The Communion Girl (2023) – Conte gothique – Critique

Un texte signé Sophie Schweitzer

Espagne - 2023 - Víctor Garcia
Titres alternatifs : La niña de la comunión
Interprètes : Carla Campra, Marc Soler, Aina Quiñones, Carlos Oviedo

Le réalisateur ibérique Víctor Garcia revient sur les écrans avec The Communion Girl, un conte gothique qui a fait frissonner le festival de Gérardmer.

En Espagne, à la fin des années 80, une adolescente et sa famille s’installent dans un petit village rural de la province de Tarragone. Très vite, elle se lie d’amitié avec Rebe, la rebelle se sa classe. Cette dernière l’entraîne dans les soirées en boite de nuit, la fait goûter à la drogue et l’incite même à se laisser séduire par un jeune homme de leur âge. Mais la soirée tourne court quand ils croisent la route d’une fantomatique petite fille. Notre petit groupe d’adolescents devient alors la proie de visions insoutenables.

The Communion Girl est le premier film produit en Espagne pour le cinéma de Víctor Garcia. Ce dernier a en effet débuté sa carrière à Hollywood avec de grosses productions comme Mirrors 2, Hellraiser : Revelations et Gallows Hill. Il est indéniable que son expérience américaine lui a servi car on reconnaît la qualité technique du long métrage. À commencer par la lumière vraiment soignée, gothique à souhait, avec un côté étouffant, moite et suintant comme celle faite par Darius Khondji pour Seven. Elle participe de beaucoup à l’ambiance du film.

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Une production ibérique dans la veine gothique

Or celle-ci est d’autant plus importante que le scénario en lui-même est prédictible pendant les trois premiers actes. Le quatrième acte repose sur un twist surprenant et rafraîchissant mais qui arrive tardivement, laissant un goût d’inachevé en bouche du spectateur. Ce qui en soit n’est pas forcément une mauvaise chose, on se souvient tous de la fin de Black Christmas mais l’ennui étant que Communion Girl met du temps à développer son intrigue et donc à éveiller des frissons chez le spectateur.

Ceci dit, l’atmosphère posée est vraiment réussie, et surtout, les personnages qu’on suit sont éloignés des standards américains. L’héroïne est un peu trop effacée, malgré les efforts de sa très jolie comédienne Carla Campra. En revanche, sa meilleure amie irradie l’écran. Aina Quiñones avec son allure de Amy Winehouse version ado dégage quelque chose, d’autant plus que son histoire avec son père alcoolique est touchante et probablement la plus intense du film. On a peur pour elle, surtout, peur de la voir être éliminée en premier comme c’est bien souvent le cas pour les meilleures amies de final girl.

Accompagnant nos deux amies, il y a deux personnages masculins principaux. Carlos Oviedo incarne Chivo, un dealer, et parvient autant à nous faire peur qu’à nous toucher, un équilibre délicat à tenir. Marc Soler quant à lui joue le chevalier servant de l’héroïne. Il est assez charismatique pour compenser un rôle plus effacé. Ce qui est intéressant c’est que la bande d’ado a mauvaise réputation, en particulier dans un petit village rural. Ils sont jugés par les adultes notamment Judith, la tante de l’héroïne, incarnation d’une moralisatrice très agaçante qui malheureusement n’est pas vraiment exploitée par le scénario.

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Un film dont le twist tarde un peu

Le film dispose d’une ambiance pesante très catholique mais n’en use pas assez. Cela semble rester du décorum. En revanche, la thématique du père est omniprésente. La figure du père se retrouvant également dans le prêtre, évidemment. Tous les pères paraissent autoritaires voire même inquiétants et dangereux. Cette thématique est utilisée jusqu’au bout mais aurait pu être un peu plus approfondie encore.

Il est difficile de ne pas songer aux Griffes de la Nuit de Wes Craven devant The Communion Girl. Quatre ados se confrontant à des visions qui les plongent dans un état catatonique et qui peuvent potentiellement les tuer n’est pas sans rappeler l’effroyable Freddy Krueger. Ici la menace s’incarne dans une petite fille communiante qui a l’apparence d’une mariée. Ce qui n’est pas sans rappeler également la nonne de James Wan dans la série des Conjuring. D’augustes références qui alimentent le cinéma de Víctor Garcia mais ne l’empêchent nullement de livrer un film qui renoue avec le gothique ibérique.

The Communion Girl est clairement dans la veine de Les Autres d’Alejandro Amenábar, L’orphelinat de Juan Antonio Bayona ou encore L’Échine du Diable ou Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro. Autant de références qui, elles aussi, jouent avec les fantômes. Cela semble être même un des codes du genre revisité par les réalisateurs espagnols durant les années 2000. Étonnamment, Víctor Garcia a fait le chemin inverse, commençant avec des productions hollywoodiennes éloignées du mouvement de ses pairs, pourtant son premier film en Espagne renoue avec le gothisme ibérique et sait jouer avec ses codes tout en assumant ses débuts hollywoodiens.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà - Ses auteurs préférés - Oscar Wilde, Sheridan LeFanu, Richard Mattheson, Stephen King et Poppy Z Brite

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