The Keeper

Un texte signé Dimitri Doradoux

Canada, Grande-Bretagne - 2004 - Paul Lynch
Interprètes : Gérald Sanford ; interprétation : Dennis Hopper, Asia Argento, Lochlyn Munro

Le réalisateur Paul Lynch est un habitué des séries télévisées et plus spécialement de la SF qui a envahi nos écrans dès les années 70. Rien qu’en évoquant des titres comme Robocop, The twilight zone, Star Trek : The next generation ou Sliders, on se rend vite compte que Lynch a été très prolifique dans l’évolution du genre SF aux Etats-Unis. Et pourtant, c’est loin de ces univers fantastico-futuristes que Paul Lynch s’attaque à son quatorzième film. En effet, The Keeper est loin d’être un pamphlet intergalactique mais plutôt une critique sévère du puritanisme américain.
C’est l’histoire d’un lieutenant de police bon sous tous rapports qui un jour décide de séquestrer une jeune strip-teaseuse qui vend son corps sans aucun remords.
Le film commence directement par la vie de Gina (Asia Argento), une danseuse désabusée qui se fait attaquer par un violeur. Secourue par la police, elle rencontre alors le lieutenant Krebs qui se propose de la raccompagner. Et c’est à partir de ce moment-là que tout bascule : Gina se retrouve enfermée à mourir de faim dans une prison en sous-sol.
Le réalisateur établit une relation malsaine entre les deux protagonistes : le lieutenant incarne à la fois l’image d’une Amérique protectrice et celle d’un père-mari intransigeant, et Gina est l’enfant perdue qui doit être sauvée du péché. Et pour en être lavée, Krebs lui inflige des tortures psychologiques et physiques, que cela soit en l’empêchant de se laver, en la rabaissant à un état d’animal de compagnie ou en objet “érotique”. Lynch nous dévoile ainsi tout le sadisme du film, car pour pouvoir manger ou voir le jour, Gina doit gagner des “points” de bonne conduite auprès du lieutenant. Il faut avouer que tous ces tourments sont plutôt durs, et n’ont de cesse de provoquer une gêne et un malaise constant chez le spectateur.
Lynch permet au spectateur de s’identifier aux deux personnages à la fois. C’est en cela que réside le point le plus sensible et déstabilisant du film. En effet, tantôt le spectateur est attiré par le côté autoritaire et protecteur du personnage de Krebs, tantôt par la révolte et l’envie de vivre en liberté de Gina.
La critique de Lynch sur cette Amérique protectionniste se trouve dans l’opposition entre Krebs (l’Amérique actuelle) et Gina (une Amérique plus déviante), alors que le premier agit sur cette dernière afin d’imposer son mode de vie. Cela n’est pas sans sensiblement rappeler la politique interventionniste des USA.
Mais malgré les scènes dérangeantes et cette critique vraisemblable, The keeper déçoit vite par sa lenteur. La mollesse du film finit par rendre inintéressante la trame de l’histoire. Le montage nous perd parfois dans des scènes qui n’ont aucun intérêt dans le déroulement de l’histoire, comme celles avec les collègues de Krebs. Parfois on se demande même où veut aller le film, comme lorsque Gina se retrouve à supplier un chat de gouttière d’aller appeler à l’aide !
De plus l’un des points négatifs du film réside paradoxalement dans les personnages : ils ne sont pas du tout aboutis ni approfondis… Le jeu d’Asia Argento est réduit à des pleurs et à des rabaissements continuels. Et bien que Hopper fasse mine de jouer avec l’ambiguïté, son personnage reste tout de même sans saveur.
L’accumulation de ces maladresses fait perdre au message du film toute son intensité, pourtant forte au départ.
Du haut de ses 4 millions de dollars de budget, The keeper est un low budget film qui vaut le coup d’être vu car à défaut de passer une heure et demie de stress, le film offre une vision non dénuée de sens sur les rapports humains et sur l’ambiguïté qui peut parfois en découler : sadisme et envie de liberté.


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- Article rédigé par : Dimitri Doradoux

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