Un texte signé Jérôme Pottier

Grande-Bretagne, Ecosse - 2001 - Gillies MacKinnon
Interprètes : Jonny Lee Miller, Andy Serkis, Jodhi May, Vas Blackwood, Gary Lewis

review

The Escapist

En 2001, au festival du film policier de Cognac, un thriller écossais captive le public et la critique, il s’agit de THE ESCAPIST. Le film sombre ensuite inexplicablement dans l’oubli, sa récente sortie en DVD va nous permettre de réparer cette injustice.
Denis Hopkins est un jeune pilote d’avion casse-cou qui attend, dans sa magnifique propriété au bord de l’eau, que sa femme donne naissance à leur premier enfant. Tout bascule lorsque, une nuit, l’effroyable Ricky Barnes et sa bande de malfrats viennent cambrioler sa maison. Ils abattent sa femme enceinte sous ses yeux. Ricky Barnes est emprisonné dans la prison haute sécurité de Sullen Voe. Denis, ivre de vengeance, se fait passer pour mort et commet des méfaits dans le but d’être incarcéré avec Barnes. Il comprend vite que, pour être enfermé dans la prison haute sécurité de Sullen Voe, il va lui falloir devenir le roi de l’évasion (d’où le titre, THE ESCAPIST)…
Cette douzième réalisation de l’injustement méconnu et très talentueux enfant du pays du kilt et de la cornemuse, Gillies MacKinnon, est une véritable révélation. Le film débute par un magnifique générique en noir et blanc qui annonce la couleur : Attention thriller très… noir. Car THE ESCAPIST est vraiment un thriller froid et implacable, l’ambiance y est tendue, aiguisée comme une lame. Malgré cette froideur, le réalisateur compose une galerie de personnages touchants et parfois drôles, bien qu’ils soient, pour la plupart, de sacrés salauds. Il est aidé dans sa tâche par un scénario bluffant du débutant Nick Perry qui signe ici son premier boulot pour le grand écran.
Effectivement, le script de THE ESCAPIST est un véritable tour de force. Là où la plupart auraient torché une histoire fascisante à base d’autodéfense, Nick Perry évite tous les poncifs. Pour commencer, le criminel est arrêté et durement condamné, la Justice fait son boulot. Ensuite, l’idée qui consiste à faire de Denis un « sans » nous révèle ce qu’est l’eugénisme social dans la perfide Albion. Car, en se faisant passer pour mort, il perd toute identité, il est condamné à vivre soit dehors, soit en prison. Il prétend même, avec humour, porter le nom de “Comment” lorsqu’on lui dit « tu t’appelles comment ? ». Enfin, le fait qu’il lui faille devenir un roi de l’évasion est un véritable coup de génie. Cela permet à MacKinnon de nous balader d’une prison à l’autre, de confronter Denis à une violence et à une misère sociale dont il ignorait tout dans le confort de son ancienne vie. L’humour vient parfois pointer le bout de son nez à travers quelques personnages (voire, à ce sujet, l’inénarrable interprétation de Vas Blackwood aperçu en 2004 dans l’excellent CREEP de Christopher Smith) et quelques péripéties, comme lorsque Denis, pas encore pro de l’évasion, enchaîne les évasions loupées. Mais c’est l’atmosphère qui prime dans cette bande, une ambiance tendue qui n’est pas sans rappeler un autre très grand polar anglais : LA CIBLE HURLANTE/SITTING TARGET (Douglas Hickox-1972). Le scénariste se paye même le luxe, lors du final, de nous livrer le négatif de la scène d’ouverture : La grande classe !
La réussite de ce film est aussi due à une distribution exceptionnelle. Jonny Lee Miller (acteur dans TRAINSPOTTING de Danny Boyle en 1996) incarne Denis à la perfection, il semble habité par la vengeance. Il est assisté par le génial Gary Lewis (pléonasme), celui qui fut Shanks dans MY NAME IS JOE (Ken Loach-1998) et l’impitoyable Mc Gloin dans GANGS OF NEW YORK (Martin Scorcese-2002) fournit ici une composition touchante de dur ambigu au cœur tendre. Quant à Ricky Barnes, il est magnifiquement campé par un Andy Serkis terrifiant. Rappelons qu’Andy Serkis est le gollum de la trilogie de Peter Jackson, LE SEIGNEUR DES ANNEAUX (2001-2002-2003).
En bref, cette excellente réalisation sur un scénario en béton, le tout soutenu par une pléiade d’acteurs extraordinaires, s’avère être un grand thriller made in UK à voir absolument !


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- Article rédigé par : Jérôme Pottier

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