The Goya murdrers

Un texte signé Patrick Barras

Espagne, Belgique - 2020 - Gerardo Herrero
Titres alternatifs : El Assessino de los caprichos
Interprètes : Aura Garrido, Maribel Verdú, Roberto Álamo, Daniel Grao, Ginés García Millán

Carmen Cobos (Maribel Verdu) et Eva Gonzalez (Aura Garrido), deux policières faisant équipe depuis peu interviennent sur une scène de crime dans les beaux quartiers de Madrid. La victime qui vient d’être assassinée est curieusement déguisée, grimée et son cadavre mis en scène. Rapidement un deuxième assassinat est perpétré, offrant une mise en scène similaire. Il s’avère alors que les deux crimes s’appliquent à reproduire des scènes illustrées dans des gravures de Francisco Goya issues de la sa série des Caprices et que leurs victimes sont de riches collectionneurs d’Art. Carmen et Eva vont dès lors s’appliquer à tenter de débusquer un tueur particulièrement méticuleux et retors en enquêtant dans le milieu de ces mêmes collectionneurs.

Dès le début de la vision de THE GOYA MURDERS on est tenté de se dire qu’il semble bien participer de ce qui pourrait passer pour une tendance du polar espagnol de ces dernières années ; à savoir le fait de nous proposer des histoires tournant autour de personnages de femmes flics à la détermination sans failles, dotées de caractères bien trempés, ainsi que le plus souvent d’un passif ou d’un pathos des plus encombrants.

Le film se rangerait alors aux côtés de LA JEUNE FILLE ET LA BRUME (où apparaissait déjà Aura Garrido et qu’avait produit Gerardo Herrero), de la série galicienne LE GOÛT DES MARGUERITES ou encore des trois films basés sur les adaptations de la trilogie littéraire de Basàn, comme LE GARDIEN INVISIBLE (pour ne citer que le premier).

La progression en terrain connu se poursuivra par le fait que THE GOYA MURDERS nous ressert un des archétype les plus réchauffés (à l’international) du cinéma Policier : Le fameux duo du méchant et du gentil flic. Ici, Carmen est celle qui remplit le rôle de la désabusée acariâtre, qui tente d’endormir son mal-être dans l’alcool et le tabac, qui couche où bon lui semble et qui avorte, ne voulant pas endosser la culpabilité d’avoir donné la vie à un malheureux de plus dans ce monde pourri. On constatera qu’il ne manque ainsi rien à la peinture du personnage. Il n’est donc pas surprenant qu’ Eva soit son exact contraire. Figure positive et enthousiaste dont la vie est rythmée en priorité par la gestion de son couple et de ses enfants et qui elle, se retrouve joyeusement pompette après deux verres en soirée. Le fait que Carmen soit brune et Eva blonde achèvera de grossir le trait.

Dichotomie (ô combien) familière, qui sur une partie du métrage nous garantit tout de même le quota attendu d’empoignades verbales et de frictions, qui au moins pour une fois ne seront pas baignées de testostérone… On serait tenté de dire « au moins, ça change ». Mais à bien y regarder, pas tant que ça en définitive ; tant on se sent enveloppé et bercé par un sentiment de train-train.

Le sentiment se trouve renforcé si l’on se penche sur le réalisateur. Gerardo Herrero nous avait déjà donné FRONT DE L’EST, un thriller historique loin d’être inintéressant, ainsi qu’une poignée d’autres thrillers et de drames, mais c’est bel est bien dans le domaine de la production que sa carrière se trouve la plus étoffée et prolifique ; et le fait est que l’on peut avoir l’impression de se retrouver plus en face d’un film de producteur que d’un réel travail de cinéaste, tant le produit finit par nous apparaître comme soigneusement calibré.

Quand bien même Herrero accumule-t-il les références prestigieuses : de FENÊTRE SUR COUR (Carmen se retrouve affublée d’un voyeurisme investigateur vis à vis de ses voisins, alors que son handicap, loin d’une simple jambe cassée trouve plutôt sa source dans sa difficulté à entretenir des relations humaines basiques), en passant par le cinéma de William Friedkin (FRENCH CONNECTION et POLICE FÉDÉRALE, LOS ANGELES) pour finir par SEVEN ; malgré le fait que le métrage soit doté d’un travail de la lumière et d’une photographie des plus soignés, THE GOYA MURDERS peut au final faire naître l’idée que l’on a ingurgité un bon film bis, à sa manière (un bis certes doté de moyens relativement substantiels, par contre), au point que s’attarder davantage sur les références serait carrément révéler un des ressorts scénaristiques capital du film…

THE GOYA MURDERS se laisse néanmoins visionner de manière plaisante (c’est un peu comme faire une randonnée, confortablement chaussé de charentaises…), malgré un côté bien trop sage et trop souvent prévisible. Mais tant qu’à loucher du côté du bis (de luxe…) on pourra regretter qu’il n’assume pas cette dimension en évitant d’opter un tant soit peu pour une touche de folie ou des outrances graphiques comme pouvait jadis nous en offrir le cinéma d’exploitation ibérique des années 70…


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- Article rédigé par : Patrick Barras

- Ses films préférés : Il était une fois en Amérique, Apocalypse now, Affreux, sales et méchants, Suspiria, Massacre à la tronçonneuse


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