino). Au contraire, Dunstan a assimilé ces références pour les inscrire de manière cohérente dans son univers ; le cinéaste se permettant même de diversifier certaines formules établies. Ainsi, son tueur n’est pas un « Jason bis » qui peut sortir de n’importe quelle zone d’ombre pour attaquer sa proie : il est un tueur humain qui se déplace, qui doit défoncer les portes, qui ne surgit jamais derrière le héros « comme par magie ». Les pièges mortels, héritages des films de cannibales, sont placés dans une maison cossue, et marquent l’intrusion de la barbarie dans le monde aseptisé/sécuritaire de la bourgeoisie américaine. Ces emprunts cinématographiques, à la fois très divers et parfaitement digérés, ne sont pas sans rappeler JEEPERS CREEPERS.

Dans ce film, Victor Salva lui aussi s’appuie sur de nombreuses références (DUEL, LE SILENCE DES AGNEAUX, TERMINATOR entre autres) pour nous offrir une œuvre étonnamment originale et revigorante. Si THE COLLECTOR n’est à aucun moment aussi terrifiant que JEEPERS CREEPERS, il participe d’une même logique respectueuse du cinéma « d’avant » qui ne se complaît jamais dans une posture postmoderne (stérile) de citations cinéphiliques/masturbatoires. La comparaison avec JEEPERS CREEPERS peut se prolonger, puisque certains critiques ont prophétisé que le collectionneur de Dunstan ferait prochainement partie des figures mythiques du cinéma d’horreur. Mais contrairement à la fascinante créature de Salva, le tueur de THE COLLECTOR manque cruellement de charisme, et son style proche du psychopathe de CABAL n’est pas pour l’aider à entrer dans le club très sélect des monstres et autres dégénérés du panthéon de l’horreur cinématographique.

THE COLLECTOR est une série B solide et efficace, cruelle comme un SAW, et qui déploie un suspense assez renversant. Le tableau n’est cependant pas parfait : la première demi-heure sera trop longue pour certains, le héros pas très héroïque va énerver plus d’un spectateur et surtout, le chat dissout à l’acide puis décapité par une fenêtre va révolter les défenseurs des animaux (mais que fait Brigitte !). Si Dunstan a écrit/commit des scénarios peu respectables, il a réalisé un premier film remarquable dans son genre, qui capte le spectateur pour ne plus le lâcher. Dunstan a depuis écrit et réalisé une suite, THE COLLECTION. Un film à surveiller de près.


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- Article rédigé par : Clément X. Da Gama

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