Festival du film Britannique de Dinar 2015review

The Lobster

Dans un futur proche, toute personne célibataire est transférée à l’Hôtel, et a 45 jours pour trouver l’âme sœur. Passé ce délai, elle sera transformée en l’animal de son choix. Pour l’aider, de nombreuses activités sont proposées, du bal dansant au dîner en tête à tête. Chaque nuit, une chasse organisée contre les solitaires permet de gagner des jours de sursis pour ceux ayant la chance d’en attraper. Afin d’échapper à ce destin funeste, un homme choisit de fuir, et se retrouve parmi les solitaires, un groupe de résistants vivants dans les bois.

THE LOBSTER a reçu le prix du jury et une mention spéciale à Cannes, outre 6 nominations supplémentaires (prix du scénario, mise en scène, musique, etc…). Le film bénéficie d’un casting cinq étoiles avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux et Ben Wishaw. Le tout dirigé par le réalisateur grec, Yorgos Lanthimos qui avait été remarqué avec son film précédent, CANINE.

CANINE avait, entre autres, été diffusé à l’Étrange Festival. Il faut dire que ce drame intimiste dans lequel une famille vit sous la domination de parents contrôlant entièrement l’univers de leurs enfants, colle parfaitement à l’atmosphère du festival. Cet univers étouffant, froid à vous glacer le sang, a été appliqué cette fois-ci au monde entier. Dans THE LOBSTER, Yorgos Lanthimos trace un portrait effrayant d’un monde totalitaire.

En effet dans ce monde le célibat est considéré comme une faute grave. Vivre en couple est mieux pour vous proclame-t-on. Une puissante propagande est érigée afin que la population soit obéissante. Pire encore, se balader seul dans la rue est vivement déconseillé, vous êtes aussitôt approchés par des policiers qui vous demandent votre certificat supposé indiqué que votre couple va bien. Malheur donc aux solitaires !

Notre héros est violemment exposé au célibat, puisque sa femme le quitte pour un autre. En arrivant à l’Hôtel il constate qu’il n’est pas le seul. Un homme dont la femme vient de mourir se retrouve confronté à la même obligation : trouver l’âme sœur en 45 jours. La question de période de deuil n’est même pas évoquée. Dans ce monde, froid et austère, la seule chose qui compte est le couple.

Et le couple, nous dit-on, implique un point commun majeur. De la pratique de la musique à la myopie, du handicap physique à l’incapacité à ressentir des émotions, il vous faut partager quelque chose avec l’autre si vous voulez espérer mener une vie de couple. Mais pas d’inquiétude, vous serez aidés. S’il le faut, un enfant peut être adopté afin de permettre au couple de se recentrer. Tout cela donne lieu à des scènes frôlant le ridicule. L’humour absurde est très présent dans THE LOBSTER. Un humour qui permet de souligner le grotesque de la situation comme lorsqu’un personnage se frappe au visage afin de provoquer un saignement de nez dans l’espoir de séduire une jeune femme saignant régulièrement du nez.

Le héros ne parvenant pas à trouver l’âme sœur décide de fuir. Il s’échappe donc de l’Hôtel et rejoint le groupe des solitaires dans la forêt. Seulement, malheureusement pour lui, les solitaires ont des règles tout aussi strictes que les couples. Si ce n’est pire ! La moindre interaction sexuelle ou amoureuse est non seulement proscrite mais punie via des actes de barbarie assez ingénieuse. Ainsi un baiser est puni par ce qu’on appelle le baiser sanglant, consistant en l’ablation des lèvres.
De fait, il n’y a aucun échappatoire, aucune solution, aucune liberté possible. Si l’on quitte le monde normal, celui des marginaux n’est guère mieux.

CANINE était une critique de la propagande et de la censure, THE LOBSTER va plus loin. Critiquant non seulement le système totalitaire autant que la rébellion qui, sous son aspect trompeur de liberté donnée, s’avère être aussi retorse et dictatoriale que le régime. On peut y voir une critique de l’actualité. Évidemment, on pense à ce qu’il se passe en Syrie. Même si cela est valable ailleurs.
Dans ce monde aux règles absurdes, froid et déshumanisé, la seule manière d’être véritablement libre est la mort.

L’image froide colle parfaitement à l’univers. Que cela soit l’Hôtel ou la forêt, plus encore la ville, les tonalités sont bleutés, il n’y a aucune chaleur, aucune couleur vive. Le rouge est d’ailleurs banni excepté lorsqu’il s’agit du sang. Le choix de filmer en pellicule ajoute dans le grain quelque chose de triste et de fataliste qui colle parfaitement au propos. Quant à la musique, les violons déchaînés et rugueux transmettent les émotions du héros : rage, frustration, haine et finalement acceptation.

THE LOBSTER atteint une qualité cinématographique qui montre une certaine maturité du cinéaste. Un auteur ayant encore pas mal de choses à nous raconter. Avec son humour absurde, une tendance d’ailleurs qu’on percevait déjà dans CANINE, THE LOBSTER laisse une note de tristesse : la fatalité déprimante d’un monde en gris et bleu où la liberté a cessé d’exister.

Share via
Copy link