Un texte signé Vincent Trajan

Etats-Unis / Japon - 1959 - George P. Breakston, Kenneth G. Crane
Interprètes : Peter Dyneley, Jane Hylton, Tetsu Nakamura, Terri Zimmern, Jerry Ito

retrospective

The Manster

En 1954, le Japon inscrivait GODZILLA au panthéon des monstres cultes du cinéma de genre, sous un fond d’horreur nucléaire, ô combien encré dans une récente réalité très sombre.
De l’autre côté de la planète, la SF américaine elle, a le vent en poupe, et décline à tour de bras des films de genre sur des toiles de fond différentes. Il n’en fallait pas moins pour que les réalisateurs ricains George P. Breakston et Kenneth G. Crane, décident de tourner THE MANSTER en partenariat avec un obscur studio japonais afin de télescoper deux univers horrifiques, a priori aux antipodes l’un de l’autre…

Le Dr. Robert Suzuki (Tetsu Nakamura, déjà vu dans MOTHRA) est un scientifique japonais qui cherche à créer une nouvelle espèce humaine après avoir fait des expériences sur sa femme, Emiko (Toyoko Takechi) et son frère Kenchi. Quand le reporter américain Larry Stanford (Peter Dyneley) le rencontre pour l’interviewer, le Dr. Suzuki lui inocule secrètement un sérum qui va peu à peu le transformer… en monstre !

Pour ce faire, le Dr. Robert Suzuki initie le journaliste aux joies de la luxure, du stupre et de la fornication avec des geishas et lui fait perdre tous ses repères moraux. Ainsi, l’homme tombe amoureux de Tara (Terri Zimmern), la secrétaire du mystérieux savant, avant de répudier violemment sa femme.
Mais peu à peu Larry Stanford s’aperçoit que son changement psychologique s’accompagne aussi d’un changement physique impressionnant : sa main se transforme en serre poilue et griffue et un œil est apparu sur son épaule. Le jeune reporter croit perdre la raison et s’enfonce dans une folie destructrice qui le pousse au meurtre…

Au-delà de l’aspect horrifique du film, la toile de fond nippone est une plus value intéressante dans THE MANSTER, car elle permet de confronter la culture asiatique et occidentale au travers du récit de George P. Breakston et Kenneth G. Crane. Le spectateur d’il y a cinquante ans découvrait donc un univers asiatique qu’il ne connaissait pas forcément (les rites religieux dans les temples bouddhistes, le mode de vie à la japonaise, les rapports sociaux de la communauté…) et même de nouveaux décors comme le mont Fuji ou les maisons traditionnelles nippones. Mine de rien, c’est cet aspect “exotique” qui permet à THE MANSTER de tirer son épingle du jeu et de se démarquer des autres bobines de l’époque.

Car sur le fond, force est de constater que le long métrage évolue sur le sentier balisé et (ra)battu d’un DOCTEUR JECKYL ET MISTER HYDE qui ne propose aucune véritable originalité : peu à peu Larry Stanford s’enfonce dans la folie puis devient de plus en plus odieux et agressif vis-à-vis de ses proches et plus particulièrement de sa femme qu’il délaisse. Et même, si Peter Dyneley offre une excellente prestation dans son rôle d’homme en perdition, il n’en reste pas moins que sa descente aux enfers reste assez convenue (il devient accro à l’alcool, impoli, violent…). Bref, à l’est rien de nouveau…

Cependant, THE MANSTER offre quelques passages très intéressants notamment avec la lente transformation physique de Larry Stanford au fil de la “poussée” du monstre (un œil apparaît sur son épaule avant qu’une seconde tête ne pousse…) ou au travers de quelques bonnes scènes, comme celle du meurtre du moine bouddhiste au sein d’un temple.
Evidemment, les maigres moyens japano-américains alloués au film ne permettent pas à George P. Breakston et Kenneth G. Crane de mettre le paquet sur les effets spéciaux, mais les deux réalisateurs réussissent à s’en tirer avec les honneurs, grâce à quelques cache-misère peu subtils mais qui tiennent cependant la route (la scène du dédoublement du monstre derrière un arbre…) ainsi qu’à des maquillages assez réussis pour l’époque qui collent parfaitement avec l’ambiance générale (le visage d’Emiko).

A l’arrivée, THE MANSTER s’avère être une pellicule assez distrayante, même si elle est loin de rester dans les annales du film de genre. L’apport de la culture japonaise dans cet univers de “film de monstres” rappelle de manière (in)consciente le GODZILLA de 1954 et donne une singularité bien attachante à l’ensemble, plus de cinquante ans après sa sortie…


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- Article rédigé par : Vincent Trajan

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