The Ferryman

Un texte signé Patrick Lang

Nouvelle-Zélande - 2007 - Chris Graham
Interprètes : Craig Hall, Kerry Fox, Sally Stockwell, Amber Sainsbury, John Rhys-Davies...

Un groupe de jeunes trentenaires part en bateau pour les îles Fidji. Le deuxième jour, ils sont encerclés par un épais brouillard. C’est là qu’ils tombent sur un bateau à la dérive ; ils y trouvent un homme âgé qu’ils prennent à bord. Ce dernier (surnommé “le Grec”), a un passé chargé et tumultueux, car il échappe à la Mort elle-même en faisant “sauter” son esprit d’un corps à l’autre, à l’aide d’un poignard aux pouvoirs obscurs.
La légende veut que, quand on décède, un passeur d’âme nous emmène dans l’autre monde. C’est un envoyé de la Mort qui transporte votre âme, moyennant une pièce d’or. C’est sur cette idée de départ que se construit le film de Chris Graham. Qu’arriverait-il si quelqu’un échappait à ce passeur d’âmes? THE FERRYMAN nous donne la réponse: le passeur poursuivrait l’âme errante sans relâche. Nos joyeux touristes, se faisant embarquer dans cette sanglante poursuite, risquent bien d’y laisser des plumes…
S’il est le pivot de l’histoire de THE FERRYMAN, c’est pourtant le personnage du Grec qui prend la place du vrai ”méchant”. Le passeur est laissé dans l’ombre pour la majorité du métrage avec seulement quelques apparitions, quand ce n’est pas sa voix qui nous glace le sang. Il faut dire que moins on le voit, plus il aura d’effet sur le spectateur. A ce stade, le réalisateur sait très bien doser l’importance que prend chaque protagoniste. Il a une très bonne faculté à gérer ses personnages, ainsi que le rythme du film, que l’on peut considérer comme une véritable descente aux enfers.
Le film débute dans un genre très “carte postale”. On a droit à divers paysages paradisiaques et situations amusantes ou enchanteresses, parfois à la limite du kitsch (les scènes de danse en musique sur le bateau en sont les preuves les plus flagrantes). Cela ne durera pas, les malheurs arrivant avec le brouillard soudain et mystérieux. Plus le paysage s’assombrit, plus le personnage du Grec devient menaçant. A la nuit tombée, il déchaîne une hécatombe en mutilant presque l’intégralité des protagonistes, en “empruntant” leurs corps au passage, pour semer encore plus le chaos et la désolation. Sa quête de l’immortalité se fera dans le sang et la mort. Il faut souligner que c’est un personnage des plus odieux, ses tortures seront autant physiques que psychologiques (il possède le corps d’un des passagers qui rabaissera psychologiquement sa femme, en la traitant comme une moins-que-rien). Son attitude vicieuse et manipulatrice fait froid dans le dos. Il n’hésite jamais à utiliser toutes armes blanches qui l’entourent, ce qui nous donne de belles scènes bien sanglantes (la scène d’introduction, qui oppose ”le Grec” à une de ses précédentes victimes, est particulièrement violente et percutante).
Le talent des acteurs est mis à rude épreuve, puisque chacun doit endosser le rôle du tueur, étant donné sa faculté à changer de corps. Ainsi, des personnages très stéréotypés comme la blonde de service “deviennent” le tueur. Non seulement cela donne du fil à retordre aux acteurs, mais ça apporte pas mal de possibilités, scénaristiquement parlant. Graham use et abuse de ce procédé, ce qui donne lieu à de belles situations. Mention spéciale à Sally Stockwell, le parfait exemple de la blonde caricaturale, qui une fois possédée, change radicalement de personnalité. Elle se transforme en pure sadique, révélant davantage les aspects les plus sombres de la nature humaine, une vraie hystérique en somme!
THE FERRYMAN, comme vous l’aurez compris, repose presque uniquement sur ses personnages. C’est un passage obligatoire pour tout huis clos, sans pour autant oublier les séquences horrifiques. Les scènes d’inspection du bateau à la dérive, les multiples rixes entre protagonistes le démontrent. Les effets spéciaux sont plutôt réalistes, le savoir-faire néo-zélandais est toujours d’actualité depuis Peter Jackson, mais THE FERRYMAN a quand même un budget assez conséquent pour pouvoir réaliser quelques prouesses dans ce domaine. Le Ferryman fait penser à Freddy, mais en plus grand et bien plus massif, la peau tout aussi marquée. Ce film de Nouvelle-Zélande apporte un peu de sang frais au genre et un zeste d’exotisme; ça sent bon les films des années 80 qui mélangeaient dépaysement et hémoglobine (en particulier les Italiens qui s’exportaient facilement). Une saveur très ”européenne” apporte un certain niveau à l’ensemble, les personnages sont denses et nanti d’une justesse de ton avantageuse, en même temps qu’un certain équilibre avec l’horreur pure pour ne pas endormir le spectateur. Chaque apparition du passeur, aussi courte soit-elle, s’avère de toute beauté.
THE FERRYMAN, fort de son huis clos doté d’un scénario solide, offre une touche d’originalité tout en ajoutant un nouvel avatar à la longue liste de croquemitaines…


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- Article rédigé par : Patrick Lang

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