The living and the dead

Un texte signé Stéphane Pretceille

Grande-Bretagne - 2006 - Simon Rumley
Interprètes : Roger Lloyd-Pack, Leo Bill, Kate Fahy, Sarah Ball et Neil Conrich

Belle bâtisse dans la campagne anglaise. Un fils et son père sont au chevet, pour l’un de sa mère, pour l’autre de sa femme. Elle est gravement malade et ne doit pas quitter son lit. Le fils souffre d’une déficience mentale et est parcouru de tics nerveux et autres troubles obsessionnels compulsifs. Le père, cherchant à vendre son manoir, doit se rendre en ville. Une infirmière est attendue pour s’occuper de sa femme. Le fils décide de ne pas la laisser entrer et compte bien soigner sa mère lui-même.

C’est un film peu commode. L’histoire en elle-même est antipathique, pas du tout confortable. Un homme déficient mentalement décide de prendre en charge la maladie de sa mère. Progressivement, il va la harceler, la maltraiter et s’enfoncer dans un délire paranoïaque mettant en danger la vie de sa propre mère. Le sujet est difficile, ardu, le handicap mental comme figure d’altérité et moteur de tension dans un film d’horreur. Si le réalisateur parvient à se tirer d’un sujet aussi risqué, c’est notamment grâce à une mise en scène tendue et des acteurs tous au diapason, totalement investis dans leur rôle.

Le réalisateur suit pas à pas la routine du fils, son réveil matinal, sa marche dans les couloirs du manoir, couloirs ressemblant étrangement aux bas-fonds d’une usine, jusqu’à sa prise de médicaments quotidienne. Puis peu à peu, en l’absence du père, l’univers mental du personnage commence à s’effondrer. Ses gestes sont plus saccadés, son débit de parole plus rapide, décousu. Pour traduire cette perte du réel, la mise en scène évolue, se resserre sur le fiston. Son rituel du matin commence à se déstructurer. Une musique électronique bourdonnante, syncopée, accompagne sa marche du matin, de sa chambre à la cuisine. Ces scènes dérangeantes lézardent peu à peu la bonne santé du film. Une espèce de folie s’immisce dans l’air confiné de cette maison. Difficile à certains moments de ne pas penser à la descente en enfer du dernier quart d’heure de REQUIEM FOR A DREAM. On est dans un esprit malade qui peu à peu, tel un virus, contamine la mise en scène, le jeu des acteurs, la bande-son. Le retour au calme ne réapparaîtra que provisoirement avec celui du père.

Il y a des scènes qui mettent mal à l’aise, très proches du documentaire. C’est assez immonde de voir les draps souillés de la mère, pleurant de honte devant son fils. Mais au-delà de ces scènes difficiles, c’est un film foncièrement honnête, il n’y a pas d’effets gratuits. Cette sincérité du réalisateur n’empêche pas le film de souffrir d’un manque d’oxygène, d’une hauteur de vue. Cette famille qui bascule dans le drame, on a envie de la quitter, de s’en défaire rapidement. Étouffant, on devine que ce huit clos se terminera très mal.

Plus que du cinéma, on est dans le fait divers sordide. C’est une expérience à double tranchant, soit on se passionne pour cette banalité de l’horreur, soit on n’y voit aucun intérêt particulier. Ces deux sentiments ne sont pas contradictoires non plus et peuvent être ressentis alternativement.


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- Article rédigé par : Stéphane Pretceille

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