The Island

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Hong Kong - 1985 - Po Chih-Leong
Titres alternatifs : Sheng si xian
Interprètes : John Sham; Amy Kwok;Lung Chang; Ronald Wong ; Jin Cheng

Produit par Sammo Hung au milieu des années 80, THE ISLAND s’inspire manifestement des métrages américains de la décennie précédente pour offrir un conglomérat d’idées pas très originales.
John Sham y incarne un professeur emmenant ses étudiants en ballade sur une île supposée déserte. Sur place les adolescents commencent à s’amuser mais nous sommes loin de leurs homologues américains tentés par une attitude « sex and drugs and rock & roll ». Non, ici les divertissements prisés par les jeunes consistent à jouer à cache-cache ou aux gendarmes et aux voleurs (sic !). Tout se déroule sans histoire jusqu’au jour où notre petite bande croise la route d’une famille de cinglés vivant en reclus et cultivant le souvenir de leur maman récemment décédées. Pour s’occuper notre bande de malades torture et viole une jeune femme échouée sur l’île et que le plus jeune frère (accessoirement le plus mentalement déficient) souhaitait contraindre au mariage jusqu’à ce qu’il découvre, horreur, que la belle n’était plus vierge. Ce qui devait arriver arrive finalement (mais faut patienter au moins trois quarts d’heure !), notre jeune maniaque sexuellement frustré tombe amoureux d’une des étudiantes et souhaite l’épouser. Or ses frères sont décidés à utiliser tous les moyens possibles pour persuader la demoiselle d’accepter cette demande.
THE ISLAND constitue l’exemple typique de l’obscur métrage de série B bénéficiant d’une réputation plutôt enviable auprès des sites Internet spécialisés. Malheureusement, comme (trop) souvent, la vision effective du produit lamine l’enthousiasme et ne laisse qu’un amer sentiment de gâchis.
A la mise en scène nous retrouvons pourtant Po-Chih Leong, un cinéaste éclectique ayant offert à Chow Yun-Fat un de ses meilleurs rôles dans le drame guerrier HONG KONG 1941. Bien plus tard on le retrouva à la tête de l’intéressante parabole vampirique LA SAGESSE DES CROCODILES avec Jude Law. Ces dernières années Po-Chih Leong semble toutefois avoir renoncé à toutes ambitions pour alterner téléfilms standards et direct-to-vidéo glorifiant des stars déchues des années 90 comme OUT OF REACH (avec Steven Seagal) ou THE DETONATOR avec Wesley Snipes.
Quoiqu’il en soit on espérait que THE ISLAND soit, au minimum, un bon produit bis bien emballé mais il n’en est rien, hélas ! Inspiré de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE (la description d’une famille de tarés) et de LA COLLINE A DES YEUX (cet affrontement en milieu hostile entre la « civilisation » et la « barbarie ») mais aussi des CHIENS DE PAILLE (le paisible professeur contraint à répondre à la violence par la violence), le métrage va encore braconner sur les terres du rape and revenge (I SPIT ON YOUR GRAVE et consort), de l’exploitation hongkongaise (le très similaire THE BEAST) et même du Z italien (reprenant l’île perdue et l’atmosphère d’attente de ANTROPOPHAGEOUS).
Une belle somme d’influences diverses hélas plutôt mal digérées et qui aboutissent à un produit paresseux à l’intérêt limité. Les quarante premières minutes tentent d’instaurer une tension graduellement prenante et étouffante mais ne parviennent le plus souvent qu’à générer un ennui pesant. Rien ne se passe, ou presque, et les quelques moments légèrement secouant sont trop mal amenés pour fonctionner vraiment. L’humour complètement hors de propos et les très nombreuses scènes dénuées d’intérêt ne paraissent présents que pour atteindre la durée réglementaire et il faut attendre le derniers tiers du film pour que, enfin, la violence ne fasse son apparition. Celle-ci se révèle en outre timide et n’atteint jamais ce caractère paroxystique et libérateur propre aux meilleurs survivals, comme si le cinéaste se modérait lui-même en proposant un spectacle finalement quasiment tout public. Même la désormais classique castration buccale effectuée par une femme menottée (merci à LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE !) se montre d’une frilosité frustrante.
Dénuée de rage et incapable de produire le moindre suspense, la mise en scène de Po Chih-Leong s’enfonce pour sa part dans la platitude et le manque de budget n’arrange rien, la totalité du métrage se déroulant sur une plage avec une dizaine d’interprètes.
Au rayon des interprètes le cabotinage et la médiocrité dominent. John Sham, acteur sans le moindre charisme et sans beaucoup de talent, s’avère d’ailleurs incapable de donner une véritable épaisseur à son personnage, supposé être le héros auquel s’identifier.
Kitsch, mal ficelé, ringard, involontairement drôle et uniquement potable (et encore !) dans un dernier quart d’heure violent et revanchard, THE ISLAND constitue une sévère déception, à réserver aux inconditionnels du cinéma d’exploitation hongkongais.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

Share via
Copy link