The Ninja Wars

Un texte signé Franck Boulègue

Japon - 1982 - Mitsumasa Saito
Titres alternatifs : Iga ninpôchô
Interprètes : Hiroyuki Sanada, Noriko Watanabe, Akira Nakao, Sonny Chiba, Mikio Narita

Excellente surprise que ce NINJA WARS, film d’action épique et enlevé prenant place dans le Japon médiéval durant la période Sengoku (1478-1605), « l’âge des provinces en guerre ». Les raisons de ce succès sont multiples : bon scénario, réalisation solide, qualité de l’interprétation dans son ensemble…
Dès les premières images, il est évident que le réalisateur connaît son métier. La confusion qui règne sur le champ de bataille ici dépeint est remarquablement transcrite à l’écran. Pourquoi les hommes se battent-ils, interroge la voix-off ? On se le demande en effet, à la vision du chaos, de la désolation qui s’empare de ces lieux suite au combat. Ces plans semblent échappés du RAN d’Akira Kurosawa, ce qui n’est pas un mince compliment. La période Sengoku vit l’archipel nippon se déchirer en d’incessantes guerres civiles avant que Tokugawa Ieyasu n’unifie le pays au début du XVIIème siècle. Ce fut une époque de turbulences sociales, d’intrigues politiques et de conflits militaires quasi constants.
Un certain prêtre Kashin (Mikio Narita) prospère sur ces scènes de carnage (la ressemblance entre ce prêtre famélique et le Devin issu d’un célèbre album d’Astérix et Obélix est assez surprenante : même teint blafard, même constitution maigrelette, même prétention à lire l’avenir, etc.). On nous le présente comme un occultiste, une sorte de nécromant à même de ramener les morts à la vie. C’est lui qui va enclencher le récit de NINJA WARS en incitant Danjo Matsunaga (Akira Nakao), un seigneur local (un « daimyo »), à tenter de gagner le cœur de la fille du Shogun, Lady Ukyo (Noriko Watanabe). Il lui déclare en effet que celui qui s’emparera de son cœur deviendra le nouveau Shogun, celui qui unifiera la nation.
Alors qu’elle est déjà mariée au chef de la garde du Shogun actuel, Lord Miyoshi, Kashin va pousser Danjo à capturer ses grâces en concoctant une potion magique aphrodisiaque. Afin de l’aider à mener à bien cette mission, il met à sa disposition ses cinq hommes (et femmes) de main, de redoutables guerriers aux pouvoirs surnaturels (pouvoirs qui semblent sourdre de leurs chapeaux en forme d’abats jours) : l’un d’entre eux (Suiji) vomit une bile jaunâtre à plusieurs mètres de distance sur ses adversaire, un autre (Rasetsu) vole et lance une serpe-boomerang qui étête ses ennemis avant qu’ils aient eu le temps de dire « ouf ! », un troisième se prend pour Zatoichi et possède une force surhumaine… Réunis, ils forment un gang d’impitoyables ricaneurs.
De manière à préparer la fameuse potion, il va s’agir pour cette troupe de recueillir lors d’un viol les larmes de la sœur jumelle de Lady Ukyo, une certaine Kagaribi (interprétée elle aussi par Noriko Watanabe). Ces larmes, mélangées à des herbes, devront alors être cuite dans une théière de renom, marquée d’une araignée, afin de produire la décoction voulue.
Voilà pour le plan.
Ce que notre devin n’avait pas prévu, en revanche, c’est que le fiancé de Kagaribi se révélerait être un ninja de haute volée, bien décidé à contrecarrer ces sombres machinations. Il sera mystérieusement secondé dans cette tâche par un vengeur masqué. Il ne s’agit rien de moins que de Sonny Chiba (ou pour être plus en phase avec le récit : de Shinzaemon Yagyu).
Faite prisonnière, Kagaribi préfère se suicider plutôt que de participer contre son gré à ces intrigues. Elle se sectionne la tête à main nue, de la même façon qu’elle tranchait encore peu auparavant les roseaux de la campagne environnante. Car en effet, tout comme Jotaro, elle était apprentie ninja. L’engeance patibulaire qui l’a faite prisonnière ne se laisse pas démonter par si peu : ils tranchent à leur tour le chef d’une servante (Isaribi), et pratiquent un prompt échange des deux têtes, qu’ils fixent à nouveau sur leurs cous respectifs…
Toute l’intrigue, à partir de ce point, va consister en un jeu du chat et de la souris entre ces avatars de Kagaribi (Lady Ukyo et les deux entités qui portent encore soit sa tête, soit son corps proprement dit) et le reste des personnages. Qui est qui ? C’est ce que Jotaro, Lord Miyoshi et Lord Yagyu devront parvenir à découvrir afin de stopper net les visées de Danjo et de Kashin.
Plusieurs scènes de NINJA WARS sont on ne peut plus mémorables : la destruction par les flammes du temple Todai au sein duquel siège un Bouddha monumental ; un combat sous-marin entre Jotaro et Suiji, filmé depuis la surface du lac où il se déroule, perceptible uniquement à travers le trajets des bulles remontant des profondeurs ; les orages surnaturels qui signalent l’arrivée de Kashin, surtout le premier durant lequel Chiba tranche littéralement l’écran afin de révéler la présence du prêtre dégénéré ; la séquence finale, sise en Enfer, reprenant une imagerie chrétienne omniprésente dans le métrage… Les effets spéciaux sont à chaque fois fort bien intégrés au flot du récit, ils savent se mettre à son service et non l’inverse.
NINJA WARS est par conséquent chaudement recommandé à tout amateur de films de samouraïs à connotation surnaturelle. On ne s’ennuie pas un seul moment à sa vision.


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- Article rédigé par : Franck Boulègue

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